CONTRE COURANT
Les grandes incertitudes
Les déclarations de Donald Trump lors de la campagne électorale n’ont rien pour rassurer. Bien au contraire, c’est toute l’architecture diplomatique de ces dernières décennies qui risquerait de voler en éclat, à tout le moins de connaître des bouleversements majeurs, si elles devaient se traduire par des décisions ppolitiquesq concrètes. À cet égard, l’Europe se retrouve en première ligne sur le front des grandes incertitudes. La volonté annoncée par Donald Trump de renouer le dialogue avec le président russe et de remettre la Russie dans le jeu diplomatique mondial dont elle a été quasi exclue suite à l’annexion de la Crimée et à la sécession de fait de l’Est ukrainien, inquiète au plus au point les dirigeants européens, et notamment ceux de l’Est de notre continent. Avec les incertitudes qui pèsent désormais sur l’avenir de l’Otan, dont l’utilité a été mise en cause par le candidat Trump, et par voie de conséquence celles sur la validité de l’engagement automatique de Washington à protéger l’Europe en cas d’agression, la Pologne et surtout les pays baltes se retrouvent directement exposés à ce qu’ils considèrent être une menace russe. Pour les autres, le réveil est là aussi douloureux, car depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, ils bénéficient du confort du parapluie américain pour leur défense et leur sécurité. D’autant que les appels de circonstance à relancer une défense européenne sont, les experts le savent bien, un beau voeu pieux. En panne de crédibilité, l’Europe est bien incapable de s’accorder sur un projet de ce type, qui sonne bien creux, même aujourd’hui, à l’oreille d’une majorité de gouvernements européens.
Principe de réalité
L’incertitude touche également nombre d’autres casse-tête diplomatiques. Washington et Moscou vont-ils travailler de concert à la recherche d’une solution au drame syrien,y ou les États-Unis laisseront-ils la main aux Russes ? Qu’en sera-t-il de l’accord sur le nucléaire iranien, fruit de plusieurs années d’âpres négociations que le candidat Trump disait vouloir renégocier ? Un désengagement militaire américain en Extrême-Orient ne risque-t-il pas de relancer la course aux armements dans cette région, avec comme seule option pour les deux partenaires historiques de Washington, Japon et Corée du Sud, l’acquisition d’un armement nucléaire face à une Chine jugée menaçante? Ce d’autant plus que l’autre trublion régional, la Corée du Nord et son dictateur Kim Jong-un aux ambitions nucléaires avérées, n’a pas été jugé plus dangereux que cela par Trump candidat. Sur un plan plus commercial, Trump a annoncé un futur bras de fer commercial avec la Chine. Quelles en seront là encore les conséquences sur l’économie mondiale, sans parler de son impact éventuel sur la sécurité de la planète? Nul doute qu’un principe de réalité s’appliquera une fois Donald Trump installé à la Maison-Blanche. Il ne sera pas tout seul d’ailleurs à mettre en oeuvre la politique extérieure d’une Amérique que l’on perçoit comme moins engagée demain dans les affaires du monde, tant le pouvoir du Congrès est important en ce domaine. Enfin, les racines européennes de Donald Trump (il est petit-fils d’immigrés allemands) ainsi que celles de sa femme née en Slovénie, en font un président à la sensibilité européenne plus affirmée que son prédécesseur. Ces éléments doivent-ils nous rassurer ? Il est encore tôt pour le dire. En revanche, ce qui est certain est que l’heure de vérité approche. Très vite, l’incertitude sera levée et nous saurons si les fondamentaux de la ppolitiqueq étrangèreg américaine seront remis en cause. À nous ensuite (d’essayer) de nous y adapter.