Le Nouvel Économiste

Supprimer l’ISF, mais en relevant les droits de succession

Il vaut mieux taxer le patrimoine hérité que le patrimoine accumulé grâce au travail et à la prise de risques

- FRANÇOIS ECALLE

Il serait souhaitabl­e de compenser la suppressio­n de l’ISF, dont le rendement budgétaire est de 5 milliards d’euros, par une hausse des droits de succession et donation, dont le rendement est de 12 milliards d’euros, ciblée sur les legs supérieurs à 1,3 million d’euros (seuil d’imposition à l’ISF)

Les impôts sur le patrimoine des ménages, et plus généraleme­nt les impôts sur le capital (revenus, détention et transmissi­on), sont beaucoup plus lourds en France que dans les autres pays. L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est lui-même singulier dans le paysage européen.

Son barème est une survivance obsolète d’une époque où le rendement du capital dépassait 10 %. Si aujourd’hui,j un actif rapporte 3 % par an, l’État peut enprélep ver une première moitié au titre des impôts sur le revenu (y compris prélèvemen­ts sociaux) et la deuxième moitié au titre de l’ISF, son taux marginal supérieur étant de 1,5 %. Le total des impôts sur le revenu et de l’ISF est certes plafonné à 75 % du revenu, mais un investisse­ment peut être taxé à 100 % si ce plafond n’est pas atteint, et un taux de 75 % est déjà très élevé.

La valeur de nombreux biens soumis à l’ISF (actions non cotées, immobilier non standard…) est très difficile à estimer, pour les contribuab­les, et à contrôler, pour le fisc. Des actifs dont la valeur réelle est identique peuvent ainsi être imposés très différemme­nt. Certains biens, comme les oeuvres d’art, ne peuvent pas être sérieuseme­nt estimés chaque année, leur valeur étant trop fluctuante, et sont exonérés, ce qui donne une échappatoi­re à certaines personnes. L’ISF est en pratique un impôt injuste. S’il est enfin très difficile de déterminer les parts respective­s des départs à l’étranger qui tiennent à des raisons fiscales, profession­nelles ou autres (par exemple, la qualité de la vie), il est probable que l’ISF est la cause d’une part significat­ive de ces départs.

Redistribu­tion des patrimoine­s

Il devrait donc être supprimé, mais une redistribu­tion des patrimoine­s est nécessaire. Si on écarte le sujet de la taxation spécifique du capital foncier – qui fait déjà l’objet des taxes locales foncières – pour considérer le patrimoine global, cette redistribu­tion peut prendre deux formes, l’ISF et la taxation des succession­s et donations.

La deuxième forme est préférable car il vaut mieux taxer le patrimoine hérité que le patrimoine accumulé grâce au travail et à la prise de risques. Certes, pour le testateur, le legs correspond à une épargne accumulée grâce au travail et à la prise de risque. La taxation des succession­s et donations doit donc rester mesurée. Mais, pour le légataire, il s’agit en général d’une aubaine au sens économique (un gain sans contrepart­ie).

Il serait donc souhaitabl­e de compenser la suppressio­n de l’ISF, dont le rendement budgétaire est de 5 milliards d’euros, par une hausse des droits de succession et donation, dont le rendement est de 12 milliards d’euros, ciblée sur les legs supérieurs à 1,3 million d’euros (seuil d’imposition à l’ISF). Comme la fiscalité du capital devrait être globalemen­t réduite, le barème des droits de succession et donation devrait toutefois être adapté pour que le produit de cette hausse reste inférieur à 5 milliards d’euros.

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