CONTRE COURANT
Le continent africain, avenir de la langue française
La Journée internationale de la francophonie a eu lieu dimanche dernier, le 20 mars, dans une indifférence (presque) totale. S’il est vrai que, dans le calendrier international, il n’y a pas un jour qui ne commémore tel ou tel événement, cause ou statut ; les Français auraient pourtant bien tort de négliger l’influence et le rayonnement de ce qui est, pour le plus grand nombre d’entre eux, leur langue maternelle. Il faut le dire, parler de la langue française – celle de Molière, de Descartes ou encore d’Hugo – n’a jamais été populaire auprès de certaines élites. Bien que la perception évolue aujourd’hui, ces dernières la considèrent encore trop souvent comme ringarde, désuète et sans avenir. En un mot, à remiser dans un grenier ou dans une cave… Comme si l’on pouvait se débarrasser de ce qui fait l’identité d’un peuple et justifie sa singularité. Pour certains dirigeants, il est souvent de bon ton et préférable de parler anglais (parfois assez mal…),) même devant un pparterre de locuteurs francophones. À titre ppersonnel, jj’ai le souvenir, alors jeune conseiller du ministre del’Écop nomie et des Finances, d’avoir participé à une réunion interministérielle – assez surréaliste – à Matignon, où de jeunes énarques promus (trop) rapidement à des fonctions de décision, proclamaient doctement qu’il convenait de ne retenir qu’une seule langue (l’anglais, bien sûr) obligatoire pour la rédaction des notices accompagnant les produits vendus en France. On imagine la réaction de la ménagère essayant de comprendre la posologie de tel médicament ou le bricoleur contraint de monter son produit acheté en kit en recourant à la langue de Shakespeare! L’exemple a de quoi faire sourire (les promoteurs de l’idée étaient, eux, très sérieux), mais il est révélateur d’un état d’esprit encore dominant il y a peu. Car il y a aujourd’hui une prise de conscience que la langue française est porteuse de bien plus de promesses qu’on ne l’imaginait jusquelà. Il faut dire que l’explosion démographique de l’Afrique est passée par là. Aujourd’hui, quelque 270 millions de personnes ont comme langue maternelle ou de travail le français. Au milieu du siècle, elles seront quelque 600 à 800 millions avec, à horizon 2100, un espace francophone essentiellement articulé autour de l’Afrique qui pourrait comprendre entre 800 millions et 1,2 milliard de locuteurs. Sixième langue la plus parlée au monde, partagée par une trentaine de pays où elle a un statut de langue officielle, elle est devenue aujourd’hui la deuxième la plus étudiée après l’anglais. Cerise sur le gâteau, l’Afrique, où s’épanouit aujourd’hui ce qui était avant tout une langue européenne, constitue un continent au très fort potentiel de croissance et de développement. Là où nos entreprises vont pouvoir trouver les marchés qui leur font défaut ailleurs. Dans un monde marqué par une concurrence exacerbée, la langue peut de fait représenter un atout décisif. Un produit français sera par exemple toujours mieux reçu par un client, qu’il soit marocain, congolais ou vietnamien, si ce dernier partage la même langue. Il faut maintenant bâtir un vrai projet qui ne soit pas seulement politique mais principalement économique. Créer une communauté de pprojets,j la structurer et lui donner tous les outils pour se renforcer. À travers cette dernière, avec son fondement économique et commercial partagé, la langue française ne peut que consolider ses atouts et créer une centralité incontestable. D’autant que l’avènement d’une ère numérique qui touche aussi l’Afrique – même si on le sait moins – ne peut qu’amplifier encore l’enracinement de notre langue là où elle est présente, voire dominante, à savoir outre-Méditerranée.