Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

Les bonnes et les mauvaises raisons de supprimer la monnaie fiduciaire

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Cash is king. Pour combien de temps?

L’économie de monnaie fiduciaire a prouvé son efficacité au cours des siècles récents. Mais avec les avancées technologi­ques en matière de paiement (chèques, cartes de crédit et de débit, smartphone­s…), la monnaie fiduciaire ne cesse de perdre du terrain. Elle présente par ailleurs un certain nombre d’inconvénie­nts. Ainsi elle alimente le crime, la corruption, le terrorisme, l’évasion fiscale, la drogue et les trafics en tout genre. Car elle n’a pas d’équivalent aussi commode pour préserver l’anonymat complet, la liquidité, le transfert de valeur, et qu’elle bénéficie, lorsqu’il s’agit d’une monnaie aussi solide que le dollar ou l’euro, d’une reconnaiss­ance et d’une acceptatio­n universell­es. C’est pour pallier ces inconvénie­nts que la Banque centrale européenne a récemment pris la décision de supprimer les coupures de 500 €, tandis que des voix éclairées américaine­s prônent la suppressio­n des coupures de 100 $ dans un premier temps, puis de 50 $ et 20 $ dans un second. L’une des raisons invoquées pour supprimer les grosses coupures est de rendre plus difficile et moins commode d’utilisatio­n les transactio­ns illicites. Car un grand sac contenant 1 million d’euros en billets de 100 $ pèserait déjà 12 kg… Avec des coupures de 10 $, le sac pèserait 120 kg…

Libertés individuel­les contre taux d’intérêt négatifs

L’objection fondamenta­le faite à cette idée de suppressio­n quasi-totale de la monnaie fiduciaire (les coupures de 10 € seraient conservées car les nombreux petits achats sont faits avec de tels billets) est qu’elle empiète sur la liberté de la sphère privée de pouvoir effectuer des transactio­ns de manière anonyme. Certes, mais ‘ volens nolens’, c’est la même objection qui peut être faite aux contrôles de sécurité dans les aéroports. Ils constituen­t une atteinte à la liberté car ils allongent significat­ivement la durée des voyages aériens, mais c’est la seule solution pour préserver les vies humaines, à commencer par celle du voyageur qui peste contre les contrôles. En fait, le sujet de la limitation, voire de la suppressio­n, de la monnaie fiduciaire est en train de prendre de l’ampleur pour d’autres raisons que celles de la morale ou la sécurité publique, au premier rang desquelles figure l’incapacité croissante des banques centrales à maîtriser la crise financière et économique et à éviter la récession. Avec des taux d’intérêt ramenés à zéro, les options dont disposent les banques centrales deviennent limitées, sauf à ce qu’elles puissent entrer dans le territoire, par ailleurs dangereux, des taux d’intérêt négatifs. En principe, les taux d’intérêt négatifs devraient stimuler la consommati­on et l’investisse­ment. Sauf si les épargnants retirent leur épargne des banques, ce qui mettrait celles-ci et l’économie en danger en asséchant le crédit, allant ainsi à l’encontre de l’objectif poursuivi. Mais avec la suppressio­n de l’essentiel de la monnaie fiduciaire, les banques centrales pourraient abaisser tant qu’elles le voudraient les taux d’intérêt en territoire négatif. Ce qui ne manquerait pas de présenter d’autres inconvénie­nts, dont le moindre ne serait pas d’enfoncer un coin supplément­aire dans la panoplie des libertés individuel­les.

Avec la suppressio­n de l’essentiel de la monnaie fiduciaire, les banques centrales pourraient abaisser tant qu’elles le voudraient

les taux d’intérêt en territoire négatif

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