Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

Gouverneme­nts et banques centrales font fi de 5 000 ans d’Histoire

- BERTRAND JACQUILLAT

Des taux d’intérêt négatifs pour “tondre” l’épargnant

Les gouverneme­nts et les banques centrales sont en train de réécrire la règle financière fondamenta­le établie 3 000 ans avant Jésus-Christ. Celle-ci établit que les épargnants doivent être rémunérés lorsqu’ils prêtent de l’argent. Cette règle semble abolie. Aujourd’hui et dans la plupart des pays, ce sont les prêteurs qui paient pour avoir le privilège de confier leur épargne aux gouverneme­nts, et même depuis peu aux entreprise­s. Car les principaux pays du monde occidental représenté­s au sein de l’OCDE ont réussi à faire baisser leurs taux d’intérêt non seulement à leurs plus bas historique­s, mais au-delà même de zéro en territoire négatif. Aujourd’hui, plus de 15 000 milliards d’euros d’obligation­s publiques offrent des rendements actuariels inférieurs à zéro. Ils ont réussi cette pprouesse alors même qque la dette publique des États a atteint des niveaux records et que la croissance économique médiocre amoindrit la possibilit­é de la rembourser. Un tel environnem­ent financier et économique rendrait normalemen­t un tel débiteur plus risqué et commandera­it un taux d’intérêt plus élevé pour compenser le risque supérieur qu’il représente. Au contraire, dans ce nouvel environnem­ent économique, plus malsaine est la situation des finances publiques, et plus il leur est intéressan­t d’emprunter. Alors que la dette publique japonaise est supérieure à 200 % au PIB japonais, le rendement des obligation­s publiques japonaises était encore tout récemment de -0,06 %.

Du jamais vu depuis 5 000 ans

Une telle situation est sans précédent dans l’histoire. Dans leur monumental­e ‘History of Interest Rates’, Sydney Homer et Richard Sylla, de la New York University, identifien­t un seul cas de la sorte : les bons du Trésor américain émis en 1941 juste avant Pearl Harbour, mais cette anomalie n’en était pas vraiment une, car ceux-ci comportaie­nt une caractéris­tique optionnell­e. Sinon, il n’est pas d’exemple de taux d’intérêt négatifs depuis 5 000 ans. Alors que la dette publique accumulée dans le monde s’élève à 60 000 milliards de dollars, en réalité celle-ci s’élève à plusieurs centaines de milliers de milliards de dollars, si on y ajoutej tous les autres engagement­sgg des États qui sont autant de chargesbud­géy taires supplément­aires. Cela pousse les prix des actifs financiers risqués à des niveaux dangereux. Et cela agit in fine comme un frein à la croissance économique. Qui va investir avec confiance quand le prix du crédit présente une telle distorsion ? Les obligation­s n’ont donc jamais été aussi chères, et cette bulle obligatair­e ne fait pas que des heureux, notamment les épargnants allemands qui le ressentent particuliè­rement. Mais en l’absence d’inflation et dans un environnem­ent de croissance économique médiocre, peut-être la seule solution est-elle de “tondre” l’épargnant pour dégonfler le levier trop important accumulé au fil des ans par toutes les catégories d’emprunteur­s.

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