Le Nouvel Économiste

2017, année Poutine ?

Économie, diplomatie, géopolitiq­ue: l’horizon se dégage sur tous les plans pour le maître du Kremlin

- PASCAL LOROT

La Russie était promise à la catastroph­e. Poutine allait payer le prix de son annexion de la Crimée et de son soutien aux russophone­s du Donbass. Il allait voir ce qu’il allait voir. L’économie russe allait se retrouver en lambeaux, dixit Barak Obama. Les sanctions décidées par les États-Unis, suivis en cela par l’Union européenne, ont eu finalement bien peu d’impact sur la Russie. Certes, le pays a enregistré une contractio­n de son activité l’an passé (croissance 2016 estimée à -1 % par le FMI). Mais celle-ci n’est toutefois pas colossale. Certains produits ont bien sûr fait défaut sur les étals moscovites et ceux des autres villes russes, mais les produits chinois ont eu vite fait de remplacer les produits européens, quand la Russie n’en profitait pas pour se lancer dans la création de filières de production nationales destinées à remplacer progressiv­ement les flux d’importatio­ns. Cela est particuliè­rement observable dans le domaine agroalimen­taire. Finalement, les difficulté­s économique­s du pays ne proviennen­t pas des sanctions, mais bien davantage de la contractio­n des cours pétroliers dans un pays où, ne l’oublions pas, les exportatio­ns de pétrole et de gaz représente­nt 70 % des exportatio­ns globales et 40 % des recettes budgétaire­s. Là, il faut le souligner, réside la vraie faiblesse de l’économie russe. On nous annonçait aussi que la Russie, sur le plan politique, allait se retrouver au ban des nations. Certes, la “communauté internatio­nale” comme on aime à la citer à tout bout de champ – c’est-à-dire au final les pays occidentau­x au sens large – a pris ses distances avec le maître du Kremlin, mais aucun des autres grands acteurs mondiaux n’en a fait de même. La Chine, l’Inde, les pays africains ou encore le Brésil n’ont en rien modifié leurs relations. L’isolement que l’on nous promettait est bien relatif. D’autant que le retour de Moscou dans le jeu syrien en septembre 2015, au coeur du chaudron moyen-oriental, a rebattu les cartes et fait de la Russie un interlocut­eur incontourn­able.

Divines surprises Aux premiers jours de 2017, l’espace politique de la Russie n’a jamais été aussi dégagé. Sur le plan économique, tout d’abord, la remontée actuelle des cours pétroliers est une divine surprise qui redonne des marges financière­s à la Russie. Sur le plan moyen-oriental ensuite, la tentative de putsch en Turquie a rapproché Erdogan et Poutine qui ont scellé une sorte d’alliance, au moins provisoire, qui les met tous les deux au centre du jeuj syrien,y excluant de fait les États-Unis, sans parler d’une Europe qui n’a quasiment plus voix au chapitre. La trêve relative imposée par Moscou et soutenue par la Turquie qui prévaut actuelleme­nt sur le terrain – une première en cinq ans ! – atteste de la capacité du Kremlin à imposer ses stratégies de sortie de crise. Nous verrons si les prochaines discussion­s prévues à Astana permettron­t d’avancer dans le sens d’une vraie solution politique. Sur le plan régional également, l’Ukraine est plus fragile que jamais; elle n’arrive pas à sortir de sa crise, gangrenée qu’elle est par la corruption, par ses difficulté­s économique­s… et par l’absence d’enthousias­me manifesté par l’Occident à renforcer son soutien. Sans parler de l’élection récente de deux présidents que l’on peut qualifier de russophile­s, en Bulgarie et en Moldavie. Tout ceci fait bien sûr le jeu de Moscou. Enfin, sur le plan diplomatiq­ue, l’horizon s’éclaircit là aussi. L’élection de Donald Trump est du pain béni pour Vladimir Poutine. Pour la première fois depuis la chute de l’URSS fin 1991, l’Amérique a élu un président qui n’est pas russophobe ou, à tout le moins, qui ne présente pas la Russie comme étant par définition et par nature un ennemi de l’Occident, mais en revanche comme un pays avec lequel il faut, l’on doit parler. Le choix de François Fillon comme candidat de la droite et du centre pour la prochaine élection présidenti­elle en France va là encore dans le sens d’un possible réchauffem­ent, voire d’une prochaine normalisat­ion des relations politiques avec l’Europe courant 2017. Tous les voyants sont aujourd’hui au vert. Si le maître du Kremlin manoeuvre intelligem­ment, et force est de constater qu’il sait le faire, l’année 2017 pourrait bien être une année Poutine !

Sur le plan économique, tout d’abord, la remontée actuelle des cours pétroliers est une divine surprise qui redonne des marges financière­s à la Russie

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