Supprimer l’ISF, mais en relevant les droits de succession
Il vaut mieux taxer le patrimoine hérité que le patrimoine accumulé grâce au travail et à la prise de risques
Il serait souhaitable de compenser la suppression de l’ISF, dont le rendement budgétaire est de 5 milliards d’euros, par une hausse des droits de succession et donation, dont le rendement est de 12 milliards d’euros, ciblée sur les legs supérieurs à 1,3 million d’euros (seuil d’imposition à l’ISF)
Les impôts sur le patrimoine des ménages, et plus généralement les impôts sur le capital (revenus, détention et transmission), sont beaucoup plus lourds en France que dans les autres pays. L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est lui-même singulier dans le paysage européen.
Son barème est une survivance obsolète d’une époque où le rendement du capital dépassait 10 %. Si aujourd’hui,j un actif rapporte 3 % par an, l’État peut enprélep ver une première moitié au titre des impôts sur le revenu (y compris prélèvements sociaux) et la deuxième moitié au titre de l’ISF, son taux marginal supérieur étant de 1,5 %. Le total des impôts sur le revenu et de l’ISF est certes plafonné à 75 % du revenu, mais un investissement peut être taxé à 100 % si ce plafond n’est pas atteint, et un taux de 75 % est déjà très élevé.
La valeur de nombreux biens soumis à l’ISF (actions non cotées, immobilier non standard…) est très difficile à estimer, pour les contribuables, et à contrôler, pour le fisc. Des actifs dont la valeur réelle est identique peuvent ainsi être imposés très différemment. Certains biens, comme les oeuvres d’art, ne peuvent pas être sérieusement estimés chaque année, leur valeur étant trop fluctuante, et sont exonérés, ce qui donne une échappatoire à certaines personnes. L’ISF est en pratique un impôt injuste. S’il est enfin très difficile de déterminer les parts respectives des départs à l’étranger qui tiennent à des raisons fiscales, professionnelles ou autres (par exemple, la qualité de la vie), il est probable que l’ISF est la cause d’une part significative de ces départs.
Redistribution des patrimoines
Il devrait donc être supprimé, mais une redistribution des patrimoines est nécessaire. Si on écarte le sujet de la taxation spécifique du capital foncier – qui fait déjà l’objet des taxes locales foncières – pour considérer le patrimoine global, cette redistribution peut prendre deux formes, l’ISF et la taxation des successions et donations.
La deuxième forme est préférable car il vaut mieux taxer le patrimoine hérité que le patrimoine accumulé grâce au travail et à la prise de risques. Certes, pour le testateur, le legs correspond à une épargne accumulée grâce au travail et à la prise de risque. La taxation des successions et donations doit donc rester mesurée. Mais, pour le légataire, il s’agit en général d’une aubaine au sens économique (un gain sans contrepartie).
Il serait donc souhaitable de compenser la suppression de l’ISF, dont le rendement budgétaire est de 5 milliards d’euros, par une hausse des droits de succession et donation, dont le rendement est de 12 milliards d’euros, ciblée sur les legs supérieurs à 1,3 million d’euros (seuil d’imposition à l’ISF). Comme la fiscalité du capital devrait être globalement réduite, le barème des droits de succession et donation devrait toutefois être adapté pour que le produit de cette hausse reste inférieur à 5 milliards d’euros.