Attractivité des régions
Acteurs publics et potentiel touristique
“Renforçons les identités de nos destinations françaises en améliorant et structurant ce qui fait que les gens viennent ici plutôt que chez le voisin. La concurrence mondiale est si forte avec des pays qui proposent des tarifs si attractifs qu’il faut nous différencier sur la qualité !”
“La France a longtemps vécu sur ses acquis. Certains de ses territoires restent sous-valorisés ou inexploités, parfois par manque de volonté politique locale”
“Chaque collectivité peut mener une politique touristique propre. L’intérêt ici est que ces actions soient effectuées de manière concertée et cohérente.” Jean Burtin, Fédération nationale des offices de tourisme.
Dans un contexte de mondialisation accrue, l’activité touristique se révèle être un puissant levier d’innovation et de changement, susceptible d’entraîner et de dynamiser l’ensemble de l’économie locale et régionale. Elle est moins touchée par la délocalisation dans la mesure où les ressources qu’elle utilise sont territorialisées : richesses et savoir-faire humains, paysages, patrimoine… Alors, comment mobiliser les investisseurs institutionnels et privés et déployer de nouvelles capacités par le développement du tourisme ? Et comment valoriser les nombreux atouts régionaux et en tirer pleinement profit pour l’économie locale ? Aperçu sur quelques initiatives qui ont placé le concept d’attractivité touristique au coeur de leur action.
La France bénéficie d’une diversité de sites naturels et patrimoniaux qui font d’elle une destination touristique incontestée. Toutes les régions, riches chacune de leurs attraits et de leurs spécificités, profitent de cette attractivité, à l’échelle nationale et mondiale. Mer, montagne, sites thermaux, paysages naturels, patrimoine historique… ne
cessent d’attirer des touristes. “On ne le répète jamais assez : nos régions et destinations françaises possèdent des atouts considérables en termes de richesses patrimoniales, naturelles, gastronomiques, etc. ! Selon moi, il est important pour chaque destination de capitaliser sur ce qui fait sa force et non plus de s’orienter vers un tourisme de masse. Renforçons les identités de nos destinations françaises en améliorant et structurant ce qui fait que les gens viennent ici plutôt que chez le voisin. La concurrence mondiale est si forte avec des pays qui proposent des tarifs si attractifs qu’il faut nous différencier sur la qualité !”, souligne Jean Burtin, président de la Fédération nationale des offices de tourisme. À Grasse, l’activité principale est liée historiquement à la parfumerie. Dès 1800, le jasmin, l’oranger, le rosier, la cassie, la jonquille et la tubéreuse sont cultivés en bordure de la ville, sur des restanques, ces parcelles soutenues en terrasse par des murets. Les récoltes sont utilisées localement, mais aussi vendues hors de la région. “Aujourd’hui, on cultive encore à Grasse les roses centifolia dites roses de mai, qui entrent dans la composition d’un parfum célèbre, ou encore l’iris et le jasmin de façon très sélective. L’avenir des cultures florales dans la région est porteur de promesses : certains agriculteurs cherchent à donner une nouvelle dynamique à cette tradition et de nombreuses recherches sont menées ici, notamment pour développer de nouveaux usages des plantes en parfumerie et en cosmétique. Cette économie concerne tout le pays grassois et a bouleversé le paysage des communes. Plus que les pratiques, il faut ajouter à tout cela une dimension culturelle au travers de manifestations telles qu’Exporose, la Fête du jasmin à Grasse ou encore la Fête du mimosa à Pégomas”, indique Jérôme Viaud, président de la Communauté d’agglomération du pays de Grasse et maire de la ville. Les régions ont compris depuis longtemps que le tourisme est un vecteur essentiel pour renforcer l’attractivité du territoire, qui repose sur la capacité d’attirer des visiteurs, que ce soit pour le sport, les visites culturelles ou plus généralement les activités de loisirs. “Le Calvados, à deux heures de Paris, est une destination idéale pour les courts séjours. C’est l’un des premiers départements en termes de concentration de petit patrimoine classé monument historique. Des stations littorales de cette région de Normandie sont mondialement connues : Deauville, Trouville, Honfleur, Cabourg… Le département est marqué par l’histoire (circuits des plages du Débarquement, Omaha Beach, Utah Beach,…). Terre de loisirs, de bien-être, de bien-manger, et de haras… ce sont tous ces atouts que nous valorisons pour en tirer pleinement profit au niveau de l’économie locale”, explique Marie-Claire Prestavoine, directrice de Calvados Stratégie. Le tourisme est une compétence partagée entre les trois échelons de collectivité (région, département et bloc local). “Ainsi, en fonction des moyens financiers et de la touristicité des territoires, chaque collectivité peut mener une politique touristique propre. L’intérêt ici est que ces actions soient effectuées de manière concertée et cohérente, recommande Jean
Burtin. C’est la position que la fédération nationale défend sur ce point : nous souhaitons dans chaque région une meilleure définition et une spécialisation des missions de chacune des collectivités et organismes de tourisme en fonction de la particularité touristique des territoires et destinations.”
Promotion cohérente d’une offre démultipliée
La réflexion sur l’attractivité touristique interroge aussi les nouvelles attentes en matière de loisirs et encourage à innover. “La France a longtemps vécu sur ses acquis. Certains de ses territoires restent sousvalorisés ou inexploités, parfois par manque de volonté politique locale. D’autres sites n’ont pas su innover ni se moderniser : les villes thermales ou le littoral méditerranéen présentent des offres vieillissantes. Il faut donner un nouveau soufflfe aux régions”,g recommande Éric Sauvage, associé chez A.T. Kearney et rapporteur de l’étude ‘Rester le leader mondial du tourisme, un enjeu vital pour la France’, publiée par l’Institut Montaigne en juin 2014. Pour lui,
aujourd’hui confrontée à une concurrence internationale. Les touristes ont modifié leurs attentes. La durée des vacances, la relation au temps pendant les congés, la diversification de la demande, l’exigence de qualité… sont autant d’éléments à intégrer dans l’offre de prestations. Le développement du tourisme régional doit composer avec ces nouvelles données. “Depuis 2012, nous avons pour objectif de diversifier et rajeunir notre clientèle. Tout est sur place, accessible, avec une large palette d’activités : activités sportives, de loisirs, culturelles. Et pour tous, il y a possibilité de se nourrir de façon diététique, gastronomique, gourmande, dans des lieux de qualité et de séjourner dans un grand choix d’hébergements. Notre clientèle va du curiste qui vient se soigner ou de l’adepte de balnéo qui vient se relaxer – une clientèle plus disponible pour profiter aussi de notre patrimoine naturel et culturel – à l’urbain en quête de sport et de nature qui a besoin de reprendre des forces et de l’énergie”, note Marie-Christine Delage, directrice de l’Epic Bagnoles-de-l’Orne Tourisme. Depuis 2013, l’Epic a développé aussi des activités de loisirs dédiées aux familles : sorties nature, visites guidées ludiques, accompagnant ainsi les efforts réalisés par les entreprises privées qui ont beaucoup investi dans la qualité et le bien-être. En 2015, Marseille, de son côté, a conforté sa position de deuxième ville de congrès de France. La cité phocéenne s’impose de plus en plus comme une métropole méditerranéenne et internationale de premier plan. Elle a fait du tourisme d’affaires l’une de ses priorités. L’année dernière, elle a attiré plus 5 millions de touristes qui ne viennent pas simplement découvrir les charmes de la région, mais profitent aussi d’une offre culturelle et sportivep diversifiée. À l’exemple de Marseille, les grandes villes portes d’entrée des clientèles internationales développent de plus en plus d’événements festifs, foires, salons et expositions, en visant les visiteurs étrangers de leur territoire pour accroître leur notoriété, entraînant là aussi des retombées conséquentes pour le commerce et l’emploi. “La région, par le biais du comité régional de tourisme, valorise le potentiel auprès des clientèles touristiques françaises et étrangères afin d’assurer la promotion du territoire auprès des pays de proximité, mais aussi des marchés lointains de plus en plus séduits par nos destinations”, remarque Jérôme Viaud.
Investir dans les infrastructures : incontournable
Développer le tourisme dans certaines régions, c’est aussi couvrir certaines zones par le très haut débit. “L’intervention publique est indispensable concernant le déploiement du haut débit sur l’ensemble du territoire, particulièrement important en milieu rural (gîtes, chambres d’hôtes) ou sur les lieux de forte concentration de résidences secondaires. Nous avons l’exemple du Wi-Fi territorial développé par le département du Calvados et le comité départemental du tourisme”, souligne Marie-Claire Prestavoine. Les acteurs pointent aussi la nécessité d’ouvrir davantage les aéroports régionaux, l’accessibilité étant un facteur clé de l’internationalisation d’une destination. Avec seulement quelques fréquences longs courriers et une capacité low cost restreinte, la desserte des aéroports de Nice, Lyon, Toulouse ou Marseille limite les opportunités. “Il faut accentuer les efforts sur l’aménagement du territoire de manière globale, et sur le développement des transports publics – qu’ils soient ferroviaires, aériens ou routiers –, qui constituent des leviers importants que les collectivités doivent actionner pour développer une économie touristique”, précise Jean Burtin. Le secteur du tourisme est appelé à croître au cours des prochaines décennies. D’un milliard de touristes dans le monde aujourd’hui, nous devrions passer à 1,5 milliard en 2020 et 2 milliards en 2030. En France, les collectivités locales sont appelées à devenir de plus en plus des acteurs privilégiés pour faire du tourisme l’un des fleurons d’une économie territorialisée.
Le secteur du tourisme est appelé à continuer de croître au cours des prochaines décennies. D’un milliard de touristes dans le monde aujourd’hui, nous devrions passer à 1,5 milliard en 2020 et 2 milliards en 2030
“L’intervention publique est indispensable concernant le déploiement du haut débit sur l’ensemble du territoire, particulièrement important en milieu rural (gîtes, chambres d’hôtes) ou sur les lieux de forte concentration de résidences secondaires”
“le renouvellement d’une offre régionale de qualité présente deux avantages majeurs : satisfaire une clientèle d’amoureux de la nature et des régions avec une offre modernisée et adaptée à leurs envies ; agrandir la profondeur de l’offre urbaine grâce à des offres régionales attractives accessibles depuis les grandes villes, en organisant une promotion cohérente et combinée”. L’économie touristique est
“L’avenir des cultures florales dans la région est porteur de promesses : certains agriculteurs cherchent à donner une nouvelle dynamique à cette tradition et de nombreuses recherches sont menées.” Jérôme Viaud, maire de Grasse.