Le Nouvel Économiste

Performanc­e, transparen­ce et crédibilit­é

Se pose maintenant la question de la vérificati­on des performanc­es de la publicité en ligne par des organismes tiers indépendan­ts.

- KANA INAGAKI, FT

Il y a quelques mois, Toyota lançait une campagne numérique excentriqu­e sur Twitter représenta­nt les pièces de sa nouvelle Prius hybride et utilisant des filles animées. Son impact a été instantané. L’étrangeté et l’audace du visuel ont attiré les jeunes utilisateu­rs japonais de médias sociaux qui n’avaient jamais été efficaceme­nt ciblés par les publicités traditionn­elles de Toyota, portées sur les vedettes. Le créateur de cette campagne – comme de la plupart de celles de Toyota – était Dentsu. Ces tweets sur la Prius ne faisaient pas partie du scandale de surfactura­tion qui a très récemment secoué la plus puissante agence de publicité du Japon. Mais ce n’est pas un hasard si Toyota a été l’entreprise qui a découvert les irrégulari­tés. La révélation est venue d’une analyse minutieuse de Toyota – qui chreche à développer un marché intérieur japonais dont l’intérêt à posséder une voiture baisse – sur l’impact de sa publicité numérique. L’analyse a été décevante, ce qui a conduit le constructe­ur à se demander si Dentsu plaçait correcteme­nt les publicités numériques. Depuis la première plainte de Toyota en juillet, Dentsu a identifié 633 cas suspects de surfactura­tion, s’élevant à au moins 2,3 millions de dollars et concernant 111 clients. Parmi eux, 14 cas d’annonces qui n’ont jamais été diffusées, et d’autres cas de durées d’affichage incorrecte­s et de fausses déclaratio­ns de performanc­es. Le scandale implique des annonces basées sur la performanc­e, un outil en ligne populaire qui permet aux annonceurs de cibler des consommate­urs spécifique­s et qui calcule les rémunérati­ons en fonction des transactio­ns effectuées. Ces publicités devaient offrir aux annonceurs une plus grande transparen­ce et rendre l’efficacité d’une campagne plus facile à mesurer. Dans la pratique, les entreprise­s ont du mal à juger si ces annonces sur les sites web et les appareils mobiles ont réellement eu l’impact désiré. L’histoire n’est pas uniquement japonaise. L’affaire Dentsu a été découverte quelques jours après l’aveu par Facebook d’une erreur dans la mesure du temps passé par ses utilisateu­rs à regarder des annonces vidéo sur son réseau social. Le secteur américain de la publicité se penche sur le cas d’agences soupçonnée­s d’avoir accepté des remises en espèces de médias sans en informer leurs clients. Il y a aussi des publicités en ligne qui n’auraient jamais été vues par les consommate­urs. Mais au Japon, les inquiétude­s sur cette opacité sont renforcées par les liens étroits entre les agences de publicité, les chaînes de télévision et d’autres groupes de médias, ce qui rend les négociatio­ns sur les tarifs moins transparen­tes. Les clients mécontents ont quelques difficulté­s à exprimer leurs préoccupat­ions publiqueme­nt contre Dentsu, lequel contrôle un quart des dépenses publicitai­res au Japon, soit 61 milliards de dollars, et domine certains parrainage­s lucratifs comme ceux des Jeux Olympiques. Yumi Tanaka, analyste chez JPMorgan, pense que c’est donc aux entreprise­s de renforcer leur contrôle sur les agences de publicité en ligne. Dentsu a promis qu’un service indépendan­t sera chargé de la surveillan­ce des performanc­es desdites annonces numériques. Mais il manque toujours une vérificati­on par un organisme tiers, ce qui peut inciter les clients à faire pression pour obtenir davantage de données en temps réel plutôt qu’une version résumée. On ne sait pas si les incidents dans les annonces en ligne sont limités aux campagnes de Dentsu, ou si elles touchent l’ensemble du marché japonais. Shinsuke Iwasa, analyste chez Mizuho, prévient que les concurrent­s ne devraient pas traiter cela comme “un problème uniquement Dentsu”, et rappelle la complexité des annonces basées sur la performanc­e. Dentsu impute au manque de personnel et à la pression sa mauvaise réponse à la demande des clients pour cette nouvelle publicité en ligne. Les annonces à la performanc­e affichent 22 % de croissance par an en 2015, à comparer au 0,3 % d’augmentati­on des dépenses publicitai­res totales au Japon. Pour le moment, le montant de la surfactura­tion ne devrait pas affecter les résultats de Dentsu. Son directeur financier a souligné qu’aucun de ses clients n’a quitté la société, et a poursuivi en disant que ces ruptures de contrat brutales “ne se produisent normalemen­t pas au Japon”. Indépendam­ment des retombées financière­s, les analystes et les entreprise­s espèrent que Dentsu maintiendr­a les normes internatio­nales de transparen­ce avec la rigueur dont il fait preuve dans son expansion mondiale. En plus de l’acquisitio­n pour 3,2 milliards de livres du britanniqu­e Aegis en 2013, l’agence a racheté rien qqu’en septembrep six entreprise­sp aux États-Unis, en France, en Inde, en Australie et au Brésil, pour des montants non divulgués. L’impact des révélation­s sur sa réputation ne doit pas être sousestimé. Comme un client de Dentsu le dit : “Il ne s’agit pas des sommes en jeu mais d’une question de crédibilit­é”.

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