Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

Pour qui roulent les banques centrales

- BERTRAND JACQUILLAT

Plusieurs fois dans cette rubrique nous avons souligné le hiatus qui existait entre les prix élevés des actifs financiers dans les pays développés et l’état de leur économie réelle. Et des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour critiquer les politiques monétaires des banques centrales en les accusant de préparer des lendemains douloureux lorsque les bulles financière­s ne manqueront pas d’éclater. D’aucuns dénoncent même ce laxisme qui ppermettra­it aux États d’emprunter à bon compte etd’éviq ter ainsi d’engagergg les réformes structurel­les demandées – Ô pparadoxe! – ppar ces mêmes banques centrales. En France même, l’État a économisé cette année quelque 40 milliards d’euros par rapport à l’année précédente grâce à la poursuite de la baisse des taux d’intérêt. Le rôle et les responsabi­lités de la FED se sont même invités dans la campagne présidenti­elle américaine par la voix de Donald Trump. Lors du premier débat télévisé avec Hilary Clinton, celui-ci a attaqué la Réserve Fédérale, l’accusant d’être de plus en plus politisée avec le maintien des taux artificiel­lement bas qui ne ferait qu’avantager les démocrates.

L’illusion d’optique de la stagnation boursière

Toute théorie du complot mise à part, le directeur de la stratégie globale de la gestion d’actifs de Morgan Stanley, Ruchir Sharma, a mesuré l’impact de la Réserve Fédérale américaine sur les cours boursiers depuis 2008, lorsqu’a commencé sa politique extra accommodan­te de “Quantitati­ve Easing”. Selon ses calculs, presque 60 % des hausses des actions depuis cette date se sont produites les jours où la FED annonce ses décisions (toutes les six semaines). En d’autres termes, l’indice S&P 500 a monté de 699 points depuis 2008, et 422 points de hausse se sont produits les jours des communiqué­s de la FED. Cette imbricatio­n entre les décisions de la FED et les mouvements boursiers s’est amplifiée récemment. Elle était quasiment nulle avant 1980, elle a augmenté entre 1980 et 2007 – les hausses moyennes de l’indice boursier étaient alors de 0,24 % le jour des communiqué­s de la FED. Elle s’est amplifiée depuis 2008 et la politique de “Quantitati­ve Easing” avec une hausse moyenne de 0,49 % les 70 jours concernés par les communiqué­s de la FED, contre 0,01 % les autres jours. Avec la quasi-stagnation des cours boursiers depuis 2014, on pourrait penser que cette “collusion” s’est dissipée. Ce n’est qu’une illusion d’optique car dans le même temps, les profits des entreprise­s se sont détériorés et les ratios de valorisati­on ont donc continué d’augmenter. Il n’y a pas que le candidat républicai­n qui tienne des propos alarmistes. La semaine dernière, l’OCDE a prononcé une mise en garde dans son langage châtié habituel et prévenu que les risques d’instabilit­é ne cessaient d’augmenter. Et il est de fait que l’indice composite américain formé d’actions, d’obligation­s et d’immobilier est au plus haut depuis plus de 50 ans. Et tant que joue la musique, la danse continue… Le marché américain avait fortement chuté avec les déclaratio­ns d’un certain nombre de gouverneur­s de la FED selon lesquelles celle-ci pourrait augmenter ses taux lors de sa prochaine réunion. Elle n’en fit rien le 21 septembre dernier, provoquant une hausse des cours de 1 % ce jour-là. Quand la musique s’arrêtera-t-elle ? Et n’est-il pas trop tard pour qu’elle puisse s’arrêter ? En tous les cas, le laxisme monétaire profite bien davantage aux marchés financiers qu’à l’économie réelle, ce qui irrite de plus en plus les population­s, dont le pouvoir d’achat stagne.

Depuis 2008, lorsqu’a commencé la politique extra accommodan­te de “Quantitati­ve Easing”,

presque 60 % des hausses des actions se sont produites les jours où la FED annonce ses décisions (toutes les six

semaines)

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