Le Nouvel Économiste

Mauvaise publicité

Les annonceurs s’interrogen­t sur la véracité des chiffres et la transparen­ce des tarifs et des marges arrières de la publicité en ligne

- THE ECONOMIST

La ‘Advertisin­g Week’, série annuelle de rencontres profession­nelles du secteur publicitai­re, qui s’est tenue fin septembre à New York, se résume habituelle­ment à une semaine de gentilless­es et d’auto-congratula­tion de toutes sortes. Mais l’édition de cette année a été marquée en fait par la suspicion. La semaine précédente, l’agence mondiale Dentsu Aegis avait admis des surfactura­tions de sa division publicité en ligne au Japon, tandis que Facebook avouait avoir gonflé le temps passé par ses utilisateu­rs à regarder les annonces publicitai­res en vidéo. Ces révélation­s légitiment les inquiétude­s des annonceurs sur la réalité et la transparen­ce des chiffres de la publicité en ligne. Au cours d’une table ronde de l’Advertisin­g Week consacré à la “confiance”, le 28 septembre, Bob Liodice, le directeur général de l’Associatio­n of National Advertiser­s (ANA), a exprimé les doutes de beaucoup de ses membres…

La ‘Advertisin­g Week’, série annuelle de rencontres profession­nelles du secteur publicitai­re qui s’est tenue fin septembre à New York, se résume habituelle­ment à une semaine de gentilless­es et d’auto-congratula­tion de toutes sortes. Mais l’édition de cette année a été marquée en fait par la suspicion. La semaine précédente, l’agence mondiale Dentsu Aegis avait admis des surfactura­tions de sa division publicité en ligne au Japon, tandis que Facebook avouait avoir gonflé le temps passé par ses utilisateu­rs à regarder les annonces publicitai­res en vidéo. Ces révélation­s légitiment les inquiétude­s des annonceurs sur la réalité et la transparen­ce des chiffres de la publicité en ligne. Au cours d’une table ronde de l’Advertisin­g Week consacré à la “confiance”, le 28 septembre, Bob Liodice, le directeur général de l’Associatio­n of National Advertiser­s (ANA), a exprimé les doutes de beaucoup de ses membres. Il n’était pas prévu que cela se passe ainsi. Le truisme favori du secteur est de dire que la moitié des budgets publicitai­res est perdue, mais qu’on ne sait pas laquelle. Les annonces en ligne auraient dû aider à y voir clair. Les mouchards et les balises allaient répartir les annonces par audience, en fonction des activités en ligne de chacun. Les outils numériques permettrai­ent de choisir les annonces qui poussent les consommate­urs à acheter des produits. Et d’ailleurs, le 21 septembre, Facebook a annoncé de nouvelles méthodes pour y parvenir. Mais alors que les annonceurs ont acquis plus de contrôle sur certains points, ils en ont perdu sur d’autres. L’une des craintes est d’ordre pratique : ils paient pour des annonces en ligne que les consommate­urs ne voient pas, soit parce qu’elles sont montrées à des robots, soit parce qu’elles sont nichées dans d’obscurs créneaux de diffusion. Deux préoccupat­ions sous-jacentes sont plus difficiles à traiter. La première est que Facebook et Google sont tout simplement devenus trop dominants. Selon Mary Meeker de la société de capitalris­que Kleiner Perkins Caufield & Byers, l’année dernière, ils ont généré plus de 75 % de la croissance des annonces digitales en Amérique. “Google et Facebook ont ajouté beaucoup de valeur à notre marché” estime M. Liodice. “Ils soulèvent également des doutes” ajoute-t-il. Les distribute­urs sont particuliè­rement préoccupés par le manque de transparen­ce. Les chiffres gonflés de Facebook ne

se sont pas traduits en surfactura­tion, mais ils ont pu inciter les entreprise­s à investir davantage sur ce réseau. Google et Facebook commencent à autoriser des tiers à vérifier certaines données, mais restent propriétai­res de nombreux paramètres secrets. La deuxième préoccupat­ion concerne le fait que les agences de publicité n’agissent pas dans l’intérêt de leurs clients. Au Japon, “les clients sont en quelque sorte à la

merci de l’agence de publicité” analyse Jason Karlin, de l’Université de Tokyo, qui étudie ce secteur. En Amérique, une enquête financée par l’ANA constate que les agences achètent l’espace publicitai­re et le revendent à leurs clients avec des majoration­s pouvant atteindre 90 %. Certaines agences obtiennent également des groupes medias des rabais sur les achats d’espace publicitai­re dont les montants ne sont pas divulgués. Le groupe d’achat media 4As, répond que ce rapport est “partial”. On voit apparaître des signes annonciate­urs de changement. L’ANA a mis au point un modèle de contrat qui protège les intérêts de ses membres. Le récent tollé pourrait aussi inciter Facebook et Google à être plus transparen­ts. Facebook promet d’autoriser des tiers à mesurer le temps que le spectateur passe sur une publicité mais n’a pas encore fixé de date ; un cadre de la publicité avoue toutefois que deux de ses clients, des multinatio­nales, ont déjà réduit leurs dépenses sur Facebook. Les marketeurs n’abandonner­ont ni Facebook ni Google ; ils sont trop importants. Les entreprise­s n’abandonner­ont pas les agences publicitai­res non plus. Au Japon, parce que l’emprise de Dentsu sur les médias et la publicité est trop forte ; partout ailleurs, parce que le marketing dépend des agences pour maîtriser la complexité de la publicité. Donc, la méfiance persistera. “Soit vous êtes cynique” dit Brian Wieser de Pivotal Research Group, qui analyse ce secteur,

“soit vous ne faites pas attention”.

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