Lozère : on se met au vert !
Gorges du Tarn, Mont-Lozère, Grands Causses : le département le plus élevé et le moins peuplé de France déploie des paysages sauvages qui évoquent les steppes de Mongolie ou les canyons du Nevada. Ce « désert français » situé au milieu de la diagonale du vide héberge le vautour, l’aurochs, le loup et le cheval de Przewalski (sans oublier la Bête du Gévaudan !) ; c’est aussi le territoire des sources et la mère des eaux de l’Occitanie. Entre Margeride et Cévennes, voici un voyage idéal pour se… ressourcer au coeur d’une nature à la fois âpre et belle, où l’accueil est convivial et le stationnement facile (presque) partout !
Passé l’Aubrac, les panneaux de l’A75 annoncent le Gévaudan et son Parc des Loups. Nous prenons donc la sortie 37 et notre premier contact avec le territoire le moins peuplé de France (15 habitants au km2) va se faire avec les animaux les plus redoutés des temps anciens : les loups. C’est le mystère de la Bête du Gévaudan qui, en 1985, a inspiré au naturaliste Gérard Ménatory un projet ambitieux : réhabiliter les loups qui, selon lui, ne sont pas si méchants que ça, du moins vis-à-vis des hommes ! D’ailleurs la Bête monstrueuse du XVIIIe siècle était-elle un loup? Peu probable car le loup s’attaque aux quadrupèdes et rarement aux bipèdes qu’il craint et fuit. Or à l’époque (1764-1767), si on recensa une centaine d’humains tués par la Bête, pas un mouton ne fut attaqué. Le Parc des Loups du Gévaudan compte 120 animaux venus de tous pays. Sur 30 hectares on approche les loups qui vivent en famille dans de vastes enclos où les soigneurs entrent sans crainte lors des visites. Le plus grand parc de loups en Europe a concocté des innovations pour 2020 : nouveaux enclos, possibilité de dormir au milieu des loups… et retour de la Bête du Gévaudan!
Le pays des lauzes
Ancienne province du Gévaudan, la Lozère tirerait son nom des lauzes qui couvrent les toits des maisons sur les hautes terres. Car c’est le département le plus haut de France avec une altitude moyenne de 1 000 mètres ; une élévation due aux plateaux granitiques qui occupent le nord (Aubrac, Margeride), aux Causses calcaires du sud et au puissant massif cévenol du Mont Lozère. Toutes ces hauteurs sont sources de rivières : Tarn, Lot, Allier et affluents. Notre première étape, Marvejols, une petite ville active à l’accent déjà languedocien, traversée par une rue moyenâgeuse qui relie deux portes fortifiées avec tours rondes et mâchicoulis. Chaque samedi le marché s’étale au pied de la tour nord, pas très loin de l’aire de camping-cars installée en ville près de l’église. De Marvejols, nous descendons vers Mende, préfecture de 12 000 habitants, dans la haute vallée du Lot. Circulation facile et une aire à deux pas du centre historique, au pied de la carte postale, le pont Notre-Dame. Construit en dos d’âne au XIIIe siècle, ce témoin majeur de l’histoire locale a longtemps été le seul passage sur le Lot. Restauré, il est aujourd’hui piétonnier et compose avec les maisons coiffées de lauzes un ensemble harmonieux d’où émerge la cathédrale. Edifiée à partir de 1368 par le pape Urbain V (né dans la région), elle devait exprimer la toute-puissance des évêques ; son grand clocher de style gothique flamboyant dépasse les 80 mètres. L’intérieur abrite une suite de tapisseries d’Aubusson et une vierge noire ramenée de Palestine par les Croisés. Chaque jeudi en juillet-août, un concert vient réveiller la vieille dame ! Mende est une ville discrète, néanmoins animée l’été avec ses terrasses de cafés, ses ruelles ombragées, ses marchés, ses boutiques paysannes. Au coeur de la Lozère, Mende est aussi le point de départ vers les grands espaces qui l’entourent de toutes parts. Nous choisissons la N88 qui file vers le nord-est à travers la Margeride. Perché à près de 1 300 mètres, Châteauneuf de Randon est un village-forteresse où mourut en 1380 le connétable Duguesclin dont la statue de bronze veille sur la place. Si vous allez au bout de l’éperon granitique, vous avez une vue panoramique sur ces terres de Margeride colorées par les bruyères et piquetées çà et là de grosses fermes isolées. Dans ce décor silencieux et presque désert, nous roulons sur la petite D3 pour atteindre Le Giraldès, un hameau qui abrite
depuis quatre générations la famille Amarger. Dans sa ferme, Alexis Amarger élève et bichonne l’ancêtre de nos vaches : l’aurochs qui a été domestiqué 8000 ans avant J.-C. Avec ses cornes en forme de lyre et son envergure, il a inspiré le Minotaure. Il a disparu au XVIIe siècle puis est réapparu au XXe à l’initiative d’éleveurs qui ont reconstitué la race par des croisements successifs. Dans les prés du Giraldès (dont l’un reçoit les camping-cars du réseau France-Passion), vous apercevez ces fières silhouettes préhistoriques revenues miraculeusement dans le XXIe siècle…
La Route Régordane
Retour sur la N88 puis la D6 pour rejoindre La Bastide Puylaurent. A Chasseradès passe le célèbre chemin de Stevenson. L’écrivain écossais âgé de 28 ans entreprit à l’automne 1878 de relier Le Puy-en-Velay à Saint-Jean du Gard : 220 kilomètres de sentiers incertains traversant le Mont-Lozère et les Cévennes dans des décors sauvages de toute beauté ; pour porter ses bagages Stevenson était accompagné d’une ânesse nommée Modestine. « Voyage avec un âne dans les Cévennes » fut publié en 1879. 140 ans plus tard, le désormais GR 70 est ouvert à tous les amateurs de randonnée. Si le coeur vous en dit, il vous faudra douze jours pour faire ce voyage d’exception qui vous transporte dans le temps, la littérature et le rêve de paysages immortels. Vous pouvez aussi vous limiter à un tronçon, à pied, en vtt, avec un âne ou un cheval. Vous serez émerveillé(e) par ces matins d’été qui dévoilent, derrière les écrans de brume, d’épaisses forêts de hêtres, des pâturages et des marais, des chaos granitiques et des vallées profondes. Notre monture motorisée nous amène à La Bastide, aux confins de l’Ardèche, village connu pour son abbaye Notre-Dame-des-Neiges où Stevenson fit une étape. Nous sommes sur la D906 qui relie Langogne à Alès doublée de la ligne du train Cévenol. Nous sommes aussi sur l’antique Route Régordane, voie romaine Languedoc-Auvergne, fréquentée au Moyen Âge par les pèlerins et les régourdiers (muletiers) qui transportaient châtaignes, sel, vin et fromages ; et il y avait les brigands qui trouvaient refuge dans « l’antre du diable », au fond des canyons. C’est pourquoi au Xe siècle, pour protéger les voyageurs, les évêques de Mende décidèrent de construire sur le plateau un poste de garde avec une enceinte et un châteaufort : La Garde-Guérin aujourd’hui classé Plus Beau Village de France. Mais, en arrivant par la D906, il faut d’abord s’arrêter au belvédère de Chassezac : on y découvre un abîme vertical, des gorges granitiques où coule une rivière sauvage, le Chassezac, et partout des rochers et des falaises. Planté sur le bord de l’abîme, un village de pierre surmonté de son donjon semble surgir du passé, entouré d’une végétation jaunie par les chaudes journées d’été. On comprend alors la raison d’être de La Garde-Guérin : de là, on pouvait sécuriser la Route Régordane.
Plus au sud, on débouche sur Villefort au pied du Mont-Lozère, station verte… et bleue grâce à son lac de barrage : sept kilo