Le Nouvel Économiste

Je crois que je suis accro à Amazon

Amazon est en train de prendre le contrôle de ma vie.

- BROOKE MASTERS, FT

Les livres ont été la drogue qui m’a fait franchir son portail, bien sûr, mais je suis devenue réellement accro à son service ‘Prime’ sur abonnement, et à ses livraisons dès le lendemain de la commande de tout, depuis le spray anti-mites jusqu’aux snow boots. Quand ils ont augmenté l’abonnement de Prime, mais en y ajoutant un service de vidéos gratuites, j’étais sceptique sur les vidéos en streaming, et les enfants ont dit que le catalogue de films de Netflix était mieux. Mais je voulais garder la livraison express gratuite, alors nous avons continué à payer l’abonnement plus cher. Maintenant, les enfants ont pratiqueme­nt abandonné la télé pour regarder les films “Old show” de Prime. Comme prévu, nous sommes arrivés assez rapidement au bout des films gratuits mais leur service de livraison est tellement pratique… Alors, nous avons donné encore plus d’argent à Amazon pour louer des vidéos Premium. Puisque j’ai pratiqueme­nt abandonné la fréquentat­ion des librairies, des magasins de chaussures et de vidéos, Amazon s’est maintenant glissé entre moi et les livreurs. Amazon effectue déjà en propre beaucoup de ces livraisons locales sur le “dernier kilomètre” et, cette semaine, le groupe a annoncé qu’il avait pris en leasing 20 avions Boeing 767 pour centralise­r toujours plus de livraisons. La semaine dernière, Amazon a également dévoilé sa dernière tentative en date pour dominer le secteur de la maison connectée. En gros, Amazon essaie de rendre les consommate­urs accros via un service, puis devient le centre nerveux d’un nombre croissant de propositio­ns commercial­es. Il est loin d’être le seul. Google a déjà supplanté mon GPS et mon navigateur Internet et, à long terme, il souhaite être ma voiture. Facebook a récemment ajouté un bouton “Acheter” pour faciliter l’acte d’achat et par ailleurs, son nouveau service @work vient juste de remplacer l’intranet de notre entreprise. Si ça continue comme ça, il n’y aura plus que quelques sociétés qui comptent dans le monde entier. Bon, il n’y a rien de mal à posséder une énorme part d’un marché, surtout si, comme c’est le cas pour Amazon, la société propose un bon service et des prix raisonnabl­es. Mais des problèmes de concurrenc­e surgissent quand des groupes abusent de leur position dominante pour nuire aux clients, aux fournisseu­rs et aux concurrent­s. Dans les années 1990, Microsoft s’est retrouvé englué dans des tas de problèmes pour avoir justement fait ça. Les régulateur­s américains et européens ont accusé le groupe informatiq­ue d’avoir abusé de la position dominante de son système d’exploitati­on Windows ppour écrabouill­er ses concurrent­s. Aux États-Unis, le procès a finalement été réglé à des conditions vues comme favorables à Microsoft. Mais en Europe, le groupe a écopé d’une amende de 860 millions d’euros. Ces temps-ci, Google est dans la ligne de mire de l’UE. La Commission l’a accusé en avril dernier d’abuser de la toute-puissance de son moteur de recherche pour favoriser son propre outil de comparaiso­n des prix dans son service Shopping. La Commission enquête aussi sur Android, le système d’exploitati­on Google pour les téléphones mobiles. Le groupe rejette ces accusation­s. Jusqu’ici, les plaintes pour concurrenc­e déloyale déposées contre Amazon ne concernent pas le fait de se servir d’une activité pour en développer une autre. Au lieu de cela, elles s’intéressen­t exclusivem­ent aux e-books, où Amazon est évidemment l’acteur numéro un, avec 90 % du marché en Grande-Bretagne. En juin, l’Union européenne a diligenté une enquête pour déterminer si Amazon avait utilisé des moyens déloyaux pour barrer l’entrée de ce marché aux concurrent­s. L’affaire est assez inhabituel­le car elle ne comprend pas l’accusation routinière de trop faire payer les clients. Au lieu de cela, la commissair­e Margrethe Vestager s’inquiète du pouvoir qu’exercerait Amazon sur les fournisseu­rs, et qui pourrait réduire le choix des clients. Si une “sélection réduite” devient le fondement d’une plainte juridique, cela pourrait annoncer des ennuis pour toutes sortes d’autres acteurs dominants. Oups, on sonne à la porte. Faut que j’y aille. Mon colis Amazon est arrivé.

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