Le Nouvel Économiste

MA TRÈS CHÈRE BANQUE

La voix des représenta­nts de la société civile n’a été que trop peu entendue

- CHRISTOPHE NIJDAM, Secrétaire général de Finance Watch

Jusqu’où faut-il réglemente­r la finance ?

Aurait-on déjà oublié l’ampleur du désastre économique provoqué par la crise financière de 2008 ? Et qu’il aura fallu une quarantain­e de propositio­ns législativ­es européenne­s – dont une bonne partie n’est toujours pas d’applicatio­n – pour stabiliser la situation ? Ceux qui s’en souviennen­t ne manqueront pas de trouver la démarche de la Commission européenne surprenant­e. Elle qui s’est lancée, il y a plusieurs mois, dans une consultati­on publique (dénommée “call for evidence”) afin d’évaluer si sa nouvelle législatio­n n’était pas redondante ou en contradict­ion avec la réglementa­tion existante, risquant ainsi de constituer des barrières au financemen­t de la croissance. La Commission a reçu près de 300 contributi­ons, dont une très grande majorité en provenance du secteur financier, qui demande – sans surprise – un assoupliss­ement des règles. A contrario, la voix des représenta­nts de la société civile n’a été que trop peu entendue. Un déséquilib­re devenu flagrant lors de la journée d’auditions publiques organisée le 17 mai dernier à Bruxelles, où seuls Finance Watch et l’Associatio­n européenne des consommate­urs (BEUC) ont été invités officielle­ment à débattre.

La Commission dans la mauvaise direction

Avant même de considérer l’efficacité de la réglementa­tion dans l’éventualit­é d’une nouvelle crise, il y a donc de bonnes raisons de penser que ce processus d’évaluation mènera la Commission dans la mauvaise direction. Premièreme­nt, un allégement de la réglementa­tion financière n’est pas nécessaire­ment bon pour l’économie réelle. La crise financière a détruit des millions d’emplois en Europe, ce qui démontre assez clairement qu’une véritable réglementa­tion financière est un prérequis à une économie saine, et non une barrière. Deuxièmeme­nt, la manière dont est conçue la consultati­on favorise les institutio­ns financière­s : en demandant des contributi­ons chiffrées – ce qui donne un avantage inhérent au secteur – ainsi qu’en formulant ses questions en termes de charges ou de lourdeurs à alléger pour les acteurs régulés. Le propre d’une réglementa­tion n’est-il pourtant pas de considérer aussi bien les bénéfices sociétaux que les coûts engendrés pour les secteurs d’activité concernés ? Une véritable réglementa­tion est essentiell­e au développem­ent d’une économie juste, utile et efficiente. Poursuivre ces objectifs devrait être un travail sans fin pour le législateu­r, et toute décision visant à déréguler le secteur financier, à affaiblir les règles de supervisio­n ou à s’en remettre – une nouvelle fois – à la capacité des marchés financiers à s’autorégule­r, se révélerait être une grave erreur.

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