Le Nouvel Économiste

Poutine au dojo

Si vous lisez “Quelques heures cruciales dans le dojo du président de la Grande Russie”, vous finirez dans la tête de Poutine. Extrait

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C’est une chose terrible que d’aimer tant la guerre sans jamais l’avoir faite. J’ai servi mon pays autrement. Je me suis acquitté de mon devoir sans armes, c’est vrai, mais non sans combattre. J’aurais pu devenir une simple petite frappe, passer des années en prison, ou encore m’enrichir comme un vulgaire escroc. Mais il se trouve que tout s’est passé autrement. Je me suis apprivoisé. En définitive, j’ai appris à faire ce que j’avais à faire. Cette préférence pour l’action, je l’ai acquise grâce à mes premiers maîtres de judo. De conscienci­eux pédagogues ont su m’attraper juste à temps, à cet âge où le destin offre à nos personnali­tés déjà bien formées le choix entre plusieurs voies sur lesquelles s’engager. J’enfile mon kimono, guettant de l’oeil la porte du vestiaire. J’attends un document très important, le premier d’une série que j’ai commandée à l’un de mes collaborat­eurs les plus loyaux, mon vieil ami Volkov, que je surnomme “le Louveteau”. Un agent spécialeme­nt choisi pour cette tâche va me l’apporter. Je suis préoccupé : il s’agit après tout d’organiser le futur du pays et de sceller mon propre destin. J’écris tout à la main. Il faut laisser des preuves incontesta­bles. Mon ami le Louveteau aura sans doute besoin, un jour, de montrer qu’il n’a pas agi seul, ni contre moi. Toutes ces réflexions sur l’avenir me rendent pensif, tandis que je noue ma ceinture. Je m’apprête à m’entraîner dans mon dojo présidenti­el. Il y a longtemps que je fais du judo, cet art qui unit la sagesse de l’antique Japon à l’efficacité du raisonnabl­e Occident. Songeur, je me rappelle cette période : la fin de mon enfance. J’ai onze ans, pas encore douze et l’on ne peut pas dire de moi que je sois un élément prometteur. Nous traînions en permanence dans cette cour… Pour rien, pour un détail, une saute d’humeur, la bagarre commence. Alors, je me jette sur Gocha, ce grand imbécile. Je balance mes ongles pile sur son oeil et m’étonne de sentir un peu de sang chaud et humide couler entre mon index et mon majeur. Gocha s’est immédiatem­ent éloigné de trois pas, en se cachant le visage derrière ses gants. “Je ne vois rien”, hurle-t-il

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