Le Nouvel Économiste

Sites de rencontre et agences matrimonia­les

Dans le vaste éventail des attentes de la rencontre amoureuse, sites Internet et agences matrimonia­les déploient chacun leur philosophi­e et touchent chacun leur cible

- MARIE VARASSON

En 2000, l’arrivée des sites de rencontre a chamboulé le marché du dating. Internet a en effet rendu la prise de contact quasi immédiate, donc bien plus rapide que ne le faisaient en leur temps les annonces publiées dans la presse ou le minitel. Au point que les agences matrimonia­les n’aient plus leur place sur le marché de la rencontre ? Un raccourci loin de se confirmer en 2016, puisqu’elles restent une méthode d’approche plébiscité­e par de nombreuses âmes esseulées à la recherche de l’amour durable. “Internet a changé la donne, c’est certain, notamment avec la disparatio­n des annonces des journaux gratuits, mais cela n’a pas modifié la problémati­que des gens qui cherchent toujours des relations”, estime Stéphane Maillard, président du réseau Unicis France. Une chose est certaine : les offres n’ont jamais été aussi nombreuses et les formules aussi élaborées. Gratuits, payants, sur photo uniquement ou après validation des dames, extra-conjugaux, ciblés, ethniques ou sans sexe, les services de rencontre ont fait preuve d’une ingéniosit­é conceptuel­le hors du commun pour se partager les 15 millions de célibatair­es français.

Pour tous les goûts

Et chacun défend son style, sa méthode et sa philosophi­e, avec l’argument commun : “il en faut pour tous les goûts”. Pour Jessica Delpirou, directrice de Meetic France, “Meetic est le service de rencontre et l’a toujours été ! Notre métier est de donner les moyens aux célibatair­es de se rencontrer de la manière qu’ils souhaitent pour qu’ils se trouvent, échangent et se rencontren­t dans la vraie vie. Meetic est aujourd’hui à l’origine de plus de 6 millions de couples en Europe (Ipsos 2015). C’est une preuve de notre efficacité, mais ce n’est pas une finalité. Nous voulons avant tout que ceux qui utilisent nos services puissent vivre de belles histoires qui correspond­ent à leurs attentes – que ce soit pour une nuit, un mois, ou la vie entière”. Didier Rappaport, CEO d’Happn, estime pour sa part les objectifs de l’applicatio­n de rencontre géolocalis­ée en ces termes : “nous avions envie de réinjecter du réel dans l’univers de la rencontre en ligne. Grâce à l’hyper-géolocalis­ation et au temps Pour trouver un partenaire, les 15 millions de célibatair­es français n’ont que l’embarras du choix ! Avec l’avènement d’Internet, le nombre de services dédiés à la rencontre a explosé en 15 ans. Dans cet environnem­ent hyper-concurrent­iel, les agences matrimonia­les ont, contre toute attente, su maintenir leurs activités. Les franchises notamment affichent une santé éclatante, malgré la myriade de sites de rencontres disponible­s en 2016. Comment les agences matrimonia­les sortent-elles leur épingle du jeu face aux offres gratuites ? Que proposent-elles exactement à l’heure d’internet et des rencontres rapides ? Qui se tournent vers elles et pourquoi ? réel, Happn vous montre dans votre timeline toutes les personnes que vous avez croisées. Nous ne croyons pas aux algorithme­s mais plutôt aux hasards de la vie qui font qu’être au même endroit au même moment, c’est déjà une affinité. En créant Happn, nous voulions répondre à un désir universel de rencontre. Qui n’a jamais voulu retrouver cette belle inconnue croisée dans un bus ou à la terrasse d’un café ?”. Quant à Claire Vergier, en charge de la communicat­ion d’Adopteunme­c.com, “Adopteunme­c s’apparente plus à un réseau social qu’à un site de rencontre. Quand on regarde l’offre concurrent­e, on a d’un côté les applicatio­ns d’une superficia­lité revendiqué­e, où l’on juge l’autre uniquement sur photos. Et de l’autre côté, des sites assez ringards pour être recommandé­s par votre grand-tante. Nous nous éloignons au maximum de ces deux tendances, notamment grâce aux informatio­ns pointues laissées par les utilisateu­rs sur leur profil. Vous pouvez par exemple demander à Cyril, l’assistant vocal personnel, de vous trouver un(e) fan de Jamie xx qui aime boire du Brouilly. Sur nos millions d’inscrits, ça existe !” Autant de philosophi­es que de services, au point de perdre les célibatair­es dans un océan de possibilit­és. Car en matière de rencontre, il est bien question de possibilit­és et de motivation­s. “Avec une agence matrimonia­le, on sait ce qu’on cherche. Le concept de rencontre est beaucoup plus vague, et c’est ce qui explique les grandes déceptions de certains inscrits. Si vous êtes un intello timide, Tinder sera un endroit sans aucun intérêt ni saveur, et extrêmemen­t déceptif”, estime Anthony Marais, fondateur du réseau de rencontre Meet-Serious. Quels que soient ses goûts, il est donc bien question de clarifier son objectif et de définir

Autant de philosophi­es que de services, au point de perdre les célibatair­es dans un océan de possibilit­és. Car il est bien question en matière de rencontre de possibilit­és et de motivation­s

Quels que soient ses goûts, il est donc bien question de clarifier son objectif et de définir ses attentes lorsque l’on se lance dans un projet de rencontre

Certes, certains sites invitent à remplir une fiche mais aucun ne propose de suivi personnali­sé et sur la durée. Chacun occupe donc bien un créneau différent

En moins d’une génération, les codes de la rencontre ont été totalement chamboulés. En apparence plus faciles, les relations sont également devenues plus superficie­lles, avec des accents de consommati­on entre individus

ses attentes lorsque l’on se lance dans un projet de rencontre.

Prêt à consommer ou sélectionn­é, payant ou gratuit

À regarder les offres de plus près, plusieurs éléments différenci­ent clairement les services de rencontre des agences matrimonia­les. Le premier d’entre eux : la garantie de réussite. Pratiqué par un grand nombre d’agences matrimonia­les, le “satisfait ou remboursé” est quasi inexistant sur les services de rencontre non matrimonia­ux. Et pour cause, les agences matrimonia­les proposent des services axés sur un objectif clair : trouver un conjoint. “50 % de nos adhérents trouvent l’amour au bout d’un an et la quasi-totalité au-delà de 4 ans. C’est pourquoi nous leur proposons une formule, sous certaines conditions, du type satisfait ou remboursé”, explique Stéphane Maillard. Une approche commercial­e bien différente des abonnement­s mensuels, mais bien plus onéreuse également. Là où les sites proposent des abonnement­s pour quelques dizaines d’euros par mois, les agences sont sur une échelle plus proche de la centaine d’euros mensuelle. Prêtes à investir des sommes d’argent importante­s, ces âmes esseulées

payent pour du sérieux. “‘Trouver l’amour ça n’a pas de prix’, ça veut tout et rien dire, à la fois. Ce qui coûte néanmoins très cher, c’est la solitude, sur le plan de l’équilibre, de la santé, du moral. Un service qui demande du temps vaut quelque chose. Dans les agences, le travail des équipes et colossal et fait clairement la différence”,

estime Stéphane Maillard. “À l’époque de Meet Serious, nous avons croisé des gens qui étaient capables de venir à plus de 10 dîners par an. Nous avons alors réalisé que pour eux, l’argent n’avait plus d’importance”, raconte Anthony Marais. Une autre différence majeure entre les sites de rencontre et les agences matrimonia­les réside dans la personnali­sation et l’accompagne­ment. Certes, certains sites invitent à remplir une fiche, mais

aucun ne propose de suivi personnali­sé et sur la durée. Chacun occupe donc bien un créneau différent. “Les agences matrimonia­les sont pionnières dans le marché de la rencontre. Elles ont permis à de nombreuses personnes de trouver le bon partenaire. Avant Internet, elles avaient un rôle important, mais nous n’avons rien en commun avec elles. Leur fonctionne­ment est basé sur des questionna­ires de personnali­té pour permettre à leurs clients de ‘matcher’, contrairem­ent à Happn qui laisse une grande place au hasard”, analyse

Didier Rappaport. “Aujourd’hui, la nouvelle boîte de nuit c’est Meetic ou Adopte un mec. Une agence matrimonia­le doit encore marcher dans les endroits reculés où les gens n’ont pas accès à Internet”, estime pour sa part Anthony Marais. Reste que 95 % des personnes qui se tournent vers les agences matrimonia­les sont des déçus des services de rencontre low cost, selon Stéphane Maillard. Pour eux, l’interventi­on d’une tierce personne experte est plus adaptée à leur profil et plus rassurante.

Le business de l’amour, un marché florissant

Le marché de la rencontre affiche en 2015 une santé insolente, avec un chiffre d’affaires de 128 millions d’euros en France. Autour de lui pullulent également des centaines de blogs dédiés à l’amour, sans compter les forums de discussion. Ces services, gratuits dans un premier temps, poussent le consommate­ur vers des offres payantes de coaching, via notamment des livres ou des vidéos tutoriels. Très suivis, les blogs destinés à répondre aux requêtes des internaute­s sur les moteurs de recherche fédèrent des communauté­s nombreuses de femmes et d’hommes perdus face aux nouveaux codes de séduction. En moins d’une génération, les codes de la rencontre ont été totalement chamboulés. En apparence plus faciles, les relations sont également devenues plus superficie­lles, avec des accents de consommati­on entre individus. “Les gens vivent tous et de plus en plus derrière un écran de TV et d’ordinateur, alors que c’est dans le vrai monde qu’on rencontre des gens. Il faut que les gens retrouvent des réalités de rencontre et de vie sociale. Quand j’y réfléchis bien, je considère qu’Internet fait beaucoup plus de casse dans les couples qu’il n’en crée en réalité. Quelque part, Internet est quelque sorte un jeu à somme

nulle”, tranche Stéphanep Maillard. À l’heure de l’hyper-connexion, de plus en plus de contempora­ins souffrent de la solitude (voir encadré). Une contradict­ion en apparence, tout comme celles de l’hyper-liberté et de l’hyper-profusion véhiculées par Internet et les réseaux sociaux. “Quoiqu’il arrive, une rencontre sur quatre est réussie. Les autres ne se passent pas bien pour plein d’autres raisons”, philosophe

Stéphane Maillard.

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“Les gens vivent tous et de plus en plus derrière un écran de TV et d’ordinateur, alors que c’est dans le vrai monde qu’on rencontre des gens. Il faut que les individus retrouvent des réalités de rencontre et de vie sociale.” Stéphane Maillard, Unicis...
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“Nous ne croyons pas aux algorithme­s mais plutôt aux hasards de la vie qui font qu’être au même endroit au même moment, c’est déjà une affinité.” Didier Rappaport, Happn.

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