George g Osborne
Ex-futur Premier ministre britannique
“Je suis sur le plan B”
“Je suis sur plan B”
Sur la rampe pour être Premier ministre britannique, le “chancelier de l’austérité” a vu ses ambitions réduites à néant alors que le RoyaumeUni votait pour le Brexit. Dans une trattoria de Manchester, il parle de sa stratégie “Project Fear”, de Theresa May et de la vie après le ‘numéro 11’.
Le taxi monte vers un quartier commerçant gris des années 1960 dans une banlieue quelconque de Manchester. Il est difficile de résister à un sourire. Bien sûr, George Osborne – qui personnifie parfaitement l’élite métropolitaine londonienne détestée – ne tombe pas dans le piège d’un ‘déjeuner avec le FT’ dans le restaurant chic Nobu : au contraire, il a choisi une pizzeria à Swinton. Puccini’s, niché dans un coin du quartier à côté du Chopsticks, un buffet oriental, est rempli de familles et de couples. Le nom de George Osborne est griffonné sur la feuille de réservation avec noté à côté “VIP” et je me demande avec condescendance s’ils en reçoivent beaucoup ici. Je n’avais pas besoin de me le demander. Alors que j’attends, le propriétaire Michele Pucci, pater familias jovial, me cite quelques personnalités qui sont venues ici ces 25 dernières années : David Cameron, Sylvester Stallone, David Beckham, Alex Ferguson, Joe Frazier. Toute l’équipe de football anglaise a mangé ici. Au moment où George Osborne arrive, j’en suis à me demander s’il n’est pas le VIP le moins célèbre à honorer le Puccini’s. George Osborne se dirige vers une table dans un uniforme de repos, chemise bleue à col ouvert et veste bleu foncé. Il doit vider son sac : c’est la première fois qu’il s’exprime
longuement après ce dramatique été qui a vu la défaite au référendum sur l’UE briser sa carrière politique. Le chancelier de l’Échiquier, qui avait espéré un jour succéder à son vieil ami, l’ex-Premier ministre David Cameron, a été limogé quelques semaines après le Brexit par le nouveau Premier ministre, Theresa May. Les gens remarquent souvent que George Osborne, 45 ans, est plus grand qu’il ne paraît. Et bien que les convives auraient probablement préféré entrevoir les footballeurs José Mourinho ou Zlatan Ibrahimovic passer devant leurs tables, il y a quand même un certain émoi dans le restaurant lorsque l’un des hommes qui a dominé la politique britannique dans la dernière décennie arrive. “Je ne prétends pas que tout cela est comme c’était censé être” dit George Osborne des dernières chaleurs d’un été indien sur Manchester alors que nous nous installons près d’une fenêtre grande ouverte. Cet homme ardent défenseur de son plan A [l’austérité] est maintenant en territoire inconnu : “Je suis sur le plan B”. Et il devient assez rapidement évident que son plan ne signifie pas de jeter l’éponge. “Je marche à 100 kilomètres à heure depuis au moins une dizaine d’années” dit-il. “J’ai été chancelier de l’Échiquier du cabinet fantôme pendant cinq ans, et ai effectivement occupé le poste pendant six ans.” Il prévoit d’utiliser son interruption involontaire de carrière pour recharger ses batteries politiques. “Je ne vais nulle part” dit-il, en précisant qu’il n’a pas l’intention, comme David Cameron, de démissionner et de poursuivre sa vie politique dans le domaine si familier et lucratif des conférences publiques.
“Je veux voir ce qui se passe après.” Michele Pucci apporte le menu qui comprend tous les plats traditionnels de trattoria, mais avec quelques ajouts inhabituels comme d’intrigantes pennes alla Giggs, un plat de pâtes avec un émincé de steak, baptisé en l’honneur du joueur de Manchester United qui dîne régulièrement ici et le commande toujours. J’envisage de choisir un autre plat de pâtes sur le thème du football, apparemment les pâtes préférées de Gary Neville, mais finalement j’opte pour la sécurité avec une pizza pescatore. Pour George Osborne, ce sera une pizza Puccini, la spéciale de la maison avec des olives, du jambon et des oignons rouges, et il plaisante en se demandant si le restaurant porte le nom d’un
“brillant avant-centre” d’une équipe de foot, plutôt que celui du compositeur italien. Après délibération, il commande une bouteille de Castello D’Albola en prenant apparemment en considération la quantité d’alcool nécessaire pour une discussion située entre l’informalité détendue et un suicide social post-pouvoir. Je le rassure que tout ira bien, mais le député conservateur est sur le qui-vive, même dans un restaurant italien de Swinton. Sa capacité à repérer et éviter les pièges est l’une des raisons pour lesquelles David Cameron l’appréciait tant. Alors, comment a-t-il été pris dans ce grand piège, le référendum sur le Brexit ? La vérité est qu’il ne l’a pas été. Ses amis disent qu’il a averti le Premier ministre dès 2012 contre la tenue du référendum sur l’UE car cela représentait un pari énorme et injustifié. “L’un des points forts du partenariat est que je ne raconte pas les conversations que j’ai avec lui” dit-il. Pas vraiment un démenti. Une fois que David Cameron s’est engagé à organiserdans la bataillele scrutin, pour George maintenir Osbornela s’est Grande- jeté Bretagne au sein de l’UE. Sa stratégie “Project Fear” sur les risques de sortie de l’UE serait selon certaines personnes – aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de son parti – responsable de la bipolarisation des électeurs et aurait conforté le vote “leave”. George Osborne savait qu’en s’engageant aussi fermement pour rester dans l’UE, la défaite ruinerait ses espoirs de succéder à David Cameron. “J’ai mis ma carrière en jeu – ma carrière dans le gouvernement”
explique-il. “Il est évident que la campagne n’a pas fonctionné” poursuit-il alors que les entrées arrivent, un choix de fruits de mer frits accompagnés d’une sauce tartare piquante et d’un assortiment de jambon de Parme, d’écrevisses et de saumon fumé. La campagne du Remain n’a pas
“vraiment ébranlé” le sentiment fort parmi le public – renforcé par les médias sociaux – que la mondialisation et l’UE en particulier ne fonctionnent pas pour eux. “J’étais mal à l’aise tout
au long” dit-il. Quand s’est-il rendu compte que la victoire lui échappait, et avec elle ses ambitions politiques ? “J’ai dit dans les jours qui précédaient le référendum que je pensais que nous allions le perdre. Je rencontrais trop de gens qui votaient contre. Quand vous avez été en politique 20 ans, vous pouvez dire quand cela ne fonctionne pas.” “Cela signifie qu’il y a un sentiment assez profond dans la population que le système ne fonctionne pas pour elle, et au lieu de leur dire ‘taisez-vous, les chiffres n’ont jamais été aussi bons’, vous devez leur répondre. Je ne suis pas sûr de très bien comprendre cela, je veux utiliser ce temps sans mandat pour tenter de mieux le comprendre.” Vu la façon dont les choses ont tourné, ne regrette-il pas de ne pas avoir défié David Cameron pour la direction du Parti conservateur en 2005 ? “Non, pas du tout. J’avais 33 ans, je venais d’accéder au poste de chancelier dans le cabinet fantôme et quand j’ai parlé à David – mon ami – de ma candidature, il était clair qu’il la soutenait absolument mais que je n’en avais pas envie”. Onze ans plus tard. En juin, le Brexit a brusquement mis fin à la décennie durant laquelle David Cameron et George Osborne ont dominé le Parti conservateur avec leur programme de modernisation et leur cercle de conseillers sortis des meilleures écoles privées ; domination qui, jusqu’au compte à rebours du référendum, devait tenir encore plusieurs années. Alors que Theresa May a succédé à David Cameron – diplômé d’Eton – et a évincé George Osborne – descendant d’un baronnet angloirlandais – du gouvernement, elle a dit vouloir mettre fin à l’emprise sur le pays de “quelques privilégiés”. Elle parlait en partie de lui, n’est-ce
pas ? “Je ne sais pas” répond-il.“J’ai voté pour elle et je la soutiens, donc évidemment je veux qu’elle réussisse.” Mais il n’est pas près d’oublier que Theresa May l’a renvoyé en juillet, alors qu’il avait dit vouloir rester comme chancelier de l’Échiquier ou ministre des Affaires étrangères. Leurs relations sont froides depuis un certain temps, bien qu’il nie catégoriquement qu’elle lui ait dit lors de son licenciement “Allez apprendre un peu d’intelligence émotionnelle”. Il dit également que l’hémorragie actuelle au sein de l’opposition travailliste ne lui fait pas plaisir, car avoir des adversaires comme Gordon Brown, Ed Balls et Alistair Darling l’ont maintenu alerte. “Je crois que ce parti est en échec total, ce qui n’est pas bon” ajoute-il. “Nous exultons, mais en fait c’est très mauvais pour notre démocratie.” Nous plongeons dans le choix ahurissant d’entrées sur le plateau. Les longs doigts de George Osborne planent comme les griffes d’un oiseau de proie sur les différentes options avant de foncer sur de la bruschetta à l’huile d’olive. La conversation aborde inévitablement le bon vieux temps et comment il a entrepris une carrière politique après que Gideon Rachman