Jean-Joseph Boillot
Conseiller économique au club du CEPII et auteur de ‘L’Afrique pour les nuls’
L’Afrique est peut-être un Eldorado mais pour l’heure, elle demeure surtout un Far West dans le sens où les potentialités et les richesses que le continent recèle – notamment minérales et humaines – sont encore incertaines dans leur devenir. La vision que l’on doit avoir est donc nécessairement une vision de moyen-long terme, avec la perspective d’un doublement prochain de la population, d’un développement accéléré du phénomène urbain et d’une accumulation des défis agricoles et industriels. Un horizon qui ne doit évidemment pas occulter l’effervescence actuelle, très encourageante. Pour l’heure, l’Afrique ne peut pas être considérée comme une zone émergente au sens de croissance rapide et soutenable, mais plutôt comme une zone pré-émergente au sens de l’apparition d’indices sérieux de décollage économique. Les interrogations sont ravivées par l’impact encore mal évalué du ralentissement chinois sur l’Afrique. Un très beau proverbe africain dit : “Celui qui rame dans le sens du courant fait rire les crocodiles”… Depuis cinquante ans, le continent alterne régulièrement entre des phases d’optimisme et de pessimisme. Où en est-on aujourd’hui ? L’Afrique est-elle bien ou mal partie, pour reprendre la célèbre interrogation de René Dumont ? J’ai personnellement une certitude : la question ne se pose pas en ces termes. Rien ne va arrêter désormais sa mise en mouvement. Je reviens du Niger, et ce qui m’a frappé à Niamey par exemple, c’est la prolifération des supérettes ayant en rayon de multiples produits français, preuve que se constitue une véritable filière agroalimentaire, à l’initiative des Africains eux-mêmes mais aussi des entreprises françaises. Autre exemple : Orange vient de mettre sur la table 160 millions de dollars pour racheter Tigo, un opérateur local qui a déjà près de 7 millions d’abonnés en République du Congo. Cette acquisition stratégique montre que pour une société comme Orange, l’Afrique est devenue l’horizon incontournable de son développement, et bien plus que le marché français et même européen. Avec une population congolaise qui va dépasser les 120 millions d’habitants en 2030, Orange peut escompter 40 millions d’abonnés