Le Nouvel Économiste

MA TRÈS CHÈRE BANQUE

Que d’eau! Que d’eau!

- MICHEL CRINETZ ancien superviseu­r financier

Vous pensez qu’il est interdit de construire en zone inondable ? Mais alors, pourquoi, selon l’Institut de l’environnem­ent (IFEN, dissous en 2008), 100 000 bâtiments ont-ils été érigés entre 1999 et 2006 en zone inondable ? Et couverts par sans surprime, les assureurs ;

cela serait anti-commercial. Et puis, quel scandale cela ferait, sur les chaînes d’informatio­n en continu, de voir les gens éplorés, qui ont tout perdu, et à qui on aurait opposé en plus un refus d’assurance, du reste obligatoir­e. Pourtant, nos dirigeants ont tout promis, tout prévu, tout organisé, tout mis en oeuvre ; heu, non, pas tout mis en oeuvre. Certes sont prévus les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI), les plans d’action pour la prévention des inondation­s (PAPI), les plans de prévention des risques naturels (PPRN), les plans communaux de sauvegarde (PCS, obligatoir­es depuis la loi 2004-811), le document d’informatio­n communal sur les risques majeurs (Dicrim). C’est compliqué : il faut analyser, expertiser, discuter, négocier, notifier, financer, voter, interdire, après avoir consulté tous les intéressés. C’est très long, du moins quand la procédure est engagée. Beaucoup de communes n’ont pas fini ; beaucoup même, pourtant directemen­t concernées, n’ont pas commencé. Même des communes inondables, et même très inondées ; et plusieurs fois, faisant à chaque fois l’objet d’un arrêté de catastroph­es naturelles. Et donc les victimes sont indemnisée­s par les assureurs, ainsi forcés d’augmenter leurs tarifs, et par le fonds des catastroph­es naturelles, ainsi forcé d’augmenter les taxes sur les primes d’assurances, qui sont passées de 5,5 % en 1982 à 12 % en habitation, et à 6 % en assurance auto. Sur les 32 communes bénéfician­t d’un arrêté dans le Var et les Alpes-Maritimes, 14 n’avaient pas de PPRI, de sorte que les assurés paient une franchise. Pourtant Mougins, Valbonne, Roquefort-lesPins ont bénéficié depuis 1982 de 10 à 17 arrêtés d’indemnisat­ion chacune. Même celles qui s’en sont dotées ne semblent pas avoir pris de réelles mesures de prévention, puisque le coût des sinistres ne cesse d’augmenter à Cannes, Antibes, Nice et Fréjus. Après tout, les travaux apportent de l’activité à la commune, et les logements rapportent des taxes locales. Certains assureurs commencent à réagir et, par exemple, refusent d’assurer les habitants du rez-dechaussée ; mais couvrent les habitants des étages ; lesquels ont garé leur voiture au sous-sol ; et meurent noyés quand ils essaient de la sauver des eaux ; ce qui se comprend, car ils en ont besoin pour aller travailler et faire leurs courses. À la Faute-sur-Mer la bien nommée, les braves gens qui voulaient avoir une villa les pieds dans l’eau ont eu de l’eau par-dessus la tête. Pour le coup, après bien des tergiversa­tions, on a condamné le maire à la prison ; il a fait appel bien sûr, c’est toujours la faute des autres… Et c’est le seul exemple, semble-t-il. Finalement, c’est comme dans la banque. Certains dirigeants prennent des mauvaises décisions, et y gagnent. Mais au moment de payer les conséquenc­es, ce ne sont jamais eux qui paient. C’est la collectivi­té des assurés, ou des contribuab­les, ou maintenant pour les banques, la collectivi­té des actionnair­es, des créanciers obligatair­es, et des fonds de sauvetage, certes alimentés par une contributi­on des banques, mais qu’elles répercuten­t sur leurs clients, par exemple via les frais de tenue de compte. Pas les bonus des dirigeants et des traders. Parfois les traders sont poursuivis ; les dirigeants, jamais. Mais il reste quand même une différence entre les assurances et les banques. Les banquiers ne pourront pas dire que c’est la faute au réchauffem­ent climatique…

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