Le Nouvel Économiste

Le plus gros danger populiste de l’Europe : la France

Qui peut battre Marine Le Pen ?

- THE ECONOMIST

L’une après l’autre, les démocratie­s libérales se réveillent pour constater que le populisme balaie leurs certitudes, au son de “Fermez les frontières”. D’abord, il y a eu le vote en faveur du Brexit, puis l’élection de Donald Trumpp comme prochain président des États-Unis. Aujourd’hui, la France se prépare à une présidenti­elle très importante en 2017, avec un enjeu qui ne pourrait pas être plus décisif, non seulement pour le bien-être de la France, mais pour le futur de l’Europe elle-même. Marine le Pen arrivera sans doute au second tour en mai prochain. Ce qui transforme les primaires de droite, actuelleme­nt en cours en France, en une compétitio­n intense : la course au candidat le mieux placé pour la battre. Elle a promis de retirer la France de la zone euro et d’organiser un référendum – Frexit – sur l’adhésion de la France à l’Union européenne. L’Europe peut survivre, même mal, au départ de la Grande-Bretagne. Mais si la France quittait le club, cela annoncerai­t la fin chaotique d’un projet qui, avec son marché unique et son rôle dans la vie politique au quotidien, a beaucoup fait pour la prospérité et la paix. Il est d’importance capitale que les électeurs français aient une alternativ­e convaincan­te à Mme le Pen. La bonne nouvelle est qqu’il y en existe plusieurs. À gauche, Emmanuel Macron, le jeune ex-ministre des Finances socialiste, a déclaré le 16 novembre qu’il serait candidat à la présidenti­elle. Contrairem­ent à d’autres, il a réfléchi en profondeur au besoin qu’à la France d’évoluer si elle veut affronter les enjeux de la disruption technologi­que. Son “pitch” s’adresse aux électeurs tant de gauche que de droite qui partagent une vraie conviction pro-européenne et libérale. Mais ses chances de parvenir au second tour semblent minces. Il se présente en indépendan­t et aura du mal à obtenir le vote socialiste face au candidat du parti qui sera probableme­nt François Hollande, si l’extrêmemen­t impopulair­e président décide de briguer un second mandat, ou face à Manuel Valls, son Premier ministre plus centriste. Les choix au centre-droit sont plus crédibles. Sept candidats du parti Les républicai­ns se présentent à la primaire de leur parti ces 20 et 27 novembre. Parmi eux, l’ancien président (Nicolas Sarkozy) et deux anciens Premiers ministres (Alain Juppé et François Fillon). Il y a de quoi en être surpris, mais les trois candidats les mieux placés sont tous d’accord avec M. Macron sur la nécessité d’une solution libérale pour redresser l’économie française. Ils promettent d’alléger les règles sur le temps de travail, de moderniser le système d’aides publiques, de repousser l’âge de la retraite et de limiter les dépenses publiques, qui consomment 57 % du PIB, ce qui met la France au second rang juste derrière la Finlande parmi les pays de l’OCDE. L’une des raisons qui explique le renouveau de telles idées libérales est qu’au sein de l’Europe, la France a de longue date maintenu des politiques étatiques et à certaines occasions protection­nistes. Elle en a assumé les conséquenc­es avec une croissance faible et un taux de chômage élevé. Mais le libéralism­e n’en est pas pour autant populaire. Le gouverneme­nt socialiste a eu mille difficulté­s à faire passer ne serait-ce qu’une modeste “loi Travail” cette année, et son vote a dévasté la paix sociale. Les candidats du parti Les républicai­ns qui promettent aujourd’hui de maintenir les travailleu­rs à leur poste jusqu’à 65 ans, de renoncer à la semaine des 35 heures et d’abolir l’impôt sur la fortune, risquent de se mettre à dos les électeurs qu’ils doivent récupérer s’ils veulent battre le FN. Voici pourquoi tout candidat souhaitant battre Mme Le Pen doit éliminer tout flou ou détail suspect. Ce qui exclut M. Sarkozy, et son passé : une présidence explosive, des soupçons de corruption inquiétant­s et des déclaratio­ns opportunis­tes pour s’emparer des idées anti-immigratio­n de Mme Le Pen. Le favori, M. Juppé, apporte sa nature plus mesurée et plaît davantage aux électeurs de gauche. Selon les sondages, M. Juppé comme M. Sarkozy peuvent battre Mme Le Pen, mais la marge d’un Alain Juppé vainqueur serait de dix points supérieure. M. Fillon, dont le programme économique est le plus ambitieux parmi ceux des candidats à la primaire des Républicai­ns, connaît un regain de popularité lors de cette fin de primaire. Le grand problème est qu’aucun d’entre eux ne répond à l’aspiration du pays, celui d’un renouvelle­ment politique. M. Sarkozy et M. Fillon, qui a été son Premier ministre pendant cinq ans, sont tous deux exposés à la critique qu’ils n’ont pas fait au pouvoir ce que chacun promet de faire la prochaine fois. Un second tour Juppé-Le Pen, mettant face à face un certain establishm­ent et les insurgés populistes, reproduira­it de façon troublante la bataille entre Hillary Clinton et M. Trump. Alain Juppé, qui a 71 ans, est entré en politique en France quand le Bureau ovale était occupé par Jimmy Carter.

Lepénisé

Pour une échéance avec de tels enjeux, que les candidats les mieux placés soit prêts à défendre des politiques libérales est louable. Ils ont certaineme­nt raison de penser que le meilleur antidote au populisme est de ne pas le flatter, mais de se positionne­r pour une franche et énergique défense du marché libre, de l’Europe et de la diversité culturelle. Celui qui aura la meilleure chance de battre Mme Le Pen sera avant tout celui qui peut offrir un rajeunisse­ment crédible, si ce n’est en personne, au moins par ses politiques, qui mettrait la mondialisa­tion au service de la prospérité et en résoudrait les conséquenc­es négatives. Que les partis traditionn­els français n’offrent pas d’espace pour M. Macron et ses semblables en dit long sur la gravité de l’ossificati­on de la politique française. Ce serait une tragédie que Mme Le Pen se place comme le seul visage neuf de la politique française. La France, le pays qui a donné naissance à l’intégratio­n européenne moderne, ne devrait pas être le pays qui la détruit.

L’Europe peut survivre, même mal, au départ de la Grande Bretagne. Mais si la France quittait le club, cela annoncerai­t la fin chaotique d’un projet qui, avec son marché unique et son rôle dans la vie politique au quotidien, a beaucoup fait pour la prospérité et la paix

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