Un quinquennat pour rien
“Ni enlisement, ni rétablissement” caractérisent cinq ans de gestion “hollandaise”
Le président François Hollande restera dans l’histoire comme le général en chef du bureau fiscal de Bercy en France. Il aura utilisé comme aucun de ses prédécesseurs tous les raffinements qu’offre l’impôt. Assommoir fiscal pour tous au départ, réorientation en faveur des entreprises...
Le Président François Hollande restera dans l’histoire comme le général en chef du bureau fiscal de Bercy en France. Il aura utilisé comme aucun de ses prédécesseurs tous les raffinements qu’offre l’impôt. Assommoir fiscal pour tous au départ, réorientation en faveur des entreprises et au détriment des ménages à partir de 2014, gestes clientélistes en fin de parcours, jusqu’à cet ultime legs que sera en 2018 un impôt sur le revenu perçu à la source. Tout ça pour un quasi-surplace économique et un niveau historiquement haut pour les seules marges des entreprises. C’est le “ni-ni hollandais”. Ni véritable enlisement, ni authentique rétablissement. En l’absence de réformes substantielles, il ne pouvait en aller autrement.
Stress fiscal sur les ménages
Les experts de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) se refusent d’ailleurs à arbitrer entre les deux pôles d’oscillation du quinquennat. Ces adeptes du soutien de la demande ne peuvent que regretter l’asphyxie partielle imposée aux ménages, mais en même temps, ils ne sauraient récuser l’oxygène donné au secteur pproductif. Ce n’est ppas l’Élyséey qqui les aidera à trancher. À quelques mois de la fin du mandat, il est toujours aussi difficile de savoir quelle porte de sortie revendiquera le président de la République. François Hollande préfère prendre de la hauteur : “quel a été mon fil conducteur depuis quatre ans ? Moderniser le pays tout en protégeant son modèle social”, déclaraitil en avril dernier sur France 2. N’empêche, pour faire face au contexte dégradé de mai 2012 (croissance en berne et crise de l’euro), le coeur de la stratégie du quinquennat a été “fiscal-fiscal”. “La politique économique des gouvernements Ayrault et Valls aura été marquée dans un premier temps par une hausse importante des prélèvements obligatoires, tant sur les entreprises que sur les ménages, puis par l’inflexion vers une politique de l’offre. Celle-ci, incarnée par le Pacte de responsabilité et le CICE [Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ndlr], porte ses fruits en fin de mandat. Mais elle aura diminué la croissance à court terme et le pouvoir d’achat des ménages – en 2016 il restait inférieur de 350 euros par rapport au niveau de 2010”, résume l’OFCE.
Pas d’inversion de la courbe
Pour Xavier Ragot, le président de l’OFCE, cette trajectoire reflète les contraintes de l’appartenance à la zone euro. Faute de pouvoir dévaluer la monnaie par le change, il faut recourir à la dévaluation interne en réduisant le coût du travail par des mesures fiscales. Ce qui a permis de retrouver une forme de parité avec les prix industriels du made in Germany. L’OFCE ajoute : “le CICE et le Pacte de responsabilité (allégement de charges) n’auraient pas d’impact sur le PIB mais permettraient de créer ou sauvegarder de l’ordre de 230 000 emploisp à l’horizon 2017”. À moyen terme, au-delà du quinquennat, cela favorise tout de même la croissance par l’investissement. Il faut être patient. Une vertu, il est vrai, difficile à demander aux sans-emploi. En prenant pour référence le mode de calcul du BIT, l’OFCE considère que le chômage augmenterait, sur l’ensemble du quinquennat, d’environ 100 000 personnes, malgré 720 000 créations d’emploi, du fait d’une croissance insuffisante et d’une hausse de la population active. Il n’y aura pas d’inversion de la courbe !
Le dosage de l’austérité
Alors, François Hollande a-t-il commis une erreur de pilotage… fiscal ? La consolidation budgétaire en France et en Europe aura coûté 0,8 point de croissance en moyenne chaque année entre 2012 et 2017, assure l’OFCE. En revanche, le solde structurel des finances publiques françaises (hors conjoncture) se sera amélioré de 2,5 points entre 2012 et 2016. Un “bon point” vu de Bruxelles, mais jugé trop cher payé par les frondeurs socialistes. La “nécessité” de l’austérité et la sous-estimation de son impact promettent de vifs débats lors de la présidentielle. Parallèlement, les signes actuels de reprise n’effaceront pas la conviction auprès de beaucoup que ce quinquennat est raté principalement et d’abord à cause de rigidités spécifiques à la France. QQu’un immobilisme coupable au sommet de l’État n’a pas su ou voulu traiter. “J’ai été empêché d’agir”,g clame ppar exemplep l’exministre de l’Économie Emmanuel Macron. La liste des blocages à lever pour déclencher une vague de dynamisme est bien répertoriée. Mais elle souffre du handicap politique d’être assimilée à une liste libérale, voire ultra-libérale.
Le placard aux réformes
Le premier frein est tout simplement le manque d’activité de la maison France. Depuis quinze ans, le nombre d’emplois du secteur marchand stagne, et le nombre d’heures travaillées par an et par individu est l’un des plus faibles de l’OCDE. Chacun sait qu’à aucun moment, la majorité actuelle n’a songé à affronter la barrière des 35 heures, et surtout pas dans la Fonction publique. Le deuxième frein tient probablement à un marché du travail corseté et morcelé entre CDI et CDD. Chacun sait ce qu’il advint d’une loi Travail amputée de toute logique libératrice. Le troisième frein concerne le net ralentissement de la productivité. Nul ne détient la formule magique pour inverser une tendance commune à tous les pays de l’OCDE. Mais corriger les défaillances de la formation pprofessionnelle et celle de l’Éducation nationale serait sur le long terme un début de réponse. Personne n’a vu un commencement de sérieux sur ce front.
Une vision de comptable
Comment alors accroître à moyen terme la productivité du travail dans l’industrie ? “Par la modernisation du capital, l’innovation, la robotisation et par la substitution du capital au travail”, répond Patrick Artus, chef économiste de Natixis. Las, tous ces objectifs sont ontologiquement contraires à la vraie nature du ppouvoir “hollandais”. Le chef de l’État a choisi de taxer le capital comme le travail, manière de signifier aux acteurs économiques sa préférence pour la perpétuation du salarié à l’ancienne. En réalité, le quinquennat Hollande n’a eu pour toute boussole que le balisage par les critères de Maastricht. Une vision comptable où le mistigri fiscal passe d’une catégorie sociale à l’autre et ne génère aucune stimulation créatrice. De plus, dans la poursuite simultanée du retour à la compétitivité, du rééquilibrage des finances publiques et de la réduction du chômage, il y a un objectif de trop. Il faut arbitrer, il faut choisir. Ce que ne sait pas faire le président de la République. Sans doute est-ce là la principale raison qui explique ce quinquennat pour rien. Attention tout de même, il tomberait dans la disgrâce du “moins que rien” sans la chance du contre-choc pétrolier qui a procuré à la production française un point de valeur ajoutée supplémentaire de marge, soit le strict équivalent de l’effet CICE.
En face il faut afficher la synthèse des finances publiques. Elle fait état, en pourcentage du PIB, d’ un solde public négatif passant de 4,8% en 2012 à 2,7% en 2017 (prévision), d’un taux des prélèvements obligatoires passant de 43,8% en 2012 à 44% en 2017 (prévision), d’une dette publique passant de 89,6% en 2012 à 96,5% en 2017 (prévision). Toutes ces données se trouvent dans l’opuscule “L’économie française 2017, OFCE”, Edition La Découverte.
Dans la poursuite simultanée du retour à la compétitivité, du rééquilibrage des finances publiques et de la réduction du chômage, il y a un objectif de trop. Il faut arbitrer, il faut choisir. Ce que ne sait pas faire le président de la République