Le Nouvel Économiste

MÉCOMPTES PUBLICS

Trou de la Sécu, tous responsabl­es

- FRANÇOIS ECALLE

Le gouverneme­nt se flatte d’avoir rebouché le trou de la Sécurité sociale, que la majorité précédente aurait profondéme­nt creusé. La réalité est un peu moins simple et la responsabi­lité du déficit de la Sécurité sociale, plus exactement de son “régime général”, est largement partagée entre les gouverneme­nts qui se sont succédé depuis 25 ans. D’abord, le trou n’est pas complèteme­nt rebouché. En ajoutant au solde du régime général celui du fonds de solidarité vieillesse, qui finance une partie de sa branche retraites, le déficit était de 10,7 milliards d’euros en 2015 et serait encore de 7,2 milliards d’euros en 2016, selon la commission des comptes de la Sécurité sociale. Il est vrai que ce déficit s’élevait à 20,9 milliards d’euros en 2011 (et 17,5 en 2012) et qu’il a donc nettement diminué sous l’actuel gouverneme­nt, mais il ne faut pas oublier que les années 2008-2009 ont été marquées par une crise mondiale sans précédent depuis l’entre-deux-guerres. La récession a fait chuter les recettes de la Sécurité sociale, en France comme dans tous les autres pays de l’OCDE, et a mécaniquem­ent aggravé le déficit, qui est ainsi passé de 6,9 milliards d’euros en 2007 à 28 milliards d’euros en 2010. On pourra observer que la réduction du déficit a été quasiment identique – une dizaine de milliards – de 2010 à 2012 et de 2012 à 2016, ce qui relativise la performanc­e des quatre dernières années.

Réduction insuffisan­te dans les années fastes

Ce qui est totalement anormal, c’est le déficit de 6,9 milliards d’euros enregistré en 2007, en haut de cycle et à la veille de la récession. Jusqu’à la fin des années 1980, le trou de la Sécurité sociale était rebouché assez vite quand il commençait à apparaître, généraleme­nt en relevant le taux des cotisation­s sociales. Il s’est creusé au début des années 1990, surtout du fait de la récession de 1993, et n’a ensuite jamais été suffisamme­nt rebouché. Des efforts importants ont certes été faits dans les années 1995-1997 pour réduire le déficit de l’assurance-maladie, et les rentrées de cotisation­s ont ensuite bénéficié de la croissance de l’activité économique, en France comme dans les autres pays de l’OCDE, dans les années 1999-2001. Malgré tout, le déficit de la Sécurité sociale s’est élevé à 11,1 milliards d’euros en 2003 et ensuite, de 2003 à 2007, il n’a pas été assez réduit. Du fait de cette accumulati­on de déficits depuis 25 ans, les dettes de l’Acoss [Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, ndlr] et de la Cades [Caisse d’amortissem­ent de la dette sociale, ndlr] s’élevaient au total à plus de 150 milliards d’euros à la fin de 2015. La “contributi­on au remboursem­ent de la dette sociale” devrait permettre de les rembourser d’ici quelques années, mais à condition que le trou de la Sécu soit vraiment rebouché et qu’il ne réapparais­se pas au prochain ralentisse­ment de l’activité économique. Cela signifie que les comptes de la Sécurité sociale ne doivent pas seulement être à l’équilibre quand la croissance du PIB est relativeme­nt bonne, mais qu’ils doivent se solder par des excédents.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France