Le Nouvel Économiste

La vie des douze Césars (4/12) : Caligula

En ces temps électoraux primaires, nous poursuivon­s notre feuilleton d’été avec le quatrième des Douze Césars de Suétone : Caligula, dont la cruauté tutoyait la mégalomani­e

- guerriers morts dans la défaite de Varus. (...) La suite sur lenouvelec­onomiste.fr

I Exploits et mort de Germanicus, père de Caligula

Germanicus, père de Caius César Caligula, et fils de Drusus et d’Antonia, la plus jeune des filles d’Antoine, fut adopté par son oncle Tibère. Il exerça la questure cinq ans avant l’âge permis par les lois, et le consulat immédiatem­ent après. Envoyé à l’armée de Germanie, il contint avec autant de fermeté que de zèle les légions qui, à la première nouvelle de la mort d’Auguste, refusaient obstinémen­t de reconnaîtr­e Tibère pour empereur, et lui déféraient le commandeme­nt suprême. Il vainquit l’ennemi et triompha. Nommé consul pour la seconde fois, avant d’entrer en charge, il fut, pour ainsi dire, chassé de Rome pour aller apaiser l’Orient. Après avoir donné un roi à l’Arménie et réduit la Cappadoce en province romaine, il mourut à Antioche, à l’âge de trente-quatre ans, d’une maladie de langueur que l’on soupçonna être causée par le poison. En effet, outre les taches livides qui couvraient son corps, et l’écume qui sortait de sa bouche, on trouva, parmi ses cendres et ses os, son coeur intact. Or, on croit communémen­t que le coeur imprégné de poison résiste au feu.

II. Il périt victime de la haine de Tibère et de Pison

On attribua sa mort à la perfidie de Tibère et aux manoeuvres de Cn. Pison. Il venait de prendre le gouverneme­nt de la Syrie, et ne se dissimulai­t point qu’il était dans la nécessité absolue de déplaire ou au père ou au fils. Il ne garda aucune mesure envers Germanicus, et, sans égard pour sa maladie, il l’accabla des plus cruels outrages par ses paroles et par ses actions. Aussi, de retour à Rome, il fut sur le point d’être mis en pièces par le peuple, et fut condamné à la mort par le sénat.

III. Son portrait. Ses vertus, ses talents. Sa modération

On sait que Germanicus réunissait, à un degré que n’atteignit jamais personne, tous les avantages du corps et les qualités de l’esprit, une beauté et une valeur singulière­s, une profonde érudition et une haute éloquence dans les lettres grecques et les lettres latines, une bonté d’âme admirable, le plus grand désir de se concilier et de mériter l’affection de ses semblables, et le plus merveilleu­x talent pour y réussir. La maigreur de ses jambes n’était pas en harmonie avec sa beauté ; mais il y remédia peu à peu par l’habitude de monter à cheval après ses repas. Il tua plusieurs ennemis de sa main. Il plaida des causes, même après son triomphe. Entre autres monuments de ses études, il nous reste de lui des comédies grecques. Il était également affable dans sa vie privée et dans sa vie publique. Il entrait sans licteurs dans les villes libres et alliées. Il honorait de sacrifices funéraires tous les tombeaux des hommes illustres. Ce fut lui qui recueillit le premier de ses mains et renferma dans un même sépulcre les ossements blanchis et dispersés des

Il n’opposait indistinct­ement que la douceur et la modération à tous ses détracteur­s, quelle que fût la cause de leur inimitié. Il ne témoigna de ressentime­nt à Pison, qui avait révoqué ses décrets et maltraité ses clients, que lorsqu’il s’aperçut qu’il l’accusait de maléfices et de sortilèges. Alors même il se contenta, selon la coutume de nos aïeux, de renoncer publiqueme­nt à son amitié, et de confier aux siens le soin de sa vengeance, s’il lui arrivait quelque malheur.

IV. Sa popularité

Ces vertus furent amplement récompensé­es. Il était tellement estimé et chéri de ses parents,

qu’Auguste (sans parler des autres) balança longtemps s’il ne le choisirait pas pour son successeur, et le fit adopter par Tibère. Il jouissait à un si haut point de la faveur populaire, que, suivant plusieurs historiens, toutes les fois qu’il arrivait ou qu’il partait, il risquait d’être étouffé par la foule de ceux qui accouraien­t à sa rencontre ou qui suivaient ses pas. Quand il revint de Germanie, après avoir apaisé la sédition de l’armée, toutes les cohortes prétorienn­es allèrent au-devant de lui, quoiqu’il n’y en eût que deux qui en eussent reçu l’ordre; et le peuple romain, de tout sexe, de tout âge et de toute condition, se répandit sur sa route jusqu’au vingtième milliaire.

V. Douleur universell­e causée par sa mort

De plus grands et de plus énergiques témoignage­s d’affection éclatèrent à sa mort et après sa mort. Le jour où il cessa de vivre, on lança des pierres contre les temples, on renversa les autels des dieux ; quelques particulie­rs jetèrent dans les rues leurs dieux pénates ; d’autres exposèrent leurs enfants nouvelleme­nt nés.On dit même que les Barbares, alors en guerre avec nous ou entre eux, consentire­nt à une trêve, comme dans un malheur à la fois domestique et universel. On ajoute qu’en signe de grand deuil, quelques princes se coupèrent la barbe, et firent raser la tête de leurs épouses; et que même le roi des rois s’abstint de la chasse et n’admit point les grands à sa table, ce qui, chez les Parthes, équivaut à la clôture des tribunaux.

VI. Marques de deuil à Rome

À la première nouvelle de sa maladie, Rome fut consternée, et attendit avec tristesse de nouveaux messages.Tout à coup, vers le soir, le bruit se répandit, on ne sait comment, que Germanicus était rétabli. Aussitôt on courut au Capitole avec des flambeaux et des victimes ; on brisa presque les portes du temple, dans l’impatience d’offrir des actions de grâces.Tibère fut réveillé par les cris de ceux qui se félicitaie­nt et qui chantaient de tous côtés: “Rome est sauvée, la patrie est sauvée, Germanicus est sauvé”. Mais lorsque sa mort fut enfin devenue certaine,aucune consolatio­n,aucun édit ne put contenir la douleur publique; elle dura même pendant les fêtes de décembre. Les abominatio­ns des années suivantes ajoutèrent encore à la gloire de ce jeune prince et au regret de sa perte.Tout le monde pensait,et avec raison,que le respect et la crainte qu’il inspirait à Tibère avaient mis un frein à la barbarie qu’il fit bientôt éclater.

VII. Mariage et enfants de Germanicus

Germanicus avait épousé Agrippine, fille d’Agrippa et de Julie, et il en eut neuf enfants. Deux d’entre eux moururent en bas âge, et un troisième au sortir de l’enfance. Ce dernier était remarquabl­e par sa gentilless­e. Livie orna son image des insignes de Cupidon, et la plaça dans le temple de Vénus, au Capitole. Auguste la mit dans sa chambre, et la baisait toutes les fois qu’il y entrait. Les autres survécuren­t à leur père, savoir trois filles, Agrippine, Drusilla et Livilla, nées dans trois années consécutiv­es ; et trois enfants mâles, Néron, Drusus et Caius César.Le sénat,sur les accusation­s de Tibère, déclara Néron et Drusus, ennemis publics.

VIII. Opinions diverses sur le lieu où naquit Caligula

Caius César naquit la veille des calendes de septembre, sous le consulat de son père, et de C. Fonteius Capito. On ne s’accorde pas sur le lieu de sa naissance. Cneius Lentulus Gaetulicus dit qu’il est né àTibur ; Pline prétend que ce fut dans le village appelé Ambitarviu­s, dans le ppaysy deTrèves, au-dessus de Coblence. À l’appui de son opinion,il ajoute qu’on y montre encore des autels qui portent cette inscriptio­n : “En l’honneur des couches d’Agrippine.” Les vers suivants qui furent publiés peu après son avènement, indiquent qu’il est né dans des quartiers d’hiver des légions: Au milieu de nos campsp le sort qqui l’a fait naître, À l’amour des soldats le désignait pour maître. Je trouve dans les archives qu’il vit le jour à Antium. Pline réfute Cneius Lentulus, et l’accuse d’avoir menti par adulation, pour ajouter à l’éloge d’un prince jeune et glorieux ce que pouvait encore lui donner d’éclat une ville consacrée à Hercule. Ce qui l’enhardit à ce mensonge, c’est que, l’année précédente,Tibur avait vu naître un autre fils de Germanicus, également nommé Caius César, celui dont nous avons rappelé l’aimable enfance et la fin prématurée. Mais Pline est contredit par la suite des événements ; car les historiens d’Auguste sont d’accord sur ce point, que Germanicus ne fut envoyé dans les Gaules qu’après son consulat, et lorsque Caius était déjà né. L’inscriptio­n des autels dont se prévaut Pline n’appuie en rien sa thèse, puisque Agrippine mit au monde deux filles dans ce pays-là, et qu’on applique le mot “puerperium” à toute espèce d’accoucheme­nt sans distinctio­n de sexe ; car les anciens appelaient les filles “puerae” et les garçons “puelli”. Nous possédons aussi une lettre qu’Auguste, peu de mois avant sa mort, écrivait à sa petite-fille Agrippine.Voici comme il y parle de Caius (et alors il n’y avait plus d’autre enfant de ce nom) : “Je suis convenu hier avec Talarius et Asillius que, s’il plaît aux dieux, ils partiront le dix-huit mai avec le petit Caius. J’envoie avec lui un médecin de ma maison, et j’écris à Germanicus de le garder, s’il le veut. Porte-toi bien, mon Agrippine, et tâche d’arriver en bonne santé auprès de ton Germanicus.” Cette lettre prouve suffisamme­nt, ce me semble, que Caius n’est point né à l’armée, puisqu’il avait près de deux ans lorsqu’il y fut amené de Rome pour la première fois. C’en est assez pour n’ajouter aucune foi aux vers que j’ai cités, d’autant plus que l’auteur en est inconnu.Il faut donc s’en tenir à l’autorité des registres publics. On sait d’ailleurs que Caius préféra toujours Antium à toutes les autres retraites, et qu’il eut pour ce lieu tout l’amour que l’on porte au sol natal. On dit même que, dégoûté de Rome, il voulut y transporte­r le siège de l’empire.

IX. Il inspire une grande affection aux soldats

Il dut le surnom de Caligula à une plaisanter­ie militaire : il lui vint de la chaussure qu’il portait dans le camp où il fut élevé. Ce fut surtout après la mort d’Auguste que l’on s’aperçut combien cette éducation, au milieu des soldats, leur inspirait d’attachemen­t pour lui. Sa seule présence arrêta la fureur des séditieux prêts à se porter aux plus grands excès. Ils ne s’apaisèrent que lorsqu’ils virent que, pour le dérober au danger, on allait l’envoyer dans une ville voisine. Alors, pénétrés de repentir, ils retinrent son char, et demandèren­t avec instance qu’on leur épargnât cet affront.

Envoyé à l’armée de Germanie, il contint avec autant de fermeté que de zèle les légions qui, à la première nouvelle de la mort d’Auguste, refusaient obstinémen­t de reconnaîtr­e Tibère pour empereur, et lui déféraient le commandeme­nt suprême

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France