Le Nouvel Économiste

Les réseaux et groupement­s d’avocats

Autrefois solitaire, l’avocat a intérêt aujourd’hui à rejoindre un réseau. Ne serait-ce que pour résister à la concurrenc­e tendue des autres profession­nels du droit

- LAURÈNE RIMONDI

Libérale et indépendan­te, la profession d’avocat n’en appelle pas moins au réseautage. Près d’un profession­nel sur deux adhère à un ou plusieurs réseaux, selon une enquête menée par le Village de la justice en 2011. Le Conseil national des barreaux (CNB) observe d’un oeil bienveilla­nt cette tendance : “la profession d’avocat s’exerce à titre individuel, ce qui peut parfois conduire à un sentiment d’isolement, économique mais aussi intellectu­el. Les réseaux permettent de bénéficier de la force de frappe d’un groupe, sans être aussi engageants que l’associatio­n classique d’exercice”, estime Me Delphine Gallin, présidente de la commission du statut profession­nel de l’avocat du CNB. Si ces associatio­ns et syndicats de profession­nels paraissent de plus en plus attractifs, les membres affichent néanmoins un avis mitigé sur la question, puisque 31 % seulement des personnes interrogée­s se déclarent satisfaite­s, quand 37 % ne le sont pas et 32 % n’ont pas d’opinion. En cause : les réseaux ne sont pas toujours adaptés aux besoins des profession­nels. Il existe pourtant pour les avocats différente­s façons de collaborer entre eux, en fonction de leurs attentes.

Mutualiser des moyens

Bien choisies, ces structures représente­nt un appui stratégiqu­e au développem­ent des cabinets. Elles s’organisent avant tout autour de l’existence d’un intérêt économique commun. Regroupés, les profession­nels bénéficien­t de ressources et de services à tarifs préférenti­els. Ils se trouvent également en meilleure position pour développer une clientèle, en diversifia­nt les prestation­s proposées au sein du groupement et en améliorant et spécialisa­nt leurs propres prestation­s. Sur la forme, les réseaux d’avocats offrent le partage d’un nom, d’un logo et de locaux, qui facilitent la communicat­ion auprès du public. En pratique, cela se traduit par des recommanda­tions réciproque­s, le partage des moyens financiers et parfois des outils d’exploitati­on. Alors que les ordres organisent le fonctionne­ment géographiq­ue de la profession, les réseaux permettent de mettre en contact des avocats de barreaux et d’ordres différents. Un argument de taille, dans un contexte de plus en plus concurrent­iel. “La commission du statut profession­nel de l’avocat au sein du CNB estime que l’exercice individuel ne constitue pas l’avenir de la profession, puisqu’il ne permet pas de rester compétitif, en particulie­r face aux concurrent­s directs tels que les experts-comptables ou les profession­s non réglementé­es. Mais attention, tous les réseaux ne se valent pas”, affirme

Me Delphine Gallin.

Favoriser les échanges

Installés depuis de longtemps, de grands noms offrent une stratégie de développem­ent claire, grâce à des offres de service complètes Il offre un service intellectu­el mais ne peut plus se passer d’être un chef d’entreprise. L’avocat doit aujourd’hui faire face à une concurrenc­e accrue de la part d’autres profession­nels du droit, mais aussi aux transforma­tions numériques et économique­s, lesquelles sortent souvent de son domaine de compétence. Alors que l’associatio­n en capital peut être contraigna­nte, les réseaux de cabinets d’avocats apparaisse­nt de plus en plus comme un moyen efficace pour mettre en commun les ressources financière­s et humaines, et s’adapter plus facilement aux mutations du marché. Mutualisat­ion des coûts et des compétence­s sont les maîtres mots. ainsi qu’une couverture de l’ensemble du territoire, parfois jusqu’à l’internatio­nal. Parmi eux, Gesica, Eurojuris France ou Alta-Juris. L’accès aux éditions juridiques et à des formations régulières à des tarifs concurrent­iels constitue souvent pour ces groupement un produit d’appel efficace. Si l’apport en clientèle reste symbolique, notamment dans les petites villes, l’atout se mesure plutôt en matière d’échanges. L’interactiv­ité entre profession­nels que cherchent à mettre en place les réseaux au cours de rencontres régulières, est favorisée par le fait que les cabinets sélectionn­és par le réseau sont de tailles différente­s. Sans concurrenc­e directe, les échanges de tuyaux et de bons procédés se font plus riches. Plus globalemen­t, c’est l’image de marque du profession­nel qui grandit, puisque ces structures constituen­t aussi un gage de qualité pour les clients, par le biais de critères d’adhésion stricts. La plupart des grands réseaux mettent ainsi en place une charte qui valorise l’éthique et la transparen­ce des honoraires. “Avant d’admettre un nouveau membre, nous vérifions l’éthique et la qualité de service par l’intermédia­ire du délégué régional. Nous avons déjà atteint une taille honorable. Ce qui nous intéresse est d’être en mesure de proposer des compétence­s très pointues. Nous avons des avocats spécialist­es du droit des étiquettes de vin ou des nouveaux animaux de compagnie, par exemple”, explique Me Christophe Donnette, président du réseau Gesica.

“Les réseaux permettent de bénéficier de la force de frappe d’un

groupe, sans être aussi engageants que l’associatio­n classique

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“L’exercice individuel ne permet pas de rester compétitif, en particulie­r face aux concurrent­s directs tels que les experts-comptables ou les profession­s non réglementé­es.” Delphine Gallin, CNB.

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