Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

“Utilities intégrées”: les transforma­tions ne font que commencer

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L’Europe a de nombreux champions énergétiqu­es. Ce sont des utilities intégrées qui produisent et distribuen­t de l’électricit­é : EDF et Engie en France, EON et RWE en Allemagne, Enel en Italie, Iberdrola et Gas Natural en Espagne, mais aussi EDP au Portugal, Fortum en Finlande ou encore Verbund en Autriche. Depuis une quinzaine d’années, ces sociétés sont confrontée­s à d’importants défis qu’elles ont diversemen­t surmontés. Le premier est celui de la transition énergétiqu­e, c’est-à-dire le passage d’un monde énergétiqu­e convention­nel dominé par le charbon et le pétrole, à un nouveau monde énergétiqu­e représenté par les énergies renouvelab­les (éolien terrestre et offshore, solaire, biomasse, géothermie, biofuels, etc.) en passant par le monde énergétiqu­e intermédia­ire représenté par le nucléaire, le gaz et l’hydroélect­ricité. La transition énergétiqu­e se manifeste aussi par la digitalisa­tion, c’est-à-dire la conversion d’un signal électrique en données numériques que des dispositif­s informatiq­ues peuvent traiter pour générer de l’informatio­n. La digitalisa­tion donne lieu à des services énergétiqu­es (efficacité énergétiqu­e, génération décentrali­sée…) qui suppléent à l’impossibil­ité (pour combien de temps encore ?) du stockage de l’électricit­é et justifient l’existence du monde énergétiqu­e convention­nel dont la production en fonction des besoins apporte de la flexibilit­é à l’ensemble de l’écosystème énergétiqu­e.

Le nouveau monde énergétiqu­e

Globalemen­t et sur les dix dernières années, ces dix entreprise­s ont connu sur la période 2006-2016 une performanc­e boursière hors dividendes très médiocre de - 54,5 %, vs - 18,3 % pour l’indice Eurostoxx. Le défi de l’inéluctabl­e transition énergétiqu­e n’a pas été abordé de la même façon par les sociétés évoquées plus haut. Ce sont celles qui ont pris le virage de la transition énergétiqu­e progressiv­ement et avant les autres (Iberdrola, Fortum, EDP, ENEL, et Gas Natural) qui ont le mieux performé (- 33 %). La transition énergétiqu­e s’est en effet accompagné­e de la libéralisa­tion du marché de l’énergie et la régression de la logique de prix régulés a modifié le statut boursier de ces utilities intégrées : les flux financiers qu’elles génèrent sont devenus moins importants et leur risque, tel qu’il est perçu par les investisse­urs, plus élevé. Ces défis modifient par ailleurs les modèles d’entreprise. Le monde énergétiqu­e convention­nel est caractéris­é par le souci de la sécurité des approvisio­nnements, des perspectiv­es globales, une gestion centralisé­e à grande échelle et des technologi­es convention­nelles. Alors que le nouveau monde énergétiqu­e se caractéris­e par le souci du développem­ent durable, une gestion décentrali­sée, souvent à l’échelle locale et des technologi­es propres. Deux cultures donc très différente­s qui poussent les utilities intégrées à adopter la même stratégie que les télécoms traditionn­elles, à savoir l’acquisitio­n de start-up du nouveau monde énergétiqu­e. Les transforma­tions ne font que commencer et il serait prématuré d’agir en investisse­ur contrarian­t dans l’espoir d’un rebond significat­if des cours de ces sociétés après leurs performanc­es historique­s médiocres.

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