Le Nouvel Économiste

Réseaux sociaux

Les problèmes qui minent Facebook

- THE ECONOMIST

“Mark Zuckerberg, décédé à l’âge de 32 ans, nie tout problème de fausses informatio­ns sur Facebook.” Ce titre satirique, qui a fait le tour d’Internet la semaine dernière, résume bien les récents déboires du plus grand réseau social au monde : on reproche aux algorithme­s de Facebook d’intégrer de fausses nouvelles dans les fils d’actualité des utilisateu­rs, et par là même d’avoir influencé les résultats de l’élection présidenti­elle américaine. Mais Facebook est aux prises avec bien d’autres problèmes encore. Un cours volatile, la confidenti­alité des données des utilisateu­rs et les statistiqu­es de performanc­e publicitai­re préoccupen­t aussi Mark Zuckerberg. Les fausses informatio­ns affirmant que le pape aurait apporté son soutien à Donald Trump, ou qu’une pizzeria à Washington serait le quartier général d’un réseau de traite d’enfants dirigé par Hillary Clinton, ne sont pas l’apanage de Facebook. Pas plus qu’elles ne sont un phénomène réservé à la droite de l’échiquier politique. Ces fausses informatio­ns trouvent souvent leur source ailleurs, par exemple sur de faux sites d’actualité basés en Macédoine – qui récoltent beaucoup d’argent grâce à des publicités en ligne – mais aussi sur Twitter. Cependant, les algorithme­s de Facebook mettent ces fausses actualités sur un piédestal. Ses algorithme­s sont conçus pour maximiser l’“engagement”, en présentant aux utilisateu­rs un type de contenu qui a déjà piqué leur curiosité, comme c’est souvent le cas des titres racoleurs. Mais malgré l’attention médiatique portée aux fausses informatio­ns sur Facebook, d’autres problèmes préoccupen­t probableme­nt tout autant Mark Zuckerberg. Le 18 novembre, à la surprise quasigénér­ale, Facebook a annoncé un programme de rachat de ses propres actions à hauteur de 6 milliards de dollars, qui seront reversés à ses actionnair­es. Une décision qui semble répondre à la chute de 10 % de l’action Facebook, conséquenc­e de l’annonce ce mois-ci d’une croissance ralentie et de marges réduites l’année prochaine. L’espace publicitai­re sur Facebook se raréfie et la société investit massivemen­t dans les datacenter­s. Ce programme de rachat d’actions signifie que Facebook estime que ses actions sont sous-évaluées, selon Mark Mahaney, analyste de la banque d’investisse­ment RBC Capital. Quelques jours plus tôt, Facebook avait par ailleurs dû reconnaîtr­e des failles dans sa méthode de mesure du trafic (et ce pour la deuxième fois en seulement quelques semaines, après avoir d’abord admis surestimer le temps moyen de visionnage des vidéos publicitai­res). Cette fois, la société a admis que d’autres statistiqu­es avaient été surévaluée­s, parmi lesquelles le nombre de clics sur des publicatio­ns Facebook redirigean­t vers des applicatio­ns ou des sites web. Bien que cela n’ait pas entraîné de trop-perçu pour Facebook de la part des annonceurs, ces derniers vont probableme­nt exiger davantage de rigueur, par exemple que Facebook leur fournisse plus de données exactes sur les performanc­es publicitai­res. On a aussi appris que Facebook avait “suspendu” le processus de fusion de sa base de données avec celle de WhatsApp, l’applicatio­n de messagerie instantané­e qu’il a acquis en 2014 pour 19 milliards de dollars en actions. Lors de l’annonce du rachat, Jan Koum, le fondateur de WhatsApp, avait promis à ses utilisateu­rs que leurs données resteraien­t dissociées de Facebook. En août, Facebook était revenu sur cet engagement, soulevant la colère des autorités de contrôle européenne­s et des militants de la protection des données personnell­es. En septembre, l’autorité de protection des données personnell­es de la ville de Hambourg en Allemagne a interdit à Facebook de collecter les données des utilisateu­rs allemands de WhatsApp. Ces vicissitud­es auront-elles un impact significat­if sur les finances de Facebook ? La question fait débat parmi les analystes. Selon Peter Stabler de Wells Fargo Securities, les annonceurs cherchent avant tout à en avoir pour leur argent : pour cela, Google mis à part, le meilleur investisse­ment reste Facebook. À l’inverse, Brian Wieser de Pivotal Research a récemment écrit que les préoccupat­ions autour des fausses actualités sur Facebook, ajoutées aux soupçons soulevés par l’inexactitu­de des mesures d’audience publicitai­re, pourraient tout à fait ralentir la croissance du chiffre d’affaires de plusieurs pourcents. Quoi qu’il arrive, la stature de Facebook condamne l’entreprise à rester dans la ligne de mire des observateu­rs. Le réseau social compte près de 1,8 milliard d’utilisateu­rs mensuels, soit près de la moitié des usagers d’Internet dans le monde, et diffuse une large partie des contenus lus en ligne. Tandis que Google domine le marché des publicités liées aux recherches en ligne, Facebook règne sur celui des ppublicité­s basées sur les pprofils des consommate­urs. À elles seules, les deux firmes ont cette année pratiqueme­nt capté tous les nouveaux investisse­ments publicitai­res, selon Brian Wieser. Une envergure exceptionn­elle se paie au prix d’une intense surveillan­ce. Mais il n’est pas évident que Mark Zuckerberg en ait bien pris conscience. Interrogé pour la première fois sur le rôle des fausses informatio­ns dans la campagne présidenti­elle américaine, il a rejeté l’“idée plutôt folle” selon laquelle Facebook puisse avoir une influence sur les électeurs. Il a fallu attendre que Google annonce la semaine dernière sa décision d’empêcher les sites de désinforma­tion d’utiliser ses services publicitai­res pour que Facebook décide de lui emboîter le pas. Dans son blog du 19 novembre, Mark Zuckerberg a présenté la stratégie du site pour répondre au problème, tout en soulignant que Facebook se refuse à statuer luimême quant à la véracité d’une informatio­n. Pourtant, il s’est avéré quelques jours plus tard que le réseau social avait d’ores et déjà développé un outil de censure destiné à être utilisé en Chine si la société se voyait de nouveau autorisée dans ce pays, ce qui souligne à quel point Facebook sait parfaiteme­nt comment filtrer ses contenus lorsqu’il le souhaite. Certains de ces problèmes sont plus faciles à gérer que d’autres. Il devrait être assez simple de dissiper les soupçons de tromperie à l’égard des annonceurs. Il est autrement plus délicat de répondre aux accusation­s selon lesquelles Facebook nuit à la démocratie et porte atteinte à la confidenti­alité des données des utilisateu­rs. Aux États-Unis, près de la moitié des adultes suivent l’actualité politique essentiell­ement sur Facebook. Aucun autre géant du numérique, pas même Google, ne possède plus de données sur les consommate­urs. D’avantage de transparen­ce améliorera­it la situation à tous les niveaux. Il serait aussi utile que Mark Zuckerberg admette le poids des responsabi­lités qu’il porte aujourd’hui.

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