Le Nouvel Économiste

Un cas d’école

David Cameron est entré dans l’Histoire. Peut-être pas de la façonç dont il le souhaitait. Mais il y est entré. À reculons

- MICHÈLE COTTA

Le Premier ministre de sa Majesté restera comme un des arroseurs arrosés, un des apprentis sorciers, un des pompiers pyromanes, comme on voudra, les plus célèbres du XXIe siècle. Voilà un homme dont le parcours jusqu’à la semaine dernière était semé de roses. Bien né, d’un père agent de change et d’une mère jjugeg de ppaix. Apparentép­p au roi Guillaume IV et par là lointain cousin d’Élisabeth II. Scolarité à Eton, diplômé d’Oxford. Entré dès l’âge de 22 ans dans les cabinets ministérie­ls conservate­urs, il y a été rédacteur des discours de Margaret Thatcher puis conseiller politique de John Major, avant de devenir à la Chambre des communes, en 2001, le député de Witney, où il a été réélu sans cesse depuis. En 2005, le voilà devenu sans trop de difficulté­s patron des conservate­urs puis, après la défaite des travaillis­tes, Premier ministre en 2010. Il est, à 43 ans, le plus jeune des locataires du 10 Downing street. Un parcours sans faute, sans aspérité, un modèle d’itinéraire politique, une ascension menée rondement, couronnée par la victoire de l’élection de 2015, et l’arrivée aux Communes d’une majorité absolue de conservate­urs, une victoire beaucoup plus large que ne l’avaient annoncé les sondages.

Petit calcul, grands effets

Seulement voilà. Pour assurer son avantage dans le scrutin de 2015, David Cameron a pris un risque majeur: celui de surfer sur – voire d’exploiter – l’euroscepti­cisme des Anglais, qui ont toujours eu un pied dans l’Europe et un pied au dehors. On l’a vu, d’un côté, plaider à Bruxelles que s’il n’obtenait pas assez de dérogation­s, notamment sur les prestation­s sociales, s’il ne contentait pas davantage ses électeurs, il serait battu par de plus anti-européens que lui. Tandis que de l’autre, il assurait aux sujets de sa Majesté qu’il était le meilleur pour défendre leurs intérêts. Et, pour bien prouver sa bonne foi, il a promis pour 2016 un référendum sur le “remain” ou le “leave”, le maintien ou la sortie de l’Europe. C’était une façon de promettre aux citoyens qu’après avoir voté pour lui aux élections législativ­es, ils auraient tout loisir de se défouler sur l’Europe. Un coup de maître devenu aujourd’hui, deux ans plus tard, une erreur politique sans précédent. Petit calcul électoral, grands effets sur l’Europe et le monde. Il faut bien reconnaîtr­e que sa stratégie, au moins dans un premier temps, a pleinement réussi, puisque la victoire électorale des conservate­urs en 2015 a été totale. Aussi totale que floue, car à l’image de son louvoiemen­t entre l’appartenan­ce à l’Europe et sa volonté de distendre les liens entre la Grande-Bretagne et la Commission européenne. David Cameron a été pendant des années le premier à charger Bruxelles de tous les maux, contribuan­t largement à renforcer dans le Royaume Uni, surtout chez les laissés-pour-compte de sa politique économique, le sentiment anti-européen. Il a donc en effet mis toute son énergie dans la campagne référendai­re de la fin juin. Trop tard et à quel prix ! En divisant profondéme­nt les Anglais, son propre camp surtout, qui aujourd’hui termine déconfit la campagne du référendum, et en déclenchan­t une crise européenne sans précédent. On a beaucoup commenté, en France, la dissolutio­n de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac en 1997, longtemps apparue comme un exemple type de faux calculs de victoire électorale, transformé­e en un réel échec. Le double jeu de David Cameron va sans commune mesure plus loin. Il restera un cas d’école. Même si la procédure de divorce entre le Royaume-Uni, peut-être à cette occasion désuni, prendra tellement de temps qu’elle risque de faire oublier celui qui en est le principal responsabl­e.

Il a mis toute son énergie dans la campagne référendai­re de la fin juin. Trop tard et à quel prix! En divisant profondéme­nt les Anglais, son propre camp surtout, qui aujourd’hui termine déconfit la campagne du référendum, et en déclenchan­t une crise européenne sans précédent

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France