Le Nouvel Économiste

Jean Pisani-Ferry

Commissair­e général de France Stratégie

- PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MICHEL LAMY

“Nous sous-investisso­ns clairement dans les compétence­s”

“Nous sous-investisso­ns clairement dans les compétence­s”

Le Commissari­at au Plan des débuts de la IVe République est resté dans la mémoire politique comme un lieu d’exception, où prévision et concertati­on se conjuguaie­nt pour donner des lignes directrice­s au pays. Puis l’idée même de pplanifica­tion s’est effacée devant l’avancée de la globalisat­ion. À l’orée des années 2000, le “Plan” a sombré corps et biens. Aujourd’hui, sous l’enseigne France Stratégie, il y a une forme de renaissanc­e de l’état d’esprit initial. Jean Pisani-Ferry, le nouveau commissair­e général, met en débat les “papiers” des experts de l’institutio­n de manière systématiq­ue sur chaque sujet. Actuelleme­nt, 180 contributi­ons, toutes disponible­s, couvrent les treize grands sujets retenus. Citons notamment les nouvelles formes du travail et de la protection sociale, la compétitiv­ité, la feuille de route pour l’Europe, la révolution numérique, le modèle de développem­ent, les priorités éducatives, la stratégie climatique. Un ouvrage publié à La documentat­ion française, ‘2017-2027 Enjeux pour une

décennie’, en livre la synthèse. Pour chaque thème, il y a le diagnostic, les enjeux, les options envisageab­les. Dans cet entretien, le commissair­e général insiste tout particuliè­rement sur la nécessité d’une approche décennale et sur la priorité à donner au relèvement des compétence­s de la nation. La force de France Stratégie est d’inscrire ce message essentiel, qui recouvre tous les autres, dans un cadre consensuel. Cette mise à niveau du pays a un coût chiffré entre un point et un point et demi de PIB. Ne manque plus que les arbitrages des politiques.

Le métier de France Stratégie n’est pas de faire que de l’économie. Ici, nous avons des économiste­s, des sociologue­s, des spécialist­es de politique dans tel et tel domaine, des juristes. La force de cette maison, c’est plutôt l’interdisci­plinarité que la monocultur­e. Ce qui est rare, c’est d’avoir dans une institutio­n publique des gens qui ont des points de vue très différents.

La méthode

France Stratégie travaille beaucoup par interactio­ns, que ce soit avec les experts, la société civile, les administra­tions.On s’attache à ce qu’il y ait des perspectiv­es variées, mais aussi des cultures profession­nelles différente­s. Autrement dit, France Stratégie croit au débat, à la confrontat­ion des idées. Nous pensons que le bien commun se construit aussi comme ça. Mais cela nécessite de la méthode! Et la méthode,c’est d’essayer d’aller aussi loin possible pour le diagnostic sur les faits pour parvenir à un consensus. Ce qui n’est pas sans difficulté­s, bien sûr. Il n’est pas acceptable, je trouve, que l’on demeure dans des postures de désaccord lorsqu’il est facile de trancher par l’observatio­n de la réalité. Notre métier consiste à déplacer la frontière des désaccords. C’est vraiment le code génétique de cette maison. Quand on commence à travailler, nous sommes en désaccord sur tout. Ensuite, quand nous publions, ça ne veut pas dire que l’on a fait des compromis là où les gens ont des points de vue différents. Mais on s’est mis un peu plus en accord sur les faits et l’on a un peu mieux compris pourquoi on est en désaccord sur les réponses. Si on peut tous se mettre d’accord sur les réponses, c’est très bien aussi. Notre ambition, c’est d’aller un peu plus loin sur le diagnostic partagé et de mieux comprendre la nature des désaccords. Je pense que c’est ce qui est utile, utile aux acteurs qui participen­t, utile aux politiques, utile à la société en général.

Dix ans, la bonne échelle de temps

Avec le projet “2017-2027”, qui vise à éclairer les enjeux de la prochaine décennie, nous sommes sur un horizon de deux quinquenna­ts. Tout d’abord parce qu’il me semble que l’échelle de temps de dix ans est bonne pour aborder un certain nombre de questions de fond. Sur le climat, sur l’éducation, même sur la fiscalité ou les Finances publiques, ce qui compte vraiment, ce n’est pas ce que vous pouvez faire en deux ans pour avoir des résultats à l’horizon de cinq ans. Il faut allonger les échelles de temps. On avait travaillé sur la France à l’horizon de dix ans. Les leçons qu’on en avait tirées c’était qu’ef-

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