Le Nouvel Économiste

La peinture et le sexe ont des choses en commun, vous éprouvez une frustratio­n lorsque vous ne le pratiquez pas, c’est un besoin physique qui ne peut être assouvi par rien d’autre.”

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que vous aimez – j’aime Titien mais je ne me suis jamais inspirée de son travail ; et ceux dont vous vous sentez très proche – Eugène Delacroix ; et d’autres que vous admirez de loin, mais ils ne vous ressemblen­t pas. Barnett Newman, par exemple. Je pourrais gérer une copie d’Eugène Delacroix. J’aime l’énergie et le mouvement.” Nos assiettes sont enlevées ; Cecily Brown refuse le dessert. “Je ne suis pas une fanatique des desserts, mais je ne veux pas que vous écriviez que je suis au régime !” Les clients affluent dans l’hôtel pour le thé de l’après-midi, et elle tient à retourner à la galerie. “Ma partie préférée est d’installer, déplacer les choses, leur donner de l’espace. Cela ne concerne pas les peintures individuel­les, mais la relation entre elles – ne le dites pas aux collection­neurs !” Alors que nous partons, je lui demande si parmi ses nouvelles oeuvres, elle en a une favorite. Elle nomme la toile la plus légère, remplie de jeunes corps voletants. “Certaineme­nt ‘Madrepora’ ” dit-elle, sentimenta­le. “Quand je suis arrivée à New York, je relisais sans cesse le début de Marcel Proust, j’en étais obsédée. Dans ma mémoire, je pensais souvent à peindre les petites filles sur la plage. J’ai récemment relu après 20 ans ce passage de littératur­e qui m’a informée plus que tout autre. Il pense à regarder, il saisit l’acte de regarder plus que toute autre chose que je n’ai jamais lue : il décrit l’incapacité de tout voir à la fois, le désir de voir quelque chose hors de votre portée, le changement de forme. Il voit ce groupe, il ne différenci­e pas les filles, l’un prend la place de l’autre, se transforme en la suivante. Cela parle du temps et de la mémoire, l’incapacité à capturer complèteme­nt les choses, le sentiment de perte implicite avec le souvenir et d’essayer de le placer. L’acte de peindre est l’acte de traiter : il faut se rendre dans la chambre noire du cerveau pour être seul, le désir de peindre est aussi un désir de solitude.” Et puis elle s’éclipse, une silhouette se fondant dans la foule printanièr­e de Mayfair. ‘Madrepora’ du 11 juin au 23 juillet à la Thomas Dane Gallery

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