Le Nouvel Économiste

L’identité et le territoire

Changement de marque généralisé pour les business schools. Au programme, la conquête de candidats autour du monde.

- PATRICK ARNOUX

.../... Suite de la page 1 études commercial­es”, qui peuvent, sous toutes les latitudes, brandir leur acronyme comme un étendard avec le succès qu’on leur connaît. Toute la difficulté de l’exercice consiste à exprimer un bon positionne­ment marketing de la marque alors que la plupart de ces grandes écoles proposent des offres si proches.

Les finesses du branding

À la conquête de nouveaux territoire­s, il a fallu découvrir – avec plus ou moins de réussite – les finesses du branding, l’art du logo, les astuces du “renaming” et les affres du changement d’identité. Pas seulement visuelle. Comme l’a constaté Brigitte Fournier, directrice de l’agence Noir sur Blanc, dans un rapport consacré au changement de nom des business school françaises : “Il leur faut imposer un nom et une image qui se différenci­ent de leurs concurrent­s. La politique de marque, autrefois réservée aux entreprise­s, est devenue un enjeu majeur dans la stratégie globale de ces institutio­ns”.

Multi-publics, multi-produits

Depuis quelques années, les business schools ont multiplié p les ggammes de pproduits. À l’historique programme “grande école” s’est ajouté toute une palette de masters, de MBA, d’offres de formation continue, sans oublier depuis peu les programmes courts post-bac en 3 ans, les fameux bachelors. Il fallait bien évidemment fédérer la notoriété de cette diversité sous une marque ombrelle commune, le plus souvent en capitalisa­nt sur la réputation du navire amiral. D’où l’intérêt d’un branding puissant. “En réalité, nous avons changé ‘les’ marques de nos établissem­ents, en passant d’une stratégie de marques par école mise en place depuis 2011, à une stratégie de marque unique : Audencia Business School, à l’été 2016. Sous cette marque se déclinent désormais l’ensemble des 6 lignes de programmes du post-bac au DBA [Doctorate in Business Administra­tion, ndlr] ainsi que les formations executive. L’enjeu principal de la marque unifiée Audencia Business School, comme des nouveaux territoire­s d’expression visuelle et des sites web associés refondus à cette occasion, est d’accompagne­r et soutenir le plan stratégiqu­e Audencia 2020. Nous visons ainsi à porter l’institutio­n dans son ensemble au niveau internatio­nal via l’appellatio­n Business School ” explique Franck Dormont, directeur de la communicat­ion d’Audencia qui fut, il y a quelques dizaines d’années, l’ESC Nantes. Changer de nom : travaux pratiques d’une discipline enseignée dans les murs – le marketing – mais qui nécessite le plus souvent des renforts d’expertise venus de l’extérieur. Car pour séduire des publics en forte intimité avec le digital, mieux vaut communique­r avec des outils en phase avec ces derniers. Facebook, Twitter, blogs, tribunes, Linkedin. Ainsi, à Nantes, Audencia a dépensé pour la galaxie web – 1 site portail, 5 sites produits et 10 sites corporate – avec le concours d’une agence de développem­ent, moins de 100 000 euros, tout le webdesign et l’intégratio­n ayant été fait en interne. Un travail d’équipe de 9 mois en mode projet a été nécessaire pour ce déploiemen­t. Afin d’entrer dans l’espéranto des génération­s Y et Z de la planète. Tout en ne trahissant pas l’affectio societatis des milliers d’anciens si attachés à leur diplôme et au nom qui s’y affiche. Ainsi, du côté de Cergy, a-ton assisté à la mise en place d’une marque unique Essec Business School afin d’unifier l’image et les messages de l’Essec à un moment de forte expansion internatio­nale. “Il est clair qu’elle nous donne une plus grande lisibilité dans le champ internatio­nal. Et que la mise en place d’une nouvelle signature ‘L’Esprit pionnier’, contribue à fédérer la communauté et exprime très distinctem­ent l’identité spécifique de l’institutio­n, le cap qu’elle a pris et les valeurs qu’elle entend transmettr­e” détaille l’un de ses dirigeants.

L’attachemen­t des anciens élèves

Il y a quelques mois, le groupe privé Inseec démonte son enseigne pour se rebaptiser “Insignis”. Audace qui avait sous-estimé l’attachemen­t des élèves, anciens et nouveaux, à la “vieille” raison sociale. Exit la nouvelle. Comme le raconte son directeur Remy Challe : “nous avons assez vite fait machine arrière ! La décision n’a évidemment pas été facile à prendre, mais elle était à la fois courageuse et nécessaire. Si je reste convaincu que cette stratégie de rebranding avait du sens, elle s’est immédiatem­ent heurtée à la résistance de notre communauté. On ne change pas si facilement de prénom, et l’identité de l’école est aussi un élément de l’identité de ses élèves et de ses alumni. Le changement de nom a ainsi suscité une forte émotion, qui a témoigné d’un attachemen­t affectif, voire viscéral, à la marque d’origine. Nous avions sous-estimé ce sentiment d’appartenan­ce, et si en découvrir la vigueur a été une surprise, nous avons vite compris que c’était finalement une excellente surprise !”. Ce même groupe Inseec, qui avait racheté l’ESC Chambéry pour un euro symbolique, s’est fait racheter il y a quelques mois, pour quelques centaines de millions d’euros, par le fonds d’investisse­ment Apax Partners. De la même façon, l’opposition des anciens élèves d’ESCP avait fait capoter il y a quelques années son changement de nom.

L’ancrage territoria­l

Certes, les termes de “management” et de “business school” figurant désormais dans la plupart des raisons sociales sont parfaiteme­nt bien compris à Pékin, Singapour ou Mexico. Leur seul défaut ? Ils banalisent au lieu de différenci­er. Comment justement afficher ses particular­ités lorsque l’on veut plaire au plus grand nombre ? Bel exercice de marketing contempora­in. Reste en effet à afficher les atouts de sa singularit­é. Lorsque les racines locales rayonnent d’un charme reconnu internatio­nalement, l’exercice est plus facile, comme le pprouve Grenoble École de management (Gem) ou Toulouse Business school (TBS). “Nous avions la certitude que notre ville de Grenoble était un puissant élément d’attraction – la montagne, la recherche, la ville étudiante ; tout cela nous permet de faire la différence. Un cabinet de design nous a aidés à changer de logo. L’ensemble de l’investisse­ment représente 300 000 euros sur 3 ans. Et le service de communicat­ion s’est étoffé à 15 personnes” précise Anne-Laure Oudinot, directrice de la marque et de la communicat­ion. Du côté de Toulouse, François Bonvalet qui dirige TBS, partage ce type de conviction. “Il nous fallait capitalise­r sur l’ancrage territoria­l, ne pas perdre notre identité, même si nous avions besoin d’une meilleure visibilité à l’internatio­nal. Le nom de la ville chère à Claude Nougaro fait partie intégrante du nom de l’école et du logo. C’est d’ailleurs un des avantages, car il spécifie la dénominati­on de l’école.” Mais parfois, toute référence géographiq­ue même prestigieu­se disparaît. C’est notamment le cas lorsqu’il y a fusion de plusieurs écoles.

Global, local

Ainsi sont nées “Neoma” “Skema” ou “Kedge”, aux consonance­s quelque peu anglo-saxonnes mais qui en disent ppeu sur leurs racines. Évidemment, elles sont désormais multilocal­isés… et moquées par Della Bradshaw, rédactrice en chef de la section “business education” du ‘Financial Times’. “Le gros souci de ces trois noms est pourtant plus sérieux, précise Della Bradshaw, puisqu’il a l’inconvénie­nt de ne donner aucune indication sur la localisati­on de ces écoles. Bien sûr, les écoles de commerce trouvent que c’est une bonne chose, puisqu’elles sont maintenant toutes globales en apparence, et multi-localisées. Mais moi, je rêve encore des bonnes vieilles London Business School, HEC Paris ou Stockholm School of Economics.” En se rebaptisan­t, toutes ces écoles courent le risque de perdre le bénéfice de leur réputation. Enfin, Della Bradshaw estime que le plus gros challenge de ces changement­s de nom sera l’attitude des candidats potentiels et des diplômés. “Kedge ou Neoma sont-ils des noms qu’on a envie de mettre sur son CV ?” Après avoir dépensé 500 000 euros dans la campagne de communicat­ion pour

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