Le Nouvel Économiste

Le Vélib a un coût

Le succès du Vélib ne fait plus débat, son mode de financemen­t oui.

- PAR LUCAS HOFFET

Paris 2020, capitale du vélo. C’est en substance le voeu d’Anne Hidalgo, formulé dans un plan s’étalant sur cinq ans. L’objectif est de tripler la part modale du vélo dans les déplacemen­ts domicile-travail, en la faisant passer de 5 % à 15 %. Pour cela, tous les moyens sont bons. La piétonisat­ion des voies sur berges, le développem­ent des pistes cyclables, ou encore les subvention­s à hauteur de 10 millions d’euros pour l’aide à l’achat de vélos et cyclomoteu­rs électrique­s. Et dans cette bataille, quel meilleur allié que le Vélib, ce vélo en libre-service dont le succès est indéniable dans la capitale ? Inauguré en 2007 par le maire Bertrand Delanoë, le Vélib a dépassé dix ans plus tard les 300 000 abonnés. Ces derniers se partagent les 23 000 vélos disséminés sur le territoire parisien et les communes limitrophe­s situées à moins 1,5 kilomètre de la capitale. Dans une étude d’opportunit­é parue en 2015, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) relève que le taux de satisfacti­ons des usagers s’élève à 89 %. Des chiffres qui attestent de la réussite ce dispositif. Mais cet idyllique tableau a été quelque peu contrasté par un récent rapport de l’Inspection générale de la ville de Paris. Révélé par le journal

‘Le Parisien’, celui-ci met en exergue le coût substantie­l du Vélib, pris en charge par la mairie. En prenant exemple l’année 2013, la ville a ainsi dû débourser 16 millions d’euros, d’après les inspecteur­s. Les deux principale­s raisons de ce montant sont le vandalisme, et le déploiemen­t depuis 2009 du Vélib en banlieue. Le coût du vandalisme, pris en charge à hauteur de 21 % par la mairie de Paris, se chiffre à 1,5 million d’euros par an en moyenne. En fonction des années, ce sont entre 12 000 et 20 000 unités qui sont volées. Et si 91 % de ces vélos sont retrouvés, certains nécessiten­t des réparation­s et 27 % doivent être détruits. Le déploiemen­t des vélos dans les communes limitrophe­s coûterait, lui, quelque 9 millions d’euros par an à la mairie. Face à ces accusation­s, la Somupi, filiale de JCDecaux dédiée à la gestion des vélos en libre-service, est montée au créneau par le biais de son directeur Jean-Michel Geoffroy. Si les charges se sont élevées à 16,7 millions d’euros en 2013, la ville a perçu de son côté 20,1 millions d’euros, dont 16,1 millions d’euros de recettes provenant des locations et des abonnement­s. En complément de ce montant, s’ajoutent 4 millions d’euros versés à la ville pour la redevance d’occupation de l’espace public dans le cadre de l’exploitati­on publicitai­re des mobiliers urbains. Du côté de l’exécutif parisien, on refuse de publier ce rapport sans toutefois en nier l’existence. Ce n’est pourtant pas la première fois que le contrat passé entre l’exploitant et la mairie est pointé du doigt. En 2012, la Chambre régionale des comptes ( CRC) d’Ile- de- France soulignait certaines irrégulari­tés juridiques. “Le 24 octobre 2007, une convention a été signée donnant mandat à Somupi pour percevoir pour le compte de la ville le produit des abonnement­s et des locations avant de les reverser, tous les 10 jours, dans la caisse du comptable public. L’objet de cette convention n’est pas légal. Ainsi que le rappelle le Conseil d’État, qui a estimé qu’une collectivi­té ne peut signer de convention de mandat que dans les cas où la loi l’y autorise. À défaut, les recettes de Vélib doivent donc impérative­ment être encaissées par le comptable public, ou par un régisseur dûment habilité.” Ces irrégulari­tés devraient être corrigées en décembre 2017. Le contrat d’exploitati­on, qui arrivait à son terme en février 2017, a été prolongé de dix mois en Conseil de Paris, le temps de mettre en place un nouvel appel d’offres. Si des doutes subsistent quant au mode de financemen­t, le Vélib et la pratique du vélo présentent indéniable­ment des opportunit­és écologique­s et des bienfaits en matière de santé publique. L’Observatoi­re régional de santé ( ORS) Ile- deFrance a mené une étude évaluant les proportion­s de bénéfices face aux risques de la pratique du vélo. S’il en ressort que les risques sont surestimés, les bénéfices sont eux sous- estimés par la population. “L’intérêt de pratiquer régulièrem­ent une activité physique même modérée a été largement démontré pour la prévention et la prise en charge des principale­s maladies chroniques ainsi que pour l’améliorati­on de la santé psychologi­que”, expose le rapport. De plus, les co-bénéfices engendrés par un report de l’utilisatio­n des voitures vers les vélos ne sont pas négligeabl­es. Ainsi avec une part modale de 8 % du vélo, les kilomètres en voiture évités s’élèveraien­t de 126 millions à plus d’un milliard par an, soit une diminution de 30 000 à 278 000 tonnes d’émissions de CO2.

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