Loiret : la route de la Rose .
« La Route de la Rose » chemine autour de d quinze jardins et producteurs : roseraies, r parcs, pépinières, jardins anglaisa ou à l’italienne, arboretums. Un itinéraire parfumé et bucolique dans le Loiret, agrémenté de quelques visites de châteaux. Mignonne, allons voir si la rose…
La rose est la fleur la plus bouturée au monde, une des premières cultivées par l’homme à des fins ornementales. C’est un symbole de beauté et d’amour. Son histoire commence en forêt au Moyen Âge, où l’églantier est cueilli et greffé. En sol fertile, la rose s’épanouit et le Loiret compte dès le XVIIIe siècle nombre de pépinières renommées. La Loire permet les échanges et le transport des plantes et des graines. Et avec le climat doux et propice, l’arboriculture et l’horticulture se développent au XIXe siècle.
Au XXe siècle, l’Orléanais devient la capitale de la rose et accueille les premières Floralies internationales de France. Bellegarde est le premier « Village des Roses ». On compte une quinzaine d’obtenteurs aujourd’hui en France. Ce sont eux qui sont à l’origine de nouvelles variétés de roses. Celles-ci sont obtenues par hybridation et leur nom est déposé, une sorte de propriété intellectuelle du rosiériste. Si les « parents » du futur rosier sont connus, il faut réaliser des milliers de semis pour obtenir une ou deux plantes prometteuses. Elles sont alors multipliées par greffage et, après six à dix ans de tests et d’observation, elles peuvent être présentées en concours, puis commercialisées.
Au nom de la rose
Comme tout théâtre qui se respecte, celui des Minuits possède une entrée cour et une entrée jardin. Installée dans une ancienne ferme au coeur des ruines d’un château des XIIIe et XVe siècles, à La Neuville-sur-Essonne, dans le nord du Loiret, la troupe compte dix permanents. Le théâtre a ouvert au public en 2007 et le jardin depuis 2016 seulement. On y vient écouter des opéras et des concerts, visiter des expositions, voir du cirque et surtout assister à des représentations théâtrales. Voilà pour le côté cour. Pour le côté jardin, on y pénètre par une forêt interdite qui occupe une sorte de châtelet d’entrée accueillant le visiteur et donnant accès aux différentes parties du jardin. Sur quatre talus, ont été plantés des arbres à écorces remarquables : bouleaux américains et asiatiques, poivriers du Sichuan, érables à peau de serpent ainsi que des buissons destinés à l’abri et à la nourriture des animaux. On les traverse par un chemin creux. L’accès des talus est interdit au public, y compris aux jardiniers. Cette partie « sauvage » contraste avec l’espace paysager, que l’on doit au célèbre obtenteur André Eve. Aucun produit de synthèse n’est utilisé. Place est faite à la biodiversité avec La Noue, un petit affluent de l’Essonne, les espaces « sauvages », une prairie, les insectes, les oiseaux. Les rosiers sont entourés de vivaces, leurs meilleurs compagnons. Une visite guidée est organisée le dimanche à 17h ou sur demande. On peut également faire une balade sonore, casque sur les oreilles à l’écoute de la voix d’André Eve, commentant chacune de ses créations et parlant de ses rosiers et de la roseraie, qu’il a lui-même dessinée et plantée. L’entendre évoquer, de sa douce et chaleureuse voix, ses roses en visitant sa roseraie est une expérience privilégiée à ne pas rater. La roseraie André Eve réunit toutes ses obtentions présentées en compagnie des rosiers parents, qu’il a utilisés pour l’obtention. C’est-à-dire, les « pères » et « mères » qui leur ont donné naissance. La « mère » apporte le port et la résistance, le « père », la couleur, la forme et le parfum. C’est le travail de l’obtenteur avec ce qu’il implique de recherche, de passion, de volonté, de respect du hasard et du temps, qui est mis en valeur. C’est le conservatoire unique d’un chapitre de l’histoire de la rose, au total 270 rosiers et 101 variétés que le grand obtenteur créa de 1961 à 2015. On y découvre les rosiers « Sylvie Vartan » et « Lilli Marlène » qui ont donné naissance à la « Prestige » de Bellegarde, en 1974. Un des « grands » rosiers d’André Eve. La Julie fait partie des collections. C’est une rose qui ne fleurit pas mais qui possède un parfum puissant ; elle est très utilisée en hybridation. Le rosier « Mme A. Meilland » est bien sûr présent. Il fut le premier à faire l’objet d’un dépôt de brevet. Le rosiériste Francis Meilland le nomma ainsi en mémoire de sa mère, Mme A. Meilland. Obtenu en 1942, il est médaillé d’or et a reçu la mention « Plus Belle Rose de France » au Concours international de roses nouvelles de Lyon. Il est envoyé partout dans le monde par Meilland à la veille de la Seconde
Guerre mondiale. Après la guerre, il connut un succès inattendu aux Etats-Unis, où il est appelé « Peace ». Il obtint l’AARS (All America Rose Selections), récompense la plus prestigieuse aux USA, qui offrit une rose « Peace » aux délégués de la conférence de la future ONU en 1945, à San Francisco. La petite histoire dit que Mme Roosevelt en tenait un bouquet lors des cérémonies de la victoire. C’est un rosier à très grandes fleurs, souvent doubles. La couleur dominante est le jaune bordé de rose variant selon la nature du sol et le stade de floraison. C’est le rosier le plus cultivé et le plus célèbre. Il y en aurait plus de 100 millions plantés dans le monde ! Son feuillage est vert foncé, il est remontant et très résistant aux maladies. Il fleurit de l’été aux premières gelées. On en fait de superbes bouquets.
Huit années d’observation
Changement de décor à la pépinière des roses anciennes et nouvelles André Eve. Cette entreprise de production de rosiers a une clientèle de particuliers. 600 variétés sont disponibles en racines nues et 210 en conteneurs. On peut acheter sur place, mais aussi sur le site internet et se faire livrer. On y fait de la création variétale et 30 000 graines sont semées tous les ans. On ne lance une nouvelle variété qu’après huit ans d’observation. On y trouve par exemple, la « Red parfum », un grimpant délicieusement parfumé, la « Sylvie Vartan » et la « Prestige » de Bellegarde qui sont des buissons, ou encore le rosier « Jardin de Granville, » choisi par Dior pour la fabrication de ses cosmétiques. À Montbarrois, entre Pithiviers et Montargis, Patrick Mazure a acquis le manoir de la Javelière en 1992. Le parc, « Jardin Remarquable » depuis huit ans, présente 650 variétés et plus de 1 200 plants. Il se divise en deux jardins. L’un à l’italienne offre 450 variétés sur deux hectares. L’autre, plus exubérant, prend place dans une prairie sauvage et se dévoile au fil d’un sentier entourant une pièce d’eau. On y découvre une collection rare de rosiers de Chine, d’Amérique et du Moyen-Orient. Les 300 taxons de ce rosarium sont agréés par le Conservatoire des collections végétales spécialisées. C’est à Meung-sur-Loire que Les Jardins de Roquelin ont ouvert en 2005, avec la collection personnelle de Stéphane Chassine, qui fut l’élève d’André Eve pendant dix ans. Ce jardin à l’anglaise présente 500 variétés de rosiers et tout spécialement des roses anciennes entremêlées de vivaces et d’arbustes d’ornement. Le désherbage se fait à la main, sans aucun produit chimique. Le chat « Lala » vous accompagnera dans votre visite, suivi de la chienne de la maison « Joséphine ». On y croise oies, coqs et moutons. La « Long John Silver », toute blanche, embaume l’air de son puissant parfum. Une clématite Jackmanii s’épanouit au pied d’un rosier « Ghislaine de Féligonde », en un mélange de couleurs du plus bel effet. Si ce jardin a un rôle de conservation, d’hybridation et de vente, c’est aussi un endroit où il fait bon se perdre et lâcher prise. Tout y invite au calme, à l’apaisement. À Orléans, le Parc Floral de la Source a une superficie de 35 hectares et a été inauguré en 1965. Les premières Floralies internationales de France y furent organisées en 1967. On vient pour sa roseraie de 500 pieds présentant 200 variétés. Ils sont agencés autour d’un miroir d’eau doté d’un jet central. Le farniente au son de l’eau, allon
gé dans un des transats, est délicieux. Toujours à Orléans, le Jardin des Plantes s’étend autour d’une serre monumentale de 1835. La roseraie offre un enchevêtrement de 600 variétés de roses. Elles ont toutes participé au Concours international de roses annuel. Contrairement aux roseraies classiques, les roses foisonnent ici en toute liberté sur une idée del’ architectepaysagiste Jean G relier. C’est une des plus belles roseraies de France. Tous les ans, 40 à 55 nouveaux rosiers sont présentés au public et au jury. Sur la Route de la Rose, le château de La Bussière est une étape particulière. « Le Château des Pêcheurs » se reflète dans une grande pièce d’eau qui l’encercle pour moitié. On peut s’y promener en barque, ou se balader à pied dans le parc. À l’intérieur du château est proposée une sublime collection d’objets autour de la pêche : gravures, oeuvres d’art, matériel de pêche, cannes anciennes en bambou, mouches, bouchons, hameçons, moulinets et même un étonnant coelacanthe baignant dans le formol. Le jardin fait la fierté de la dynamique et sympathique châtelaine, Laure Bommelaer. Il est « Jardin Remarquable » depuis 2004. Il vaut par le superbe potager qu’il abrite et qui a gardé son tracé du XVIIIe siècle. Une centaine de rosiers s’y épanouissent au milieu des légumes anciens, des arbres fruitiers, des buis taillés et des fleurs annuelles et vivaces. La Bussière peut se targuer de posséder une variété qui porte son nom, le rosier grimpant « Château de la Bussière » – une obtention d’André Eve de mai 2015 – médaillé d’or à Rome que Laure Bommelaer lui avait commandé pour sa mère Geneviève de Chasseval.
Un château qui a vu du beau monde
En Sologne, le château de la Ferté SaintAubin se mire dans les eaux de la rivière Corson. C’est la propriété de Lancelot Guyot qui, comme ses parents et son frère, fait revivre des châteaux en ruine en les restaurant et en les ouvrant au public. On peut participer à un escape game, ou, plus original, y passer une nuit. Le jeu en vaut la chandelle. Le château de Sully-sur-Loire ouvre la route de la vallée de la Loire. 700 ans d’Histoire se reflètent dans ses douves. Les Romains avaient déjà fortifié la place pour défendre le pont sur la Loire. Son histoire démarre en 1102. Un donjon lui est ajouté en 1395 pendant la Guerre de Cent Ans. Il fut la propriété du duc de Sully, ami et ministre de la guerre et des finances d’Henri IV, qui l’acheta en 1602 pour 126 000 livres. Sa fortune personnelle à l’époque est estimée à cinq millions de livres. Sully collectionnait les châteaux, comme d’autres les roses. Il en possédait quinze. Jeanne d’Arc y a été reçue par Charles VII en juin 1429 après le siège d’Orléans. Voltaire y est venu quatre ou cinq fois. Au premier étage, la salle d’honneur mesure trois cents mètres carrés, le plafond est à 7 m au-dessus du sol. On y trouve la chambre du roi Henri IV, mais celui-ci n’y est jamais venu. Louis XIV, lui, y aurait passé deux jours durant la Fronde. La charpente date du début du XVIe siècle, les trois quarts sont d’époque. Elle est en
berceau brisé, gothique en forme d’ogive. Elle mesure 15 m de haut, 39 m de longueur et 14 m de large. Viollet-le-Duc y consacre deux pages dans son « Dictionnaire de l’architecture ». À 25 km au sud-est, en longeant la Loire, on arrive à Gien. Autre ville, autre château. Ici, pas d’aspect défensif pour cet édifice Renaissance. Le château-musée de Gien, après avoir un temps abrité la sous-préfecture, la prison et le tribunal, propose aux visiteurs, dans une toute nouvelle muséographie, les thèmes de la chasse au vol, à courre et à tir. Ne polémiquons pas, il y a les pour, et les contre ; les amateurs s’émerveilleront, les néophytes découvriront cette histoire indissociable de celle du Val-deLoire et de la chasse en général. On y trouve aussi une collection de chaperons, ou petite coiffe de cuir dont on recouvre la tête et les yeux des rapaces pour les aveugler afin qu’ils restent calmes et ignorants de tout ce qui se passe autour d’eux jusqu’à la chasse. Y figure également une remarquable collection de 840 boutons d’équipages de vénerie, dont ceux de Louis XVI et Louis XVIII, de Napoléon Ier, ou encore ceux de Sarah Bernhardt, la chasse n’étant pas l’apanage des hommes, comme en atteste notamment la collection de la baronne de Draëck, qui compte à son tableau de chasse près de 700 loups. On y apprend que, déroulée, une trompe de chasse mesure 4,50 m ou que le chien possède un odorat mille fois plus fin que nous. Une peinture représente « Nonette », la chienne préférée de Louis XIV. On découvre aussi la différence entre un « trophée » et un « massacre » : le premier présente la tête de l’animal naturalisé, le second seulement les os et les bois. Certaines expressions proviennent directement de la chasse, comme on s’en rend compte au fil de la visite. Par exemple, « être niais » indique un excès de simplicité ou le manque d’expérience ; le faucon niais est celui qui, capturé au nid, ne sait pas encore voler ; « faire carrière » fait allusion aux paliers successifs du faucon qui prend de l’altitude ; « donner de la voix » fait allusion au chien courant pour signaler le gibier ; « être aux abois » fait référence à la chasse à courre, les abois désignant le moment où l’animal traqué, entouré par la meute, se retourne pour faire face aux chiens ; « avoir du plomb dans l’aile » évoque un oiseau qui, blessé à une aile, perd de la force ou se déplace avec difficulté ; « un froid de canard », car les mois d’automne et d’hiver correspondent à la période de la chasse aux canards sauvages, qui est la plus froide de l’année. Enfin, et pour achever cet itinéraire, non loin des jardins de Roquelin, le château de Meung-sur-Loire a plus de 800 ans. Il fut remanié au XVe siècle. La chapelle néoclassique date de 1780. Résidence des évêques d’Orléans à partir du XIIe siècle et jusqu’à la Révolution française, il fut libéré ainsi que la ville par Jeanne d’Arc en 1429. La visite permet de découvrir plus de deux mille objets présentés en une vingtaine de pièces meublées. Un voyage dans le temps sur la thématique de l’art de vivre à la française. On y visite la cuisine médiévale, l’herboristerie, le fumoir, la bibliothèque Directoire, la salle à manger ou encore la salle de bain de l’évêque, très raffinée pour l’époque.