Le Nouvel Économiste

Tech & énergie

Le solaire peut encore faire naître des rêves électrique­s

- RICHARD WATERS, FT

C’est un joli rêve. Vous attrapez les rayons du soleil avec des panneaux solaires sur le toit. L’électricit­é produite est stockée dans une grosse batterie accrochée au mur du garage. Vous branchez votre voiture électrique pendant la nuit afin qu’elle soit chargée pour le trajet aller et retour du lendemain jusqu’au travail. C’est l’un des futurs de “l’après-carbone” imaginé par Elon Musk, le fabricant de voitures électrique­s et de navettes spatiales. La semaine dernière, il a tenté d’accélérer sa matérialis­ation. Son entreprise, Tesla Motors, a proposé d’acheter Solar City, une société dont il est aussi le patron. Il reste une question : agglomérer toutes ces activités dans une seule société fait-il sens ? Le timing de l’accord proposé prouve cependant à quel point ces technologi­es d’énergies propres sont tout près d’entrer sur le marché de la grande consommati­on. M. Musk va probableme­nt trop vite, mais sa vision n’est pas si utopique – à condition que le gouverneme­nt ne retire pas son soutien aux énergies propres trop tôt. Les technologi­es nécessaire­s à la matérialis­ation du rêve de M. Musk ont constammen­t progressé depuis des années. Mais les batteries, les panneaux solaires ne bénéficien­t pas de la loi de Moore – le doublement des capacités des semiconduc­teurs tous les dix-huit mois. Ici, les prix des deux technologi­es baissent de façon plus graduelle de 5 à 7 % par an. Les espoirs réguliers de révolution­s technologi­ques dans ce secteur ont été déçus. Après la crise financière de 2008, par exemple, l’administra­tion Obama avait injecté des milliards de dollars pour tenter de créer une filière de batteries à haute capacité aux États-Unis. Les entreprise­s qui en sont nées ont pu produire des démonstrat­ions en laboratoir­e sans réussir à les convertir en production. Ce qui a permis à un composant plus lent à progresser, le lithium-ion, de devenir la technologi­e par défaut, surtout pour les produits nécessitan­t des batteries légères comme l’électroniq­ue grand public et les transports. L’énergie solaire a suivi à peu près le même cycle. La perspectiv­e d’une réduction radicale du coût par watt d’électricit­é produite était l’un des espoirs du boom de la green tech dans la Silicon Valley il y a dix ans. Le soufflé est retombé, les nouveaux panneaux solaires à fines pellicules n’ont pas pu éclipser la technologi­e dominante de l’époque, à base de silicium cristallin. Ce qui s’est passé, c’est que les industriel­s chinois ont fait baisser les prix en investissa­nt massivemen­t dans des grandes chaînes de production. Ce qui n’a peut-être pas bénéficié à la balance des paiements, mais a rendu l’énergie solaire plus abordable pour beaucoup de ménages américains. Pour la prochaine étape, M. Musk pense qu’il peut faire mieux, tant pour les batteries que pour l’énergie solaire avec ce qui sont, globalemen­t, des avancées progressiv­es. Silevo, un fabricant de panneaux solaires acheté par SolarCity, fabrique des produits hybrides qui intègrent des éléments de la technologi­e des pellicules fines dans des panneaux en silicium cristallin. L’entreprise finira par fabriquer des panneaux qui produiront des “dizaines de gigawatt-heure par an” d’électricit­é, selon M. Musk. C’est assez ambitieux quand on sait qque les États Unis n’atteindron­ttouq jours pas ne serait-ce que 10 GWh cette année. Pour les batteries, Tesla achève de construire une grande usine dans le Nevada qui doublera la production mondiale de cellules lithium-ion en utilisant une technologi­e mise au point par Panasonic. Le plan est le même dans les deux cas : apporter même une petite innovation dans la technologi­e utilisée à l’heure actuelle pour la production de masse, augmenter rapidement la production, et surfer sur le déclin du coût vers la domination mondiale.

Cette formule sera-t-elle suffisante pour faire naître une économie de l’énergie renouvelab­le ? C’est dans les mains des gouverneme­nts. Il faut toujours des subvention­s, directes ou indirectes. M. Musk a montré qu’il utilisait de façon astucieuse l’aide du gouverneme­nt. Il a reçu pour Silevo la promesse de toucher 225 millions de dollars de subvention­s pour construire une usine à New York. Tesla a aussi bénéficié de la caution du Départemen­tp américain de l’Énergie pour emprunter. Les acheteurs de panneaux solaires et de voitures électrique­s comptent aussi sur les largesses du gouverneme­nt, même si on se demande combien de temps cela va durer. Ceux qui achètent une Tesla auxÉtatsp Unis vont bientôt perdre la déduction fiscale possible pour l’achat d’un véhicule électrique. Le futur de l’énergie solaire en Amérique est tout aussi incertain. Le crédit d’impôt fédéral doit s’achever d’ici à 2021. Des États américains­comp mencent à transférer une partie des coûts fixes de leurs services publics d’électricit­é traditionn­els aux clients du marché de l’énergie solaire. Il y a d’autres obstacles. Les nouveaux panneaux solaires de Silevo, fabriqués en Chine, sont bloqués par les lois anti-dumping américaine­s. Silevo a fait appelpp contre cette exclusion. À terme, une filière de production locale pourrait résoudre le problème. Le rêve “du rayon de soleil à la voiture électrique” n’est pas fou, mais il a encore besoin d’un coup de pouce opportun pour devenir réalité.

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