Le Nouvel Économiste

Dérive polonaise

Varsovie joue à nouveau contre L’Europe

- PASCAL LOROT

Tout le monde a semblé surpris lorsque le gouverneme­nt conservate­ur euroscepti­que polonais du parti Droit et Justice (PiS) a annulé purement et simplement, en octobre dernier, le contrat pourtant validé par son prédécesse­ur centriste, portant sur l’achat à Airbus Helicopter­s de 50 hélicoptèr­es Caracal. Le mépris affiché par Varsovie pour les convention­s commercial­es et son non-respect des engagement­s pris ont heurté la France. L’annulation par Paris tant de la visite que devait faire le président Hollande mi-octobre que du sommet du Triangle de Weimar réunissant Allemagne, France et Pologne prévu début novembre, n’y ont rien fait. Quelques jours après, Varsovie annonçait ainsi l’achat direct, sans appel d’offres, de 21 appareils américains… Et pourtant, il suffisait de se souvenir. Il y a très exactement dix ans, Varsovie déjà reniait ses engagement­s. Alors qu’elle venait deux ans auparavant de rejoindre l’Union européenne et commençait à recevoir des aides financière­s substantie­lles de l’Europe (c’est-à-dire de nous autres, contribuab­les ouest-européens), la Pologne allait récuser Airbus – une belle gifle adressée à la France, pour lui préférer l’américain Boeing pour renouveler la flotte de la compagnie aérienne nationale LOT.

Nouveau trouble-fête de l’Europe

Alors même que la sortie programmée du Royaume-Uni aurait pu permettre à la Pologne de trouver une place centrale au sein de l’Union européenne, ce qu’elle réclame depuis toujours, la décision qu’elle a prise le mois dernier ne fait que marginalis­er encore un peu plus Varsovie. La liste des désaccords avec l’Allemagne et la France est en effet assez longue : nonrespect­p des engagement­sgg commerciau­x, remise en question du respect de l’État de droit, question des réfugiés, architectu­re future de l’Europe… Surtout, ce qui choque le plus, c’est le choix fait par Varsovie de l’alignement systématiq­ue sur l’Amérique, contre les intérêts de l’Europe. La Pologne vient encore d’en faire la démonstrat­ion. Alors que l’élection de Donald Trump à la présidence américaine rebat les cartes et offre l’opportunit­é d’une relance de l’idée de défense européenne, le chef de la diplomatie polonaise Witold Waszczykow­ski a sonné la fin du débat il y a quelques jours en refusant tout pilier européen autonome, y compris au sein de l’Otan. Inféodatio­n à Washington que ne fait que renforcer l’hystérie russophobe partagée tant par Washington que par Varsovie. De fait, la Pologne devient de plus en plus un point de crispation dans une Europe qui n’en a vraiment pas besoin. Les partisans d’une Europe revisitée et qui, finalement, trouvait dans le Brexit une raison d’espérer une refondatio­n de l’Europe, en seront pour leur frais. La Pologne est en effet en train de reprendre le rôle jusque-là occupé par Londres, celui de trouble-fête de l’Europe.

Les partisans d’une Europe revisitée et qui, finalement, trouvait dans le Brexit une raison d’espérer une refondatio­n de l’Europe, en seront pour leur frais. La Pologne est en train de reprendre le rôle jusque-là occupé par Londres, celui de trouble-fête de l’Europe

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Beata Maria Szydlo, présidente du conseil des ministres et Antoni Macierewic­z, ministre de la Défense, Pologne.

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