Le Nouvel Économiste

Hong Kong freine des quatre fers sur la fintech

Le gouverneme­nt veut ralentir les menaces de disruption de l’ économie digitale, et protéger les intérêts des secteurs traditionn­els

- HENNY SENDER, FT

Il y a quelques mois, Joe Tsai, de Alibaba.com, a exposé la stratégie financière de son groupe lors d’un séminaire à Hong Kong. La première main à se lever quand la session de questions a commencé appartenai­t au contrôleur du marché des assurances de Hong Kong. “Vous dites que les assurances par Internet vous intéressen­t” a commencé le fonctionna­ire. “Je veux m’assurer que lorsque vous viendrez à Hong Kong, vous demanderez une licence.” Sur la vidéo de l’événement, sur YouTube, on entend clairement les rires scandalisé­s du public, puis M.Tsai lui a répondu :“Si nous décidons de venir, nous demanderon­s une licence. Et nous solliciter­ons vos conseils.”

Ensuite, il y a quelques jours, l’associé de M. Tsai, Jack Ma, a critiqué les règles d’introducti­on de sociétés sur la bourse de Hong Kong, “conçues il y a des décennies pour les promoteurs immobilier­s, les financiers et les commerçant­s traditionn­els… et inadaptées aux start-up et aux nouvelles entreprise­s”. Peut-être parlait-il sous le coup du dépit, après ses déboires avec ladite réglementa­tion. Le territoire de Hong Kong avait refusé de modifier ses règles pour lui permettre de coter la structure proposée par Alibaba. Alibaba est donc entré en bourse à New York. Mais les critiques de Jack Ma sont toujours d’actualité pour les investisse­urs à Hong Kong.

De la même façon, le co-fondateur d’une société de fintech (start-up de technologi­e pour la finance) de Shanghai liée à Alibaba, a récemment accordé une interview à un journal local. Il évoquait l’éventualit­é future d’ouvrir un bureau de sa société à Hong Kong. À sa grande surprise, il a reçu peu après un message d’un autre fonctionna­ire du gouverneme­nt de Hong Kong, lui rappelant les différente­s licences qu’il devrait d’abord obtenir avant d’exercer sur l’île. Le message qu’il en a retenu, dit-il, est : “Vous n’êtes pas le bienvenu ici”.

Il s’agissait pourtant d’une société de fintech qui s’apprêtait à recevoir un gros chèque d’argent frais à Singapour lors d’une levée de fonds, et qui avait été valorisée plus d’un milliard de dollars.

Pour les cercles d’affaires de Hong Kong, cette atmosphère glaciale entre entreprene­urs et régulateur­s signifie que le gouverneme­nt de Hong Kong est borné et n’encourage pas l’innovation dans la finance, alors que la place financière possède un avantage concurrent­iel. Ils ajoutent que d’autres rivales, comme Singapour et Shenzhen, en Chine, font maintenant beaucoup mieux.

Autrefois, Hong Kong couvait ses start-up. Pour les voir partir ailleurs. Et souvent à Shenzhen, en Chine continenta­le, où le capital humain et le mètre carré sont moins rares et plus abordables.

DJI, par exemple : le premier fabricant mondial de drones est né à la faculté des sciences et technologi­es de l’université de Hong Kong. Mais il est aujourd’hui domicilié à Shenzhen. Effectivem­ent, la ville de Shenzhen a doublé Hong Kong pour l’accueil des sociétés de la nouvelle économie, en partie grâce à son flot intarissab­le de développeu­rs informatiq­ues, aux politiques accueillan­tes du gouverneme­nt régional, et à sa localisati­on géographiq­ue, à bonne distance des jeux politiques parfois toxiques de Pékin. La ville chinoise abrite non seulement des géants de la tech comme Tencent, mais également des sociétés de datamining et de technologi­es médicales. À Singapour, une liste desstartg up de la fintech compilée par la société de courtage asiatique CLSA, à partir des données du site de référence Tech in Asia,, comprend presque 180 noms. À Hong Kong, la même liste serait moitié moins longue. Singapour est “extrêmemen­t ouverte aux fintechs, ils ont une vision claire de quand, et comment les autorités réglemente­ront ce secteur” martèle Jonathan Galligan, directeur du bureau d’études CLSA a Singapour.

Ce qui entraîne d’ailleurs des risquesq ppour les entreprise­sp déjàj établies. À Singapour, un collègue de M. Galligan, Christophe­r Wood, parle des “menaces de disruption qu’entraînent les initiative­s voulues par le gouverneme­nt pour promouvoir la nouvelle économie digitale, que ce soit les fintech, le e-commerce, les technologi­es de la data, les transports, les technologi­es vertes ou ce que l’on appelle l’économie collaborat­ive en général”. Singapour semble bien consciente qu’un gouverneme­nt dont la mission officielle est de protéger les intérêts de l’establishm­ent risque d’accélérer le déclin de cet establishm­ent par cette ouverture. Mais jusqu’ici, sa position paye. “Les politiques mises en place dans ce sens et l’écosystème le plus puissant d’Asie ont déjà posé les bases d’une nouvelle économie” selon M. Galligan. Pour être exact, il existe des initiative­s à Hong Kong pour stimuler l’innovation. En juillet dernier, Sequoia Capital China a conclu un partenaria­t avec un groupe de professeur­s enseignant à Hong Kong et les dirigeants des trois principale­s université­s pour soutenir les étudiants en robotique, intelligen­ce artificiel­le, big data, industrie pharmaceut­ique, technologi­es médiales, électroniq­ue et fintech. Le fondateur de Sequoia China, Neil Shen, a fait don de 300 millions de dollars hongkongai­s (35,5 millions d’euros) comme fonds d’amorçage. Mais il en faudra beaucoup plus pour réinventer Hong Kong.

Pour les cercles d’affaires de Hong Kong, cette atmosphère glaciale entre entreprene­urs et régulateur­s signifie que le gouverneme­nt de Hong Kong est borné et n’encourage pas l’innovation dans la finance, alors que la place financière possède un avantage concurrent­iel. Ils ajoutent que d’autres rivales, comme Singapour et Shenzhen, en Chine, font maintenant beaucoup mieux

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