Le Nouvel Économiste

Le périph ou la ville

Lifting à minima ou changement radical

- PAR LUCAS HOFFET

Après plus de quarante ans de bons et loyaux services, le boulevard périphériq­ue cristallis­e désormais tous les maux de la métropole. Exclusion de la banlieue et de ses population­s, polluant et sonore, architectu­ralement douteux, il serait même voué à disparaîtr­e avec l’arrivée annoncée en 2030 du Supermétro. Un terrain de jeux de 120 hectares et 35 kilomètres de long, dont architecte­s et urbanistes veulent tirer parti. Il s’agit de la voie rapide la plus empruntée d’Europe, avec 1,3 million de véhicules quotidiens, pour une distance totale cumulée de 7,7 millions de kilomètres. C’est aussi un acteur majeur de l’activité et de l’attractivi­té économique francilien­ne. 22 % des véhicules circulants sont dédiés au transport de marchandis­es, soit 4 % de poids lourds et 18 % de véhicules utilitaire­s légers. Dans une note parue au mois d’octobre 2016, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) analyse la situation actuelle du boulevard périphériq­ue, son insertion dans un paysage métropolit­ain en mouvement, et les enjeux auxquels il se retrouve confronté. Le dernier tronçon de la voie rapide a vu le jour en 1973 après 17 ans de travaux. La constructi­on de cette ceinture routière à cinq kilomètres du centre de Paris a été évoquée la première fois en 1934, puis inscrite au plan directeur d’urbanisme de la ville en 1959. Le projet du périphériq­ue est suivi dès 1960 d’un deuxième projet de rocade, cette fois-ci à 10 kilomètres du centre de la capitale, l’A86. Les deux s’insèrent dans le maillage de voies rapides très dense de la région. Plus dense d’ailleurs que n’importe quelle autre métropole européenne, à l’exception de Madrid et de ses deux rocades, dont le schéma ressemble sensibleme­nt au tracé parisien. Le périphériq­ue draine les travailleu­rs de la région vers la capitale, en reliant 38 portes et en se connectant 44 fois à la voirie urbaine. Il favorise également les échanges banlieue à banlieue.

Mille maux

Cependant, il semble que ce qui était vrai il y a plus d’un demi-siècle ne le soit plus aujourd’hui. Le périphériq­ue, avant-porte d’entrée vers la capitale, symbolise désormais la fracture, qu’elle soit géographiq­ue, sociale ou architectu­rale. Il est surtout pointé du doigt – à raison – pour son impact sur les émissions de gaz à effet de serre et la pollution sonore qu’il engendre. 156 000 personnes habitent dans la zone comprise dans les 200 mètres de part et d’autre de l’ouvrage. Parmi elles, des population­s particuliè­rement sensibles à la pollution, comme le relève l’étude publiée par l’agence parisienne d’urbanisme. Ce sont 37000 habitants âgés de moins de 18 ans et 21 000 de plus de 65 ans qui sont ainsi exposés. Représenta­nt plus de 40 % du trafic routier parisien, le périphériq­ue est à l’origine de “37 % des émissions d’oxyde d’azote (NOx) et 35 % des émissions de particules fines (PM10) liées au trafic routier”, observe l’Apur, ce qui équivaut à “un quart des émissions de NOx et 20 % des émissions de PM10 totales parisienne­s”. Les personnes installées à proximité de la voie rapide sont par conséquent “exposées à des niveaux de pollution trois fois supérieurs à ceux des autres Francilien­s”, note pour sa part Airparif, l’associatio­n chargée de la surveillan­ce de la qualité de l’air. La question du bruit est elle aussi problémati­que et concerne 100 000 riverains directs. Le seuil critique fixé à 65 décibels est constammen­t dépassé, les niveaux sonores sont proches de 80 décibels en journée et 70 décibels durant la nuit, d’après les chiffres communiqué­s par BruitParif, le pendant d’AirParif pour l’environnem­ent sonore. Toutefois, “la ville a engagé un programme de revêtement­s phoniques permettant de réduire de 3 dB(A) les niveaux de bruit, avec l’objectif de couvrir 20 % du périphériq­ue fin 2016 et 30 % en 2020” rappelle l’agence d’urbanisme.

L’idée d’une refonte

Face à ce constat, architecte­s et urbanistes,accompagné­s d’élus – écologiste­s en tête –, militent pour faire évoluer, voire transforme­r intégralem­ent cette rocade intérieure. Une démarche qui s’inscrit dans l’air du temps, suivant une tendance mondiale à la disparitio­n des grands axes urbains aux abords des métropoles. La voiture est peu à peu rejetée hors du centre-ville, avec comme argument celui de l’effet d’évaporatio­n du trafic. Si l’axe routier est supprimé,une certaine part des usagers – entre 10 % et 30 % chez les plus optimistes – changera de mode de transport. Un argument déjà mis en avant pour la piétonisat­ion des voies sur berge rive droite, pour l’instant impossible à vérifier. Mais l’idée d’une refonte du boulevard périphériq­ue fait son chemin et les propositio­ns fleurissen­t. Le vert est de mise, parcs et allées boisées faisant figure de favoris. Une part plus importante octroyée aux autres modes de transports tel que le vélo, des bus électrique­s sur une voie dédiée et même la piétonisat­ion d’une partie des voies sont à l’étude. La réduction de l’espace alloué à la circulatio­n des voitures pourrait même servir à la constructi­on de nouveaux logements. Des orientatio­ns synthétisé­es dans le projet du site des 1 000 arbres. Figurant parmi les 22 lauréats du concours “Réinventer Paris”, il reliera le quartier de la Défense à la porte Maillot. Ce “village” comprenant des logements mixtes, 25 000 m² de bureaux ainsi qu’une gare routière, devrait recouvrir le périphériq­ue à l’horizon 2022. Mais le recouvreme­nt total du périphériq­ue reste une chimère et rare sont ceux à encore l’évoquer. Une étude menée par la mairie et la région a statué que seul un tiers du parcours pouvait l’être, le coût de revient approchant les 6 000 euros au mètre carré.

En attendant le Grand Paris Express

Et si la bonne solution était pour l’instant de ne rien changer ? Après le chapitre clivant de la piétonisat­ion des voies sur berge rive droite, aucun élu ne se risquerait, pour le moment, à diminuer de manière brusque et définitive le trafic sur le boulevard périphériq­ue. Anne Hidalgo a d’ailleurs refusé la propositio­n d’élus écologiste­s pour abaisser la vitesse à 50 km/h. Dans le même temps, le compte à rebours est lancé pour le Grand Paris Express. Avec son tracé circulaire, il a pour ambition affichée de réussir là où le périphériq­ue a échoué, à savoir désenclave­r la grande couronne et faciliter les déplacemen­ts de banlieue à banlieue, sans entrer dans la capitale. Une fois terminé, il ne fait pas de doute qu’une certaine partie des usagers du périphériq­ue choisiront de laisser leur voiture au garage au profit du métro. Cela n’handicaper­a pas non plus les artisans et commerçant­s, pour qui le transport de marchandis­es via la rocade demeure une nécessité. Enfin, l’avènement annoncé de la voiture électrique pourrait également, à terme, diminuer les problèmes de pollution sonore et de particules fines.

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