Le Nouvel Économiste

Banques italiennes

Le moment est mal choisi pour l’Europe de se montrer intransige­ante

- PATRICK JENKINS, FT

La semaine dernière, un représenta­nt de Bruxelles a publiqueme­nt comparé la crise bancaire italienne, qui s’aggrave, à un opéra-pcomiqueq italien. Ainsi qque la demande d’autorisati­on de l’État italien de participer à un plan de sauvetage de quarante milliards d’euros. Avec ce genre de réactions, l’UE risque de rééditer la tragique crise de la zone euro de 2011. La demande des banques italiennes est arrivée quelques jours seulement après le vote britanniqu­e pour quitter l’UE, un résultat en partie provoqué par une Union européenne intransige­ante et qui a refusé d’être pragmatiqu­e face au refus populaire de l’immigratio­n. L’Italie, dont le système bancaire s’enfonce dans la crise, est le prochain test. Les actions de ses plus grandes banques ont perdu jusqu’à la moitié de leur valeur ces deux derniers mois. Les actions de la banque Monte dei Paschi di Sienna (MPS), la troisième du marché italien, s’échangent maintenant pour à peine 10 % de la valeur de ses actifs nets. Difficile de l’expliquer rationnell­ement. Le ratio de créances douteuses de la banque est épouvantab­le, mais il l’était déjà il y a deux mois. Une analyse à tête reposée trouverait des points positifs. UniCredit, le plus gros prêteur italien, a maintenant à sa tête un patron crédible, Jean-Pierre Mustier. De nouvelles lois ont été votées pour faciliter des fusions prévues de longue date entre des institutio­ns qui se prêtent mutuelleme­nt des fonds et qui sont en péril. Les sources de financemen­ts sont abondantes. La nervosité a pourtant fait oublier aux actionnair­es ces points positifs. Le Brexit a fait du mal à la bourse italienne. Elle est toujours en recul de 10 % alors que même celle du Royaume-Uni s’est redressée. Cela révèle des craintes que l’Europe s’effondre, ou même se disloque complèteme­nt. Que la BCE ait accentué sa pression sur les créanciers de l’Italie a encore compliqué les choses. Des stress tests sont imminents. Une lettre de remontranc­e de la BCE à la banque MPS, qui a été rendue publique peu après, ordonne à la banque d’apurer d’un tiers ses prêts irrécupéra­bles en deux ans. La grande question que soulève cette injonction de la BCE est que ces mauvaises dettes sont évaluées par la MPS à environ 40 centimes par euro, deux fois ce que les marchés semblent disposés à payer. La banque a probableme­nt besoin de lever 5 milliards d’euros de capitaux frais pour radier ses créances irrécouvra­bles. Le cas de la Monte dei Paschi di Sienna est juste une facette des problèmes qui attendent les banques italiennes. Il manque 45 milliards d’euros au système bancaire italien, selon les analystes de Berenberg. Les taux d’intérêt extrêmemen­t bas ont écrasé les marges. Par ailleurs, les banques italiennes ont été lentes à s’adapter. Les banques espagnoles ont fait les réformes nécessaire­s : démantèlem­ent des banques les plus faibles, réductions des coûts, apurement des dettes irrécouvra­bles. L’Italie ne l’a pas fait. Ses banques n’ont pas réagi en levant rapidement des capitaux. Il suffit de comparer les chiffres des grandes banques espagnoles avec ceux des Italiennes. Le ratio de fonds propres de Santander est de 12,4 %, alors que le minimum exigé par la BCE est 10,5 % une fois l’intégralit­é des exigences courantes honorées. Le ratio de fonds propres de Unicredit est quant à lui de 10,5 %, toujours inférieur aux 10,75 % exigibles, au moment même où de nouveaux capitaux vont être nécessaire­s pour absorber les mauvaises dettes.

Cinqq issues sont ppossibles. Toutes sont problémati­ques.

1. En théorie, et compte tenu des nouvelles règles sur l’insolvabil­ité, des banques comme la MPS devraient être dissoutes par ceux qui détiennent les dettes du “plan de sauvetage”. Mais l’Italie semble avoir vendu des obligation­s bancaires aux petits épargnants sans les avertir des risques courus. Après le suicide d’un client de la Banca Etruria l’an dernier, les autorités italiennes ont préféré ne pas recourir à nouveau à ces règles de sauvetage bancaire. 2. Le Premier ministre Matteo Renzi a songé à faire appel au mécanisme de stabilité européen (soit 700 milliards d’euros), qui fut utilisé pour les autres plans de renfloueme­nt de la zone euro. Mais il craint d’en assumer les stigmates. 3. Forcer une grande banque à secourir une autre plus fragile est une autre possibilit­é. Intesa Sanpaolo, la plus en forme des banques italiennes, refuse depuis longtemps de jouer aux pompiers. UniCredit a volontaire­ment nommé un dirigeant non Italien, M. Mustier, pour éviter qu’il ne soit “capté” par l’establishm­ent italien 4. Atlante, le fonds de sauvetage créé par les grandes banques, pourrait en théorie être une bouée de secours. Mais le fonds, financé à hauteur de 4,25 milliards d’euros, possède seulement 1,75 milliard d’euros de “munitions sèches”. Les banques italiennes possèdent jusqu’à 300 milliards d’euros de créances irrécupéra­bles et tout dépend de ce que l’on entend par dettes “pourries”. La Monte Paschi di Sienna, à elle seule, en possède pour 28 milliards d’euros, et ce sont les plus “pourries”. 5. Vu l’ampleur du problème, il n’est pas étonnant que M. Renzi semble pencher pour une mesure radicale : un sauvetage par le gouverneme­nt. Des experts pensent qu’il lui est possible d’éviter les obstacles les plus importants : la directive européenne sur les aides de l’État d’une part, et leslimip tations légales italiennes sur les dettes d’autre part. Dans tous les cas de figure, le moment est mal choisi pour l’Europe de se montrer intransige­ante. Même dans les pays qui n’ont pas vendu des obligation­s douteuses sur les banques, on verra que les règles imposées pour le sauvetage sont inadaptées, quelle que soit la crise systémique. Quand la pression augmentera, le fait de sacrifier les détenteurs d’obligation­s et diffuser la panique sur tous les marchés de capitaux sera jugé trop risqué. Ceux qui font ces politiques devraient le comprendre, et y réfléchir.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France