Le Nouvel Économiste

Finance solidaire

Via l’épargne collective, les salariés représente­nt 90 % des épargnants solidaires. Reste à développer et promouvoir les placements pour les particulie­rs

- LIZA KROH

L’épargne éthique à développer

En 2015, l’encours d’épargne solidaire a augmenté de 23 % et représente au total 8,5 milliards d’euros, soit une multiplica­tion par trois depuis la loi de 2010

Avec 2,3 millions de salariés et près d’un emploi sur huit en France, l’ESS (économie sociale et solidaire) affiche une belle santé économique. En défendant une autre manière d’entreprend­re, les entreprise­s du secteur voient l’épargne investie dans leur direction augmenter au fur et à mesure des années, notamment via les dispositif­s d’épargne salariale. Mais pour flécher ses économies vers des projets à forte dimension sociale, éthique ou solidaire, sans pour autant renoncer à la rentabilit­é, les solutions sont nombreuses mais méconnues du grand public. Les acteurs de la finance solidaire en appellent ainsi à la mise en place rapide de contrats d’assurance-vie et de livrets d’épargne à forte composante solidaire et éthique.

IcierI nvestir son patrimoine finan-

de manière transparen­te et éthique, c’est possible ! Tout comme l’économie “traditionn­elle”, le secteur social et solidaire offre une palette complète de produits financiers pour les particulie­rs soucieux de transparen­ce et d’éthique dans leurs investisse­ments. Bien qu’existant depuis une trentaine d’années, l’économie sociale et solidaire (ESS) suscite un nouvel intérêt depuis les années 2000, suite aux multiples soubresaut­s de l’économie mondiale. “Dans les années 1980, engager son argent de façon éthique était une démarche encore confidenti­elle, explique Alix Guibert, responsabl­e de l’épargne solidaire à l’associatio­n Habitat & Humanisme, un des pionniers de l’ESS en matière de logement. Aujourd’hui on constate des prises de conscience depuis les différente­s crises financière­s. La volonté pour les jeunes de travailler différemme­nt et de nouvelles attentes chez les épargnants sont manifestes.” La multiplici­té des acteurs du secteur solidaire offre un choix conséquent au particulie­r. Ce dernier peut financer une associatio­n, une fondation, des coopérativ­es ou encore des mutuelles, pour les structures économique­s les plus courantes de l’ESS. En France, le secteur représente plus de 200 000 entreprise­s et organisati­ons, soit 2,3 millions de salariés et près d’un emploi sur huit. Il s’agit d’entreprise­s régies des principes qui peuvent aller de la gouvernanc­e démocratiq­ue à un ancrage territoria­l ou citoyen, en passant par une lucrativit­é limitée, la volonté de créer des emplois durables et de qualité dans le respect de l’environnem­ent et la réduction des inégalités. Avec neuf millions d’actifs en France, les salariés représente­nt 90 % des épargnants solidaires. Un engagement dû notamment à une loi de 2010 qui oblige les entreprise­s à proposer au moins un Fonds commun de placement d’entreprise solidaire (FCPES) pour investir l’épargne salariale, à travers le Plan d’épargne entreprene­urial (PEE) ou le Plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco). “Chacun peut trouver un produit d’épargne solidaire qui convienne à ses attentes. Sans devenir milliardai­re, on peut faire fructifier son argent. Il est fondamenta­l de dire à l’épargnant qu’il existe une rentabilit­é in fine et qu’il ne s’agit pas simplement d’un don”, explique

Sophie des Mazery, directrice de l’associatio­n Finansol, qui labellise et certifie les produits solidaires. Et ça marche. En 2015, l’encours d’épargne solidaire a augmenté de 23 % et représente au total 8,5 milliards d’euros, soit une multiplica­tion par trois depuis la loi de 2010. “Concrèteme­nt, résume Sophie des Mazery, cela représente un investisse­ment de 300 millions d’euros pour des causes sociales, qui a permis à 7 000 personnes de trouver un emploi, à 4 500 de trouver un logement décent et à 50 000 ménages de se doter d’une source d’énergie renouvelab­le.” Au total, Finansol labellise plusieurs dizaines de produits sur son site, que ce soient des actions non cotées en bourse, des associatio­ns, des microprêts, des obligation­s ou des titres d’associatio­ns.

Un futur livret d’épargne solidaire ? Les particulie­rs ont quant à eux la possibilit­é de passer par leur banque, également tenue de proposer dans son catalogue un investisse­ment solidaire. Dernier projet en date, l’opportunit­é pour les détenteurs d’un livret de développem­ent durable (LDD), le cousin du livret A, de mettre à dispositio­n les intérêts ou une partie de l’épargne sous forme de dons aux structures de l’ESS. La question est actuelleme­nt en débat dans le cadre la loi Sapin 2, et devrait être votée courant octobre 2016 par les deux chambres parlementa­ires. “Cet acte symbolique n’est en aucun cas cosmétique, estime Romain Colas, député de l’Essonne et rapporteur de la loi. Il permet à l’épargnant de ne pas confier aveuglémen­t son argent. Cela participe à la prise de conscience des épargnants ; ils comprennen­t qu’ils peuvent influencer le cours des choses et inciter les banques et les assureurs à proposer davantage de produits de placement dans ce sens.” Pour beaucoup d’acteurs de l’ESS, le prochain combat essentiel demeure la participat­ion du placement préféré des Français : l’assurance-vie. Avec plus de 14 millions de souscripte­urs, elle constitue un levier financier intéressan­t pour alimenter les initiative­s solidaires. “C’est un produit majeur qui manque, estime Sophie des Mazery de Finansol. Au moins 40 % des Français disposent d’un contrat

d’assurance-vie, or l’offre solidaire est très faible. Il faudrait qu’il y ait un contrat de ce type chez toutes les

compagnies d’assurances.” Seule avancée récente : depuis peu, les contrats vie-génération se sont ouverts aux structures de l’ESS. Ce type de contrat bénéficie d’un abattement fiscal de 20 % avant 70 ans. Si toutes les banques et mutuelles traditionn­elles sont concernées (BNP Paribas, la Poste…), le Crédit Coopératif reste le leader historique du créneau solidaire, avec son produit phare, le livret d’épargne Agir. La moitié des intérêts annuels sont reversés à une associatio­n que choisit l’épargnant

Au total, Finansol labellise plusieurs dizaines de produits sur son site, que ce soient des actions non cotées en bourse, des associatio­ns,

des microprêts, des obligation­s ou des titres

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“Il est fondamenta­l de dire à l’épargnant qu’il existe une rentabilit­é in fine et qu’il ne s’agit pas simplement d’un don.” Sophie des Mazery, Finansol.
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“Le livret Agir est surévalué par rapport au livret A classique, avec un taux de 1,1 % jusqu’à 15 300 euros d’épargne.” Imad Tabet, Crédit Coopératif.

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