L’identité et le territoire
Changement de marque généralisé pour les business schools. Au programme, la conquête de candidats autour du monde.
.../... Suite de la page 1 études commerciales”, qui peuvent, sous toutes les latitudes, brandir leur acronyme comme un étendard avec le succès qu’on leur connaît. Toute la difficulté de l’exercice consiste à exprimer un bon positionnement marketing de la marque alors que la plupart de ces grandes écoles proposent des offres si proches.
Les finesses du branding
À la conquête de nouveaux territoires, il a fallu découvrir – avec plus ou moins de réussite – les finesses du branding, l’art du logo, les astuces du “renaming” et les affres du changement d’identité. Pas seulement visuelle. Comme l’a constaté Brigitte Fournier, directrice de l’agence Noir sur Blanc, dans un rapport consacré au changement de nom des business school françaises : “Il leur faut imposer un nom et une image qui se différencient de leurs concurrents. La politique de marque, autrefois réservée aux entreprises, est devenue un enjeu majeur dans la stratégie globale de ces institutions”.
Multi-publics, multi-produits
Depuis quelques années, les business schools ont multiplié p les ggammes de pproduits. À l’historique programme “grande école” s’est ajouté toute une palette de masters, de MBA, d’offres de formation continue, sans oublier depuis peu les programmes courts post-bac en 3 ans, les fameux bachelors. Il fallait bien évidemment fédérer la notoriété de cette diversité sous une marque ombrelle commune, le plus souvent en capitalisant sur la réputation du navire amiral. D’où l’intérêt d’un branding puissant. “En réalité, nous avons changé ‘les’ marques de nos établissements, en passant d’une stratégie de marques par école mise en place depuis 2011, à une stratégie de marque unique : Audencia Business School, à l’été 2016. Sous cette marque se déclinent désormais l’ensemble des 6 lignes de programmes du post-bac au DBA [Doctorate in Business Administration, ndlr] ainsi que les formations executive. L’enjeu principal de la marque unifiée Audencia Business School, comme des nouveaux territoires d’expression visuelle et des sites web associés refondus à cette occasion, est d’accompagner et soutenir le plan stratégique Audencia 2020. Nous visons ainsi à porter l’institution dans son ensemble au niveau international via l’appellation Business School ” explique Franck Dormont, directeur de la communication d’Audencia qui fut, il y a quelques dizaines d’années, l’ESC Nantes. Changer de nom : travaux pratiques d’une discipline enseignée dans les murs – le marketing – mais qui nécessite le plus souvent des renforts d’expertise venus de l’extérieur. Car pour séduire des publics en forte intimité avec le digital, mieux vaut communiquer avec des outils en phase avec ces derniers. Facebook, Twitter, blogs, tribunes, Linkedin. Ainsi, à Nantes, Audencia a dépensé pour la galaxie web – 1 site portail, 5 sites produits et 10 sites corporate – avec le concours d’une agence de développement, moins de 100 000 euros, tout le webdesign et l’intégration ayant été fait en interne. Un travail d’équipe de 9 mois en mode projet a été nécessaire pour ce déploiement. Afin d’entrer dans l’espéranto des générations Y et Z de la planète. Tout en ne trahissant pas l’affectio societatis des milliers d’anciens si attachés à leur diplôme et au nom qui s’y affiche. Ainsi, du côté de Cergy, a-ton assisté à la mise en place d’une marque unique Essec Business School afin d’unifier l’image et les messages de l’Essec à un moment de forte expansion internationale. “Il est clair qu’elle nous donne une plus grande lisibilité dans le champ international. Et que la mise en place d’une nouvelle signature ‘L’Esprit pionnier’, contribue à fédérer la communauté et exprime très distinctement l’identité spécifique de l’institution, le cap qu’elle a pris et les valeurs qu’elle entend transmettre” détaille l’un de ses dirigeants.
L’attachement des anciens élèves
Il y a quelques mois, le groupe privé Inseec démonte son enseigne pour se rebaptiser “Insignis”. Audace qui avait sous-estimé l’attachement des élèves, anciens et nouveaux, à la “vieille” raison sociale. Exit la nouvelle. Comme le raconte son directeur Remy Challe : “nous avons assez vite fait machine arrière ! La décision n’a évidemment pas été facile à prendre, mais elle était à la fois courageuse et nécessaire. Si je reste convaincu que cette stratégie de rebranding avait du sens, elle s’est immédiatement heurtée à la résistance de notre communauté. On ne change pas si facilement de prénom, et l’identité de l’école est aussi un élément de l’identité de ses élèves et de ses alumni. Le changement de nom a ainsi suscité une forte émotion, qui a témoigné d’un attachement affectif, voire viscéral, à la marque d’origine. Nous avions sous-estimé ce sentiment d’appartenance, et si en découvrir la vigueur a été une surprise, nous avons vite compris que c’était finalement une excellente surprise !”. Ce même groupe Inseec, qui avait racheté l’ESC Chambéry pour un euro symbolique, s’est fait racheter il y a quelques mois, pour quelques centaines de millions d’euros, par le fonds d’investissement Apax Partners. De la même façon, l’opposition des anciens élèves d’ESCP avait fait capoter il y a quelques années son changement de nom.
L’ancrage territorial
Certes, les termes de “management” et de “business school” figurant désormais dans la plupart des raisons sociales sont parfaitement bien compris à Pékin, Singapour ou Mexico. Leur seul défaut ? Ils banalisent au lieu de différencier. Comment justement afficher ses particularités lorsque l’on veut plaire au plus grand nombre ? Bel exercice de marketing contemporain. Reste en effet à afficher les atouts de sa singularité. Lorsque les racines locales rayonnent d’un charme reconnu internationalement, l’exercice est plus facile, comme le pprouve Grenoble École de management (Gem) ou Toulouse Business school (TBS). “Nous avions la certitude que notre ville de Grenoble était un puissant élément d’attraction – la montagne, la recherche, la ville étudiante ; tout cela nous permet de faire la différence. Un cabinet de design nous a aidés à changer de logo. L’ensemble de l’investissement représente 300 000 euros sur 3 ans. Et le service de communication s’est étoffé à 15 personnes” précise Anne-Laure Oudinot, directrice de la marque et de la communication. Du côté de Toulouse, François Bonvalet qui dirige TBS, partage ce type de conviction. “Il nous fallait capitaliser sur l’ancrage territorial, ne pas perdre notre identité, même si nous avions besoin d’une meilleure visibilité à l’international. Le nom de la ville chère à Claude Nougaro fait partie intégrante du nom de l’école et du logo. C’est d’ailleurs un des avantages, car il spécifie la dénomination de l’école.” Mais parfois, toute référence géographique même prestigieuse disparaît. C’est notamment le cas lorsqu’il y a fusion de plusieurs écoles.
Global, local
Ainsi sont nées “Neoma” “Skema” ou “Kedge”, aux consonances quelque peu anglo-saxonnes mais qui en disent ppeu sur leurs racines. Évidemment, elles sont désormais multilocalisés… et moquées par Della Bradshaw, rédactrice en chef de la section “business education” du ‘Financial Times’. “Le gros souci de ces trois noms est pourtant plus sérieux, précise Della Bradshaw, puisqu’il a l’inconvénient de ne donner aucune indication sur la localisation de ces écoles. Bien sûr, les écoles de commerce trouvent que c’est une bonne chose, puisqu’elles sont maintenant toutes globales en apparence, et multi-localisées. Mais moi, je rêve encore des bonnes vieilles London Business School, HEC Paris ou Stockholm School of Economics.” En se rebaptisant, toutes ces écoles courent le risque de perdre le bénéfice de leur réputation. Enfin, Della Bradshaw estime que le plus gros challenge de ces changements de nom sera l’attitude des candidats potentiels et des diplômés. “Kedge ou Neoma sont-ils des noms qu’on a envie de mettre sur son CV ?” Après avoir dépensé 500 000 euros dans la campagne de communication pour