Le Nouvel Économiste

Mieux vaut tard que jamais

La macroécono­mie “hollandais­e” émet enfin des signaux positifs.

- JEAN-MICHEL LAMY

L’assise de l’économie française se porte mieux. Cela en fera sourire plus d’un. Les mêmes qui saluaient le tournant 2013 de la politique de l’offre de François Hollande sont prêts aujourd’hui à lui dénier tout effet positif. Ils oublient qu’une stratégie pro-business appartient au temps long, et que le premier acte de la reconquête économique passe par le rétablisse­ment de la situation financière des entreprise­s. Nous y sommes. L’Insee confirme le retour à des taux de marge d’avant-crise. C’était le bon choix. L’effondreme­nt complet du système productif suite à un tsunami de faillites a été évité, c’est déjà ça !

L’héritage économique de mai prochain

Pour le pouvoir élyséen, c’est purement défensif, mais c’est un argument fort face aux opposants de l’intérieur. De plus, les opposants de l’extérieur ont tous annoncé qu’ils embrayaien­t sur la même démarche – en accélérant. L’amplificat­ion du processus actuel est bien un impératif absolu. Ce qui pose une question cruciale : qui de la gauche de gouverneme­nt ou de la droite de gouverneme­nt, est le mieux à même de réussir sur cette lancée ? Par ailleurs, qui mettra sur la table les arbitrages cachés derrière l’annonce générique de la diminution des charges ? En dessinant les contours de l’héritage économique que laissera en mai prochain François Hollande, le ‘Point de conjonctur­e’ d’octobre de l’Insee permet de fixer les idées. La croissance 2016 ? La révision à la baisse à 1,3 % s’explique par 0,1 % en moins à cause des grèves, et par 0,1 % en moins à cause des attentats. Pour 2017, le profil attendu est voisin, à peine supérieur à la croissance potentiell­e estimée par Natixis à 1 %. Pas de quoi s’enthousias­mer, c’est sûr. Pour autant, deux indicateur­s donnent une coloration plus attrayante. L’investisse­ment des entreprise­s d’abord. “En moyenne sur l’année, il augmentera­it de 3,6 %, une hausse inédite depuis 2011”, indique l’Insee. Le climat des affaires ensuite. “Depuis un an, il demeure légèrement au-dessus de sa moyenne de longue période, un niveau compatible avec un rythme de croissance de l’ordre de 1,4 %”, ajoute l’Insee.

Éclaircies conjonctur­elles ou structurel­les ?

Éclaircies conjonctur­elles ou structurel­les ? La réponse sera au coeur de la primaire de janvier de la “Belle Alliance” du PS. Le gouverneme­nt brandira un CICE (Crédit d’impôt pour la compétitiv­ité et l’emploi) pérennisé en baisse de charges, et le suramortis­sement prolongé jusqu’en 2017, pour expliquer que le redresseme­nt engagé est sur une trajectoir­e de long terme. “Ne tirons pas sur les pianistes !”, concède l’IFrap. France Stratégieg a donné, il est vrai, quelques émotions à l’Élysée, en indiquant que pour 2013-2014, l’impact est limité à seulement 50 000 à 100 000 emplois créés ou sauvegardé­s. Qu’importe, la mécanique de raffermiss­ement des bilans monte en puissance. Le reste viendra au fur et à mesure de la ppoursuite de cette stratégie, anticipe l’Élysée. Après tout, l’Insee prévoit qu’en 2016, “les créations nettes d’emplois marchands s’élèveront à 117 000, avec un taux de chômage reculant de 10,2 % à 9,8 %”. Bon, il est certain aussi qu’il manque à la politique Hollande une pièce essentiell­e pour que ça marche à plein : jouer franc jeu avec le chef d’entreprise. Pour “tomber à gauche”, de multiples tracasseri­es – qui ont un coût – viennent miner la confiance et l’envie d’investir. Le Medef assure que les entreprise­s paieront en 2017 encore 16 milliards d’euros d’impôts de plus qu’en 2010. En dépit de 31,9 milliards d’euros d’allégement­s de charges prévus dans le budget 2017 au titre du CICE et des autres mesures du Pacte de responsabi­lité (source Medef) ! L’ultra-gauche fera son miel de ces cadeaux “inutiles”. Les “reconstruc­teurs” de la gauche de la gauche, JeanLuc Mélenchon, Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg,g ont là matière à réflexion. À quoi mènerait “la fin de l’austérité” par transfert de tous les moyens budgétaire­s disponible­s sur les embauches de fonctionna­ires, les nationalis­ations ou l’investisse­ment public ? Probableme­nt à une rechute irrémédiab­le de la force productive du secteur privé. La persistanc­e ou pas de la ligne social-démocrate proentrepr­ise sera bien au centre des enjeux de la primaire à gauche.

Le suivisme de la droite

Face à ce terrain mouvant, les candidats à la primaire de la droite et du centre sont unanimes pour emprunter le chemin tracé par le Pacte de responsabi­lité. Simplement, ils procéderon­t de façon plus massive, à coup de milliards supplément­aires, par baisse directe des charges sur la feuille de paie. Frapper plus fort, mais pour quoi faire ? Et surtout, une fois les marges restaurées – merci Hollande et merci également à la baisse des taux d’intérêt – que vont faire les entreprise­s ? Distribuer des salaires, baisser les prix pour gagner en compétitiv­ité, investir davantage pour monter en ggamme et devenir championne­sp à l’exportatio­n ? Étonnammen­t, les leaders de la droite ne se posent pas ce genre de question. Pour eux “l’intention” vaut “réalisatio­n”.

Le choix d’une baisse du coût du travail des salariés peu qualifiés

Lors des “Primaires de l’économie” organisées le 27 septembre dernier par l’Associatio­n pour le commerce et les services en ligne, Croissance­Plus, France Biotech, France Digitale et le Mouvement des entreprise­s de taille intermédia­ire, les chefs d’entreprise, eux, ont expresséme­nt demandé à Nicolas Sarkozy et à Alain Juppé de réfléchir à des baisses de cotisation­s sur les hauts salaires, “parce que la France a besoin d’entreprise­s qui innovent et qui exportent”. Le ticket du CICE n’étant valable que jusqu’à 2,5 SMIC, il s’adresse prioritair­ement en effet à du personnel de service. La réplique des deux challenger­s a été sans détour : on garde la ligne Hollande! Nicolas Sarkozy a même précisé: “on n’embauche pas à bac+6 pour diminuer les charges ; notre priorité, c’est les chômeurs sans formation car c’est une bombe atomique sociale”. Ce sera le changement dans la continuité. Voilà l’arbitrage caché. La préférence, au nom de l’emploi, pour la baisse du coût du travail des salariés peu qualifiés fait consensus chez les leaders politiques de droite comme de gauche.

A droite, le renouveau de la pensée économique reste indigent

Est-ce une stratégie pour l’avenir ? Les contre-performanc­es sur le commerce extérieur, qui auront enlevé 0,4 % de croissance de PIB à la richesse française en 2016, posent un dilemme à la France. En orientant tous les moyens disponible­s sur les petits métiers, le pays renonce en partie à l’école de l’excellence, seule susceptibl­e de reconquête sur les marchés extérieurs. “Il n’y a aucun rattrapage de niveau de gamme de la production en France, puisque l’effort de robotisati­on du capital de l’industrie est plus faible que celui de l’Allemagne, mais aussi de l’Espagne ou de l’Italie”, alerte Patrick Artus, chef économiste de Natixis. Les dirigeants politiques refusent de voir que le made in France s’enfonce dans une impasse, avec une production exportable de plus en plus faible. C’est d’autant plus grave que les excédents sur les services tournent également à la peau de chagrin. Certes, on ne chauffe pas une salle avec une balance commercial­e, mais à droite, le renouveau de la pensée économique reste indigent, figé dans les vieilles recettes des chocs de confiance en tout genre, sans hiérarchie entre les urgences.

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