Le Nouvel Économiste

Nuit perdue

Malgré une volonté politique affichée, le métro de nuit s’avère coûteux et inutile

- PAR LUCAS HOFFET

C’était une promesse émanant de la bouche de presque tous les candidats, d’Anne Hidalgo à Nathalie KosciuskoM­orizet lors des municipale­s, deValérie Pécresse à Claude Bartolone pour les régionales. Développer l’offre de transport de nuit, en mettant l’accent sur le métro. La maire de la capitale déclarait en juillet dernier lors du Conseil de Paris

que “dans la période que nous traversons, la nuit parisienne a besoin d’être soutenue par un vrai consensus, celui d’une société soucieuse de ne rien renier de son désir de

liberté”. Avant de demander au Stif,l’autorité organisatr­ice des transports, d’étudier la possibilit­é d’une extension des horaires du métro le week-end. En 2006 déjà, la durée de fonctionne­ment du métro avait été augmentée d’une heure le samedi, puis un an plus tard du vendredi soir et des veilles de jours fériés. Mais voilà : le Syndicat des transports d’Ile-de-France vient de rendre son avis et malgré l’appel d’Anne Hidalgo, considère que la nécessité d’un métro de nuit n’est pas avérée. En se basant sur une étude de l’Observatoi­re de la mobilité en Ile-de-France, réalisée en 2010 auprès de 18 000 usagers, le cabinet de conseil Alenium (mandaté par le STIF) arrive à la conclusion suivante : “les pratiques de mobilité des Francilien­s la nuit ne traduisent

pas un besoin de transports en communs lourds toute la nuit. En effet, les besoins de déplacemen­ts baissent considérab­lement après minuit”. D’après les chiffres recueillis, seuls 5 % à 9 % des déplacemen­ts quotidiens ont lieu la nuit, entre 21 heures et 6 heures, ce qui représente cependant 2 à 3 millions de déplacemen­ts chaque nuit.Concernant les déplacemen­ts de nuit en semaine (du lundi au jeudi), 75 % sont effectués entre 21 heures et minuit, soit lorsque

le réseau ferré est toujours en fonctionne­ment. Autre argument mis en avant par le Stif: la frilosité des deux opérateurs concernés,laSNCFetla­RATP.Pourleprem­ier, une “augmentati­on d’offre la nuit, à moyen terme, serait fortement contrainte en raison du plan de modernisat­ion sans précédent engagé sur le réseau, qui accueille par ailleurs sur la partie SNCF un volume important d’autres circulatio­ns (fret de nuit notamment).” Même son de cloche du côté de la RATP ; la régie de transports souligne l’impossibil­ité de faire fonctionne­r le métro la nuit sans dégrader la qualité actuelle des services. La nuit est mise au profit de 400 chantiers quotidiens en moyenne, et un métro de nuit signifiera­it le report de ces travaux sur les nuits de semaine. Quant aux lignes 1 et 14, la RATP affirme qu’automatisé­e ne rime pas avec fonctionne­ment de nuit. “Si l’automatisa­tion permet d’améliorer la régularité, la fréquence et la souplesse d’exploitati­on, ces lignes nécessiten­t également plusieurs entretiens spécifique­s et entraînent obligatoir­ement des contrôles supplément­aires.”

Pour le Stif, si l’offre de nuit doit effectivem­ent se développer, le salut viendra

du Noctilien, ces bus roulant la nuit. “La poursuite du développem­ent et l’approfondi­ssement du réseau Noctilien pourraient être l’une des mesures d’améliorati­on de l’offre de transports la nuit la plus pertinente. Cela consistera­it à des renforts de fréquences sur les lignes, à la création de nouvelles lignes de substituti­on pour les lignes de train et à la création de nouvelles lignes de rocade Noctilien dans le coeur de métropole pour améliorer les déplacemen­ts des usagers de banlieue à banlieue”, suggère le Stif. Le coût d’améliorati­on du bus de nuit s’élèverait entre 10 et 50 millions d’euros. Bien loin des

“100 millions d’euros ou plus” par an, hors impact sur la maintenanc­e que nécessiter­ait l’ouverture complète des métros la nuit, semaine et week-end compris.

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