La vie de château
Cette année, le Val de Loire fête les vingt ans de son inscription au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, au titre des paysages culturels. L’occasion de feuilleter quelques pages d’Histoire dans un cadre enchanteur.
L a proximité de Paris, les forêts giboyeuses et le climat très agréable du Val de Loire incitèrent les rois de France de Louis XII à Louis XIV à ériger leurs châteaux le long des rives du Cher et de la Loire. En 2019, le château royal de Chambord fêtait ses 500 ans. Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1981, sa construction fut ordonnée par François Ier, très inspiré par l’art et l’architecture italienne. Après sa victoire à Marignan et son sacre en 1515, ce devait être un symbole de puissance et d’esthétisme. Son plan en croix habituellement réservé aux édifices religieux et la couronne surmontée d’une fleur de lys au sommet de la tour lanterne symbolisent l’aspect divin de son pouvoir. L’escalier central à double révolution, certainement dû à Léonard de Vinci, permet de monter de chaque côté sans jamais se croiser, sans pour autant se perdre de vue - une prouesse architecturale pour l’époque. Il étonne encore. Le domaine qui l’entoure s’étend sur 5 400 ha, la taille de Paris ; le mur d’enceinte mesure 32 km. Il fut le lieu de chasses et de fêtes somptueuses. Mais à l’époque, la cour est itinérante et François Ier ne s’y rendit que dix-huit fois, soit une cinquantaine de jours en tout. Il y convia son pire ennemi Charles Quint en 1539, pour l’impressionner. Resté inachevé, Chambord est redécouvert par Gaston d’Orléans contraint à résider dans le Comté de Blois. Il le reçoit de son frère Louis XIII, contre lequel il intrigua, un exil doré en somme. Gaston se passionne pour le domaine et ordonne sa rénovation. Le Roi-Soleil, Louis XIV, son oncle, fera achever les travaux et engagera la canalisation du Cosson. Il s’y rendra huit fois, y séjournant trois semaines en tout… Lully y organise de grands divertissements et Molière y jouera la première du « Bourgeois gentilhomme » en 1670. Stanislas Leczinsky, roi de Pologne en exil, y résidera huit ans se plaignant des « fièvres de Sologne » qui déciment sa cour (le paludisme). En effet Chambord est bâti sur un marais. Le général de Saxe nommé gouverneur à vie par Louis XV achèvera la canalisation et l’élargissement du Cosson, ainsi que les jardins à la française, définitivement rénovés en 2017 suite à une crue exceptionnelle de la rivière. Durant la Seconde Guerre mondiale, le château fut choisi pour abriter des oeuvres des musées et châteaux nationaux. Des trésors du musée du Louvre, dont « La Joconde », y furent entreposés afin de les protéger de possibles bombardements et surtout des pillages nazis.
Son et lumière à Blois
Le château de Blois surplombe la ville et la Loire. Maison seigneuriale de Thibault VI au XIIIe siècle, il devient château royal sous Louis XII, et le porche d’entrée dans la cour passe aujourd’hui par l’aile gothique éponyme. La forteresse familiale se transforme en une demeure royale, lieu de fêtes, de banquets, de tournois. Entre 1515 et 1518, François Ier fait bâtir l’aile Renaissance attenante. Cette aile célèbre la Renaissance italienne, avec son emblématique escalier à vis hors d’oeuvre, dont seuls la reine Claude de France et François Ier avaient l’usage. On dit que la reine ne refusait pas un petit verre de prune et que son nom fut ainsi donné au fruit ! Attenante à celle-ci, l’aile Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII qui reçoit le château en apanage, dans un style classique, arbore Mars et Mercure au-dessus du chapiteau central. Du Moyen Âge il ne subsiste qu’une partie du rempart au sein de l’aile François Ier, la tour d’angle du Foix et la salle féodale rebaptisée par la suite « Salle des États généraux », la plus grande d’Europe alors. Prendre pied dans la cour est donc un véritable voyage dans le temps que font revivre, à la tombée de la nuit, les spectacles son et lumière. La cour itinérante, les trahisons, les assassinats, les dix reines et sept rois qui vécurent au château reprennent vie sur les façades. Les effets sonores et visuels sont saisissants et mettent en scène de nombreux personnages