Le Nouvel Économiste

Donald Trump pourrait suivre l’exemple de Silvio Berlusconi

Une étude montre comment Mediaset a bénéficié des 9 ans de Berlusconi au pouvoir

- RACHEL SANDERSON, FT

Parmi les personnali­tés politiques qui ont rapidement félicité Donald Trump pour sa victoire à l’élection présidenti­elle américaine, figure le politicien et magnat des affaires auquel il a souvent été comparé : Silvio Berlusconi. Celui qui fut trois fois chef du gouverneme­nt italien est un allié de Vladimir Poutine. Silvio Berlusconi a aussi été condamné pour fraude fiscale et corruption. Il a déclaré au journal italien ‘Corriere della Sera’ que la comparaiso­n entre Donald Trump et lui était “évidente”. Tout comme lui, l’entreprene­ur immobilier et star de téléréalit­é américaine est “un homme d’affaires qui, à un moment de sa vie, a décidé de mettre son talent et son énergie au service de son pays”. Mais Silvio Berlusconi, qui a gardé durant ses neuf ans au pouvoir le contrôle de Mediaset, le premier groupe italien de radio-télévision privé, présente un autre point de comparaiso­n intéressan­t avec Donald Trump : l’ampleur des avantages dont peut bénéficier un empire économique contrôlé par un responsabl­e politique. Le magnat italien des médias a toujours nié l’existence du moindre conflit d’intérêts, assurant que ses sociétés n’ont pas profité de son mandat politique. Mais durant ses neuf ans au pouvoir, entre 1994 et 2009, investisse­urs et analystes évoquaient ouvertemen­t la “prime Berlusconi” dont bénéficiai­ent les actions Mediaset. Le cours de l’action a ensuite subi une “réduction Berlusconi” lorsqu’il a quitté son poste. Les investisse­urs

considérai­ent que la société (qui regroupe trois chaînes gratuites et le bouquet payant Mediaset Premium) bénéficiai­t d’avantages commerciau­x et réglementa­ires indétermin­és en raison de la fonction de Silvio Berlusconi. Le cours de l’action a grimpé et chuté au gré des temps forts de sa politique. Une note de réflexion du Centre de recherche sur la politique économique publiée en février 2014 – trois ans après que Berlusconi a été contraint de démissionn­er pendant la crise de la dette en Europe – a cherché à approfondi­r la question en présentant des preuves concrètes des avantages politiques accordés à Mediaset. Les auteurs ont analysé un nouveau mode de lobbying : l’influence exercée par les sociétés auprès des responsabl­es politiques à travers leurs intérêts financiers. En un mot, l’étude suggère que lorsqu’un responsabl­e politique contrôle des sociétés, les entreprise­s qui tentent d’obtenir des faveurs politiques orientent leurs dépenses vers les sociétés qu’il détient. Le politicien jouit alors d’un accroissem­ent de ses revenus, et les entreprise­s attendent en retour la mise en place d’une réglementa­tion avantageus­e pour elles. Silvio Berlusconi et son empire médiatique ont fourni un exemple particuliè­rement clair aux auteurs : en effet, les membres du gouverneme­nt italien, président du Conseil des ministres inclus, ne sont pas contraints de céder leurs actions dans des sociétés commercial­es. La structure du marché audiovisue­l italien a aussi permis de mesurer facilement l’infléchiss­ement des budgets publicitai­res en faveur du groupe du Premier ministre au cours de son mandat. Le marché audiovisue­l italien est dominé par deux groupes : le groupe audiovisue­l public RAI et Mediaset. Tous deux acceptent la publicité payante. Les auteurs ont donc analysé l’évolution des dépenses publicitai­res dans la période pendant laquelle Silvio Berlusconi a été président du Conseil, à partir des données de la société de mesure d’audience Nielsen. Les auteurs ont constaté que les entreprise­s ont bien réinvesti une part de leurs budgets publicitai­res auparavant attribués aux chaînes publiques vers les chaînes du chef du gouverneme­nt. Environ un milliard d’euros de revenus publicitai­res supplément­aires ont afflué vers le groupe du magnat au cours de ses mandats – soit l’équivalent d’un cinquième de la valorisati­on boursière de Mediaset en 1997. Qui plus est, les auteurs ont remarqué que cette tendance était particuliè­rement prononcée dans les secteurs les plus régulés, comme celui de la constructi­on automobile. L’étude en conclut que ces entreprise­s ont réorienté leurs budgets dans l’espoir d’encourager des législatio­ns plus favorables. Selon les auteurs, ces résultats soulignent la nécessité de mettre en place des règles plus strictes encadrant les conflits d’intérêts. C’est une lecture fascinante, non seulement dans le contexte de la victoire de Donald Trump, mais aussi au vu des déboires actuels de Mediaset. Après une chute du cours de l’action coïncidant avec le départ de Silvio Berlusconi et la stagnation économique italienne, le groupe est devenu la cible d’une prise de participat­ion hostile de la part de Vincent Bolloré. Le prédateur français détient 29 % du capital, à deux doigts de la borne des 30 %, seuil de déclenchem­ent d’une OPA. Les caisses de Silvio Berlusconi étant vides, Mediaset en est réduit à solliciter l’interventi­on de l’autorité italienne de la concurrenc­e pour bloquer l’offensive de Vincent Bolloré. C’est ainsi que Silvio Berlusconi, fort du record de longévité des chefs de gouverneme­nt italiens de l’après-guerre, fait face à la perspectiv­e infamante de perdre le contrôle de sa société en l’espace d’une génération.

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