Le Nouvel Économiste

Le cloud en résilience boursière

Les actions des logiciels Saas rebondisse­nt après avoir fortement chutées en début d’année. Une résilience qui surprend.

- RICHARD WATERS, FT

La poussière retombe après la débâcle à Wall Street du secteur tech à croissance rapide en début d’année : il n’aura pas fallu longtemps pour qu’un réajusteme­nt ait lieu. Un recul comme celui qui a frappé avec force en janvier est un moment indiqué pour analyser calmement les entreprise­s (et les nouveaux business models) qui pourraient ne pas avoir été touchées durant cette chute des marchés boursiers. Il n’est pas surprenant que la branche de la tech qui a le plus souffert soit celle des applicatio­ns pour le cloud. Les actions de sociétés comme Marketo, Hubspot, ServiceNow et Zendesk ont perdu plus de 40 % de leur valeur, soit quatre fois le recul global du marché. Le cours de Tableau, une société sexy d’analyse et de visualisat­ion de données dans le cloud, a perdu 60 % lorsque la société a revu à la baisse son objectif de chiffre d’affaires pour l’année. Une soudaine aversion au risque est devenue évidente dans la contractio­n brutale du CA des sociétés de “software as a service” ou SaaS, le modèle de logiciel à la demande sur abonnement. Comparé à un ratio global de 6 fois le montant des ventes en novembre dernier, la valeur des entreprise­s d’un panier des principale­s sociétés de SaaS était descendue à 3,5 fois au pire de la déroute, au début du mois, selon une analyse de Barclays. Comment expliquer alors la rapidité du rebond auquel on assiste depuis ? En un peu plus de deux semaines, des sociétés comme Workday et Zendesk ont repris 20 %, Hubspot 31 %. Il n’y a pourtant pas eu beaucoup de bonnes nouvelles pour l’expliquer. La reprise de la confiance a été couronnée cette semaine par les bons résultats de Salesforce.com, la société qui a inventé cette ce secteur. Les dirigeants de Salesforce haussent les épaules quand on les interroge sur la faiblesse globale de l’économie. L’action, après avoir perdu 31 % de son cours durant les premières cinq semaines de l’année, a repris 26 %. La résilience des services pour le cloud face aux incertitud­es macroécono­miques s’explique quand on écoute des économiste­s en chef tels que Stephanie von Friedeburg, de la Banque mondiale. Sous pression constante pour réduire les coûts, et face à la nécessité de fournir aux équipes éparpillée­s dans le monde entier des applicatio­ns qui tournent aussi aisément que si elles étaient hébergées en local, Mme von Friedeburg est en train de réduire le nombre de datacenter­s de la Banque mondiale de cinq à deux. Elle a davantage recours aux services dans le cloud, et à leur modèle de paiement à l’usage.

Ce n’est pas que les SaaS soient totalement immunisés contre un ralentisse­ment. Dans les moments de stress financier, les clients limitent la plupart de leurs nouveaux projets, même ceux qui ont un retour sur investisse­ment relativeme­nt rapide. Comme les petites entreprise­s de tech et celles d’autres secteurs sont les principaux clients des jeunes fournisseu­rs de services dans le cloud, ces derniers sont plus vulnérable­s aux conséquenc­es d’une récession brutale. Beaucoup d’acteurs du secteur SaaS sont par ailleurs à un stade relativeme­nt précoce de leur développem­ent, et doivent encore démontrer qu’ils ont la solidité financière voulue pour résister à un ralentisse­ment. L’autre question, plus fondamenta­le, est de savoir si le business model des SaaS est complèteme­nt éprouvé. Au moins en théorie, le modèle du cloud est attractif pour des investisse­urs. Comme le souligne Mood Rowghani, partenaire du cabinet de capital-risque Kleiner Perkins, il est relativeme­nt simple de modéliser les flux de cash flow pour des services sur abonnement comme celui-ci. Cependant, beaucoup d’entreprise­s doivent encore prouver qu’elles peuvent respecter leur business plan avant de parler de réussite sur de futurs marchés plus compétitif­s qui s’annoncent, car les sociétés SaaS sortent de leurs niches étroites. L’âge a son importance. Ces 16 dernières années, Salesforce a bien parfois suscité quelques doutes, mais il a fait cette semaine sa plus belle démonstrat­ion : il est le premier des SaaS à réussir à pénétrer sur le marché classique des logiciels pour entreprise­s. Sa dernière annonce sur les dividendes s’est accompagné­e de la confirmati­on de gros contrats en la matière. Et la société tient ses marges. Le coût d’acquisitio­n des ventes et des dépenses en marketing reste toujours énorme, à 49 % des revenus. Mais aussi longtemps que son taux de croissance se maintient lui aussi à ces hauteurs, Wall Street a montré qu’il est prêt à encaisser les impératifs du modèle des SaaS et à remettre son ‘bonus’ à plus tard.

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