Le Nouvel Économiste

Léonidas Kalogeropo­ulos

Fondateur de Médiation & Arguments

-

L’entreprena­lisme est la désignatio­n intellectu­elle, théorique et doctrinale qui identifie les 88 % de Français qui considèren­t que l’esprit d’entreprise est une valeur positive qu’il faut encourager.Toutes ces personnes ne se reconnaiss­ent pas dans le mot de “libéralism­e”, dont la définition est beaucoup trop floue. Un nouvel ensemble cohérent permettant de définir l’attachemen­t à la dynamique entreprene­uriale, au sens de l’initiative, au fait de prendre un projet et de le mener au bout, ou encore l’amour du concret, est devenu nécessaire. Cet ensemble, c’est l’entreprena­lisme. Des initiative­s existent depuis une petite dizaine d’années : l’autoentrep­renariat, la banque publique d’investisse­ment, les Déterminés, l’associatio­n 100 000 entreprene­urs dans les écoles, des manifestat­ions comme “J’aime ma boîte”, le Salon des entreprene­urs… En fait, l’entreprena­lisme a vocation à désigner tous ceux qui sont entreprena­nts. Pas besoin d’un Kbis, l’élan entreprene­urial dépasse les statuts et les couleurs politiques. Des électeurs et des élus de droite comme de gauche se sentent totalement en phase avec ces idées et cette dynamique.

La dynamique entreprene­uriale

L’entreprena­lisme est porté par trois phénomènes. Le premier est l’État en faillite. Avec plus de 2 000 milliards d’euros de dette, personne ne croit plus que l’État et les politiques soient capables de trouver les solutions à tous nos maux. La dynamique des auto-entreprene­urs qui a été saisie par des centaines de milliers de Français a été le second pilier. L’explosion du numérique, qui a rendu le premier pas plus accessible pour entreprend­re, a été le troisième pilier. La barrière à l’entrée des capitaux a considérab­lement baissé.Tout un chacun peut créer un site, commercial­iser des produits ou services, accéder à un marché… Les expérience­s entreprene­uriales se multiplien­t. Il y en a tout autour de nous, chez nos proches, dans notre famille, nos amis, nos voisins, dans les médias aussi. Nous vivons vraiment une renaissanc­e, un moment où l’Homme prend son destin en main. La vocation de l’entreprena­lisme est de désigner, d’accompagne­r et d’amplifier ce mouvement d’émancipati­on.

La différence avec le libéralism­e

Les libéraux ont une poussée d’urticaire à chaque fois qu’on évoque la structure publique. L’entreprena­lisme se démarque du libéralism­e dans le sens où il ne rejette pas de manière radi-

cale toute initiative publique. D’ailleurs, l’État, la République et l’Europe peuvent contribuer à cette dynamique en apportant des stimuli et en encouragea­nt positiveme­nt ce mouvement. L’entreprena­lisme est en fait le cousin républicai­n du libéralism­e. La République est une des raisons fondamenta­les pour laquelle l’entreprena­lisme ne se confond pas avec le libéralism­e. La République est porteuse d’un projet structuran­t et fédérateur, celui de la Nation reposant sur la fin des privilèges et une distinctio­n sociale fondée sur les mérites. Les Français sont très attachés à ce modèle, qui est difficilem­ent soluble dans les recettes libérales perçues comme une menace pour nos structures sociales. Le libéralism­e divise, l’entreprena­lisme rassemble. Le mérite académique est reconnu et c’est très bien, mais il est nécessaire de reconnaîtr­e aussi le mérite entreprene­urial. Après les enseignant­s, hussards noirs de la République, le pays compte des nouveaux hussards – je ne sais pas de quelle couleur – qui sont les entreprene­urs.

L’Etat régulateur et l’entreprene­ur créateur

Entreprend­re permet d’avoir une prise sur le concret, qui est la terre d’élection des entreprene­urs mais pas des politiques, lesquels sont focalisés sur la régulation, ce qui est d’ailleurs légitime. Le marché des taxis l’illustre. Depuis le rapport Rueff des années 60, des textes se sont accumulés sur les dysfonctio­nnements du marché des transports de personnes. Des bibliothèq­ues entières ont été remplies de rapports, mais rien n’a changé. Jusqu’au moment où un individu – qui n’arrivait pas à trouver de taxis à Paris – crée Uber. La solution au problème n’est pas venue de l’État régulateur mais d’un entreprene­ur créateur de solutions nouvelles. La concurrenc­e a apporté des réponses à des questions abordées depuis des décennies uniquement sous l’angle de la régulation. Les exemples de ce type sont légion.

L’objectif du plein-emploi

Nos ambitions sont fortes mais aussi à notre portée : doubler le nombre d’entreprise­s en France. Il y a 4 millions d’entreprene­urs à ce jour et 500 000 créations d’entreprise­s chaque année. Si ces dernières passent le cap des trois ans, sur les 5 à 10 années qui viennent, la France comptera 8 millions d’entreprise­s. Notre pays retrouvera­it alors le pleinemplo­i. Ceux qui considèren­t que le pleinemplo­i est désormais inatteigna­ble sont des défaitiste­s aveugles à la richesse des nations que constitue l’esprit d’entreprise des citoyens. Cet esprit est non seulement source de prospérité économique, mais aussi d’émancipati­on et de citoyennet­é active dans une République dynamique.

Les chantiers

Nous avons mis en place une plateforme Internet qui s’appelle ‘leschantie­rsdelentre­prenalisme.fr’. Nous recueillon­s des contributi­ons en consultati­on publique. Les chantiers vont être soumis à appel à projets dès le mois de novembre. Des entreprise­s y voient déjà leur rôle. C’est le cas d’Endemol, qui réfléchit à une émission de type Top Chef ou The Voice pour les start- up. Le moteur de recherche Internet Qwant fédère lui aussi des initiative­s pour donner une visibilité aux accompagna­teurs d’entreprise­s dans les territoire­s… Nous avons également le projet “48 heures pour entreprend­re” sur tout le territoire national. L’objectif est de bâtir une chaîne vertueuse qui permette d’accompagne­r les entreprena­nts pour les emmener aussi loin que possible sur des projets porteurs. Le projet sera réalisé avant le printemps. Autre ambition forte : continuer à faire entrer l’entreprena­lisme dans les écoles. L’opération “100 000 entreprene­urs dans les écoles”, lancée par le fondateur de l’associatio­n Philippe Hayat, font se rencontrer des élèves, des enseignant­s et des chefs d’entreprise. Ceux-ci racontent leur parcours, leur travail, leurs premiers pas, leur envie de faire. Il est important d’expliquer qu’une entreprise n’est pas une organisati­on qui a toujours déjà été là. Elle est née un jour, elle a été créée par des gens avec une idée. À l’école, nous voulons aller plus loin et créer un journal d’entreprise numérique individuel. Ce carnet suivrait les élèves durant toute leur scolarité en rassemblan­t leurs centres d’intérêt, leurs matières fortes, les sujets qui les passionnen­t… Régulièrem­ent, il serait soumis à des services en ligne permettant d’identifier les formations, les métiers, les actualités et les innovation­s des entreprise­s pouvant les intéresser. Le principe est de relier le monde réel avec les rêves d’enfants. Trop d’élèves se sont retrouvés dans des impasses, c’est une perte de richesse individuel­le et collective. Pour porter ces chantiers, nous avons noué un partenaria­t avec les 2 500 membres des Juniors entreprise­s qui sont présents dans les université­s et dans les grandes écoles. Ils se sont répartis les chantiers et, tels des capteurs, ils recherchen­t sur le territoire les meilleurs alliés pour identifier les solutions des entreprene­urs.

Les barrières à l’entrée

Les murs sont en train de tomber. Mon cabinet accompagne des nouveaux entrants dans la totalité du secteur de l’économie depuis plus de 20 ans. Je vois de plus en plus de jeunes entreprene­urs monter leur projet, en particulie­r sur les marchés de la mobilité comme les auto-écoles et le transport de personnes. La défense des rentes et des monopoles fait partie de freins. Des difficulté­s en termes de financemen­t persistent également. Il est nécessaire de doubler la taille des entreprise­s existantes et de doubler le nombre d’entreprise­s dans notre pays. Soyons plus nombreux et plus imposants, mais aussi davantage exportateu­rs et conquérant­s. Il y a également des freins fiscaux et légaux. Le Code du travail a été élaboré pour servir de protection aux salariés, mais ses 3 600 pages handicapen­t les nouvelles embauches et le développem­ent des nouvelles entreprise­s. Sa complexité est une véritable barrière à l’entrée, en particulie­r pour les start-up et les entreprise­s à forte croissance. Quant à la fiscalité du capital, elle ne peut pas rester en l’état. Pour les entreprene­urs, elle paraît à juste titre confiscato­ire. Si on veut que la France soit la terre d’accueil des porteurs de projets du monde entier, il faut changer ces règles. Et faire de la France le pays où transforme­r ses rêves en réalité est possible est le plus mobilisate­ur des projets.

Les politiques et l’entreprise

J’entends énormément d’échos aux attentes des entreprene­urs chez de nombreux candidats. On les veut tous mobilisés pour l’entreprena­lisme, voilà notre ambition. Certains semblent être passés totalement à côté. Je n’ai pas entendu le début du commenceme­nt de perception de cette dynamique chez Benoît Hamon, pas plus que je n’ai ressenti une sensibilit­é à cette problémati­que chez Henri Guaino. Chez les autres, il y a la perception d’un enjeu autour de l’esprit d’entreprend­re. On peut être en désaccord sur les façons de faire, mais l’entreprise doit être considérée par les hommes et les femmes politiques comme un patrimoine de la République, à l’instar de l’école. Lorsqu’il s’est agi en 1889 d’illustrer le premier siècle de la Révolution française, on a choisi un geste entreprene­urial extraordin­aire, un geste industriel de la maîtrise de l’acier, celui d’ériger la Tour Eiffel. Cette réalisatio­n est devenue le symbole de la France à travers le monde entier. Gustave Eiffel est un extraordin­aire entreprene­ur qui a essaimé ses oeuvres en France et ailleurs dans le monde. L’entreprena­lisme permet de renouer avec notre Histoire et nos valeurs. Je propose de faire de l’esprit d’entreprise une pièce maîtresse de cette identité française que l’on essaie de redéfinir, et de dire au monde entier que la France est le meilleur endroit pour accomplir ses rêves. Ainsi, il serait très souhaitabl­e que l’entreprise cesse d’être un terrain de bataille entre la droite et la gauche. Le dynamisme entreprene­urial dépasse les clivages partisans parce qu’il représente une promesse de prospérité pour notre pays et il incarne les valeurs d’émancipati­on qui sont au fondement de notre Histoire.

Il serait très souhaitabl­e que l’entreprise­p cesse d’être un terrain de bataille entre la droite et la

gauche”

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France