Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

Mario Draghi tire ses dernières cartouches

- BERTRAND JACQUILLAT

C’est d’une très grande témérité qu’a fait preuve Mario Draghi avec ses annonces du jeudi 10 mars. Après une valse-hésitation, les marchés ont salué cette batterie de mesures qui allait au-delà de leurs attentes. Avec le principal taux directeur ramené à 0 %, les banques pourront donc emprunter gratuiteme­nt auprès de la Banque centrale européenne, et le taux de dépôt des banques auprès de celleci est encore abaissé, à – 0,40 %. Ces deux mesures sont clairement destinées à inciter les banques à augmenter leurs crédits auprès de leurs clients, ménages et entreprise­s, et à des conditions extrêmemen­t avantageus­es. Mieux, si elles ont augmenté leurs volumes de prêts de façon significat­ive, les banques pourront emprunter auprès de la BCE encore moins cher, dans la limite de leur taux de dépôt, c’est-à-dire à – 0,4 %. C’est bien la première fois que la Banque Centrale paie les banques pour qu’elles prêtent à l’économie ! Par ailleurs, l’enveloppe mensuelle maximale consacrée par la BCE à son programme de rachat d’actifs est portée de 60 à 80 milliards d’euros, en élargissan­t la palette des actifs exigibles, notamment aux obligation­s d’entreprise­s bien notées, et ces mesures sont appelées à durer, au-delà de mars 2017 si nécessaire. Mais ce volontaris­me monétaire signe aussi en creux l’échec de tout ce que la BCE a tenté depuis qu’elle a mis en oeuvre son programme de quantitati­ve easing. Sur les douze derniers mois à février dernier, les prix à la consommati­on ont baissé de 0,2 %. Si l’on exclut les prix de l’énergie, l’indice d’inflation n’a augmenté que de 0,7 % sur la période, bien en deçà des 2 % que la BCE cherche désespérém­ent à atteindre, et dont c’est le principal objectif de sa politique monétaire. Le chômage a certes continué à baisser dans la zone euro, sauf en France, à 10,3 %. Mais la production industriel­le a baissé en décembre/janvier en France, en Allemagne et en Italie, et l’investisse­ment augmente de manière anémique par rapport aux sorties de crise précédente­s. Quant à l’indice de confiance des ménages et des entreprise­s calculé par la Commission de Bruxelles, lequel constitue un bon indicateur de la croissance, il a baissé de son récent plus haut de 106,7 atteint en décembre dernier, à 103,8 en février. Mario Draghi, qui avait acquis la réputation de magicien à la suite de ses déclaratio­ns de juillet 2012 à Londres avec son fameux “Whatever it takes”, a jeté toutes les cartouches qui lui restaient dans son carcan de politique monétaire. Si celles-ci n’ont pas l’effet escompté, il sera encore temps pour les politiques de suivre le conseil que celui-ci ne cesse de leur prodiguer : engager les réformes de structure. Le choc de telles annonces provoquera­it des effets encore plus immédiats, plus profonds et plus durables que les dernières annonces de politique monétaire.

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