En longeant la rivière Espérance
Ce dernier circuit corrézien débute par deux révélations : un joyau de village, Beaulieu-sur-Dordogne et son incroyable richesse patrimoniale, et la découverte d’un excellent vin de paille.
Le rideau se lève sur les berges idylliques de la r iv ière Espér ance, à Beaulieu-sur Dordogne, dans le sud de la Corrèze. Et si le 45e parallèle Nord passe à Beaulieu, vous flânerez devant le monumental portail roman de l’église abbatiale Saint-Pierre, la maison Renaissance classée. Rue et ruelles, au nom parfois bizarre – rue des Estremouillères (partie mouillée où l’on faisait paître les vaches) –, jardins agrémentés de bananiers, lilas des Indes... la cité marchande est séduisante. Elle doit beaucoup à la rivière, la Dordogne qui, autrefois navigable, « était marchande ». Aujourd’hui, sa promenade à pied fait des heureux autour de la chapelle des Pénitents et son clocher-pignon. Et ses balades en gabare, embarquement à deux pas ! Pour ne rien rater des choses qu’il faut voir, poussez la porte de l’office de tourisme, installé sur la belle place Marbot. L’année dernière, Beaulieu englobait Brivezac, où vous rendrez visite à Jean Mage. Le Domaine de Chirac, ferme typique de basse Corrèze, est à 5 km au nord de Beaulieu. Jean, membre du réseau France Passion, reçoit volontiers les camping-caristes. Pour l’anecdote, des Jean il y en a depuis 1732, dans la famille : «Tous les aînés se prénomment Jean. Je n’ai pas échappé à la règle. » Il est surtout vigneron. « La vigne et la Corrèze ont toujours fait bon ménage. Mais au XIXe le phylloxéra a tout emporté. » Depuis, une poignée d’irréductibles vantent, depuis trois ans, les mérites de son AOC Corrèze, vins tranquilles rouges et blancs. Jean produit un vin blanc et rouge (de 0 à moins de 80 mg de sulfite) sur 3,85 ha. « Je suis en bio depuis 2007. Plus de 30% – bientôt 50% – du vignoble corrézien sont en bio. » Devant des claies où le raisin est en dessèchement naturel, il parle de son vin paillé. En Corrèze, on retrouve la trace de ce vin liquoreux dès le Moyen Âge. « Cépages rouges, blancs, le raisin récolté à la main
est mis à sécher sur des claies : c’est le passerillage. Il s’enrichit en sucre. Pas de pourr issement, contrairement au Sauternes. Pressé, le jus fermente 24 mois en fût pour une montée douce, en alcool.» IGP (Indication Géographique Protégée), le vin… paillé corrézien a perdu son adjectif. Il faisait de l’ombre aux producteurs du Jura. Les étiquettes ont été modifiées, mais le vin… paillé de Jean a gagné en qualité. « Aujourd’hui il est bio ! Je le sers en apéritif. Mais je l’aime avec un foie gras, du fromage ou un dessert. » En remontant le cours de la Dordogne, vous remonterez le cours de l’Histoire. Sous le pont de la République à Argentat-surDordogne, la vie s’écoule, paisible, au son de la rivière. Aux XVIIIe et XIXe siècles, ses quais étaient encombrés d’hommes et de femmes, de matériel, de bois de tonnellerie, de bateliers et de gabares. À peine 30 km séparent Argentat d’Auriac. Et le site des Tours de Merle, qui passe par la D13 – elle franchit les eaux de la Maronne grâce au pont de Merle, très design, tout en bois – dans un paysage accidenté, couvert de forêts, bâti sur un éperon rocheux, semble surgir d’un décor de film fantastique. Les tours suscitent bien des questions auxquelles un service d’accueil se fera le plaisir de répondre. Auriac – à peine 230 habitants – est discrète, et cependant, connue dans l’univers des spas, de Hollywood à Moscou, de Venise à Paris, d’Osaka à Québec. L’origine des cosmétiques « Sothys », fabriqués à Meyssac et… Miami, se trouve ici même : son créateur, Bernard Mas est corrézien. Et il a redonné vie à la ferme familiale avec « Beauty Garden », gamme entièrement bio. Carole Valette, experte en herboristerie et créatrice : « On cultive toutes nos plantes, nos légumes, dans ce jardin-potager. Dès qu’une variété est mûre, elle est cueillie, transformée ou séchée pour les tisanes. Masque potimarron, concombre, crème à la carotte violette, c’est très frais et 100% bio ! Et sans huile de palme ! » Quant aux jardins Sothys d’Auriac ? Ils se visitent. Gageons que dans les allées de senteurs, cette vitrine sensorielle vous fera découvrir un aspect méconnu de cette Corrèze qui n’en finit pas de surprendre !