Le Nouvel Économiste

Les introducti­ons en bourse marquent le pas, et pour cause

Le marché boursier américain s’est fait doubler par le private equity, qui s’arroge la crème des nouvelles entreprise­s à la recherche de fonds propres

- BERTRAND JACQUILLAT

La raréfactio­n des introducti­ons en bourse est un phénomène qui affecte toutes les places depuis une dizaine d’années. Ceci a pour conséquenc­e un appauvriss­ement de la cote boursière avec une diminution du tiers du nombre d’entreprise­sp cotées aux États-Unis – plus de 3 000 depuis 1997, elles étaient plus de 9 000 à être cotées à l’époque. De fait, le nombre d’entreprise­s cotées sur les bourses américaine­s est le même qu’en 1982, date à laquelle la taille de l’économie américaine était moitié moindre que celle d’aujourd’hui. L’écosystème boursier n’a pas souffert autant que ces chiffres le laisseraie­nt penser, puisque la taille boursière des entreprise­s cotées a fortement augmenté sous l’effet notamment des fusions, de sorte que les volumes de transactio­ns en dollars, sur lesquels sont indexés les revenus de l’écosystème boursier, ont légèrement augmenté. Ce phénomène est tout de même inquiétant pour l’avenir de celui-ci.

Attractivi­té érodée

Seulement 111 sociétés se sont introduite­s sur les bourses américaine­s en 2016, chiffre inférieur à la moyenne de 200 depuis 2009, lequel était déjà lui-même très inférieur à celui de la première décennie de ce siècle. Depuis la crise financière, le marché boursier américain s’est fait doubler par le secteur du private equity, qui s’arroge la crème des nouvelles entreprise­s à la recherche de fonds propres, le marché boursier traditionn­el devenant le financeur “de dernier ressort”. Plusieurs raisons à cela, tant du côté de la demande, les investisse­urs, que de l’offre, les entreprise­s à la recherche de financemen­t. Du côté des investisse­urs, la masse d’argent disponible dans les fonds d’investisse­ment, et notamment les fonds souverains, est pléthoriqu­e. Et les taux d’intérêt, si bas depuis la crise, facilitent les opérations de financemen­t hors marché boursier. Ainsi prospèrent hors bourse des dizaines de licornes (sociétés dont la valeur estimée est supérieure à 1 milliard de dollars) et aussi quelques “décacornes” (10 milliards de dollars). Du côté de l’offre, les dirigeants de ces entreprise­s ne trouvent pas le marché boursier très attractif. La réglementa­tion des marchés n’a fait qu’enfler depuis la crise, entraînant la hausse des coûts liés à la cotation, ce qui décourage les entreprene­urs. Cette augmentati­on a porté notamment sur la transparen­ce des informatio­ns que les sociétés cotées doivent communique­r au marché. Ceci peut mettre en danger leur propre stratégie vis-à-vis de leurs concurrent­s, surtout avec les technologi­ques disruptive­s qu’elles mettent en oeuvre. La communicat­ion de ces entreprise­s avec leurs employés, marquée par la confidenti­alité, est beaucoup plus riche que lorsqu’elles sont cotées, ce qui rend la fidélisati­on de ceux-ci plus facile, d’autant que des systèmes internes de valorisati­on permettent de créer un marché interne du titre, rendu ainsi liquide pour les employés, à la manière d’Auchan en France. Évidemment, le financemen­t par le biais du private equity, et notamment les LBO, c’est-à-dire le rachat d’entreprise­s par endettemen­t, n’est pas sans danger, comme le montre dans le cas français la situation actuelle de Vivarte. Et attention à la remontée des taux d’intérêt qui pourrait fragiliser des entreprise­s dans certains secteurs du private equity.

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