Avis aux candidats
industriel français est plutôt en retard, car on a sous-investi, mais on est à un moment charnière. Le numérique permet de redistribuer les cartes en transformant rapidement la compétitivité d’une usine dans un pays par rapport à d’autres pays. Vraiment des occasions à ne pas rater.” Où l’on évoque des relocalisations et surtout ces choses que l’on ne pouvait plus fabriquer en France qui reviendraient dans les usines de l’Hexagone, notamment grâce aux robots. Et une étude de Roland Berger démontre que les emplois industriels perdus du fait de ces automates sont compensés par les créations dans l’écosystème. Selon l’expérience du patron de Saint-Gobain : “En 2010, j’ai créé une usine d’isolation à côté d’Angers. On a créé deux fois moins d’emplois que ce qu’on aurait fait 20 ans plus tôt, mais 4 ans après, autour, il y a un hôtel et des commerçants. C’est le facteur structurant de l’industrie”.
Besoin d’allégement des charges
La reconstitution récente des marges facilite ces investissements, même si une bonne partie des profits des groupes industriels ne sont pas réalisés en France, note Denis Ranque : “On compte sur le patriotisme des grands groupes pour ne pas laisser tomber la France ; ils ont beau faire, quand ils y perdent de l’argent et en gagnent à l’étranger, ils sont obligés de faire des arbitrages”. Pourtant le rapport Gallois, dont nombre de mesures ont été adoptées, donnait la feuille de route du retour à la compétitivité, notamment par un sérieux allégement des charges. Proposition en partie demeurée en rade. Reste à résoudre ce quasi tabou. Certes, le virage sémantique a été clair : on ose désormais évoquer l’allégement des charges. “On avance à petit pas dans la bonne direction, mais si l’allégement de charge ne concerne que les bas salaires, il n’a qu’un impact à court terme et sur l’emploi peu qualifié. Pour retrouver la compétitivité à moyen terme de façon plus structurante, il faut alléger les charges sur les salaires plus élevés, 3 ou 4 fois le Smic. Faire plus et plus simple. Avec le CICE on est arrivé à une véritable usine à gaz”, avance Denis Ranque. En outre, les hautes qualifications ont un effet de levier sur l’emploi souvent sousestimé. Si la création d’un emploi induit celle de deux ou trois autres dans son écosystème, un nouvel emploi dans le supermarché du coin n’aura pas d’incidence économique. “Il faut donc à la fois créer des emplois de haute qualification, changer de pied sur l’allégement de charges, et bien entendu réformer le système de formation” plaident ces industriels. Objectif concret ? Combler la moitié du gap que nous avons avec l’Allemagne, en rajoutant 10 à 15 milliards supplémentaires d’allégement par rapport à l’existant. Sans oublier d’alléger de 20 milliards les autres impôts qui jouent sur la production, pour, au total, atteindre à peu près 50 milliards sur 5 ans d’allégements de charges complémentaires (charges sociales, impôts sur la production et impôts sur le capital). Le tout financé par quelques points de TVA et des économies sur les dépenses publiques. “À partir du moment les assurances sociales deviennent un système universel, estime-t-on normal qu’elles soient financées par le coût du travail ?”
Besoin de politique sectorielle
Divergence de vue avec les récentes politiques sur une stratégie industrielle, paraissant beaucoup trop sectorielle à ses principaux acteurs. La critique porte, pour Denis Ranque, sur un émiettage en 34 domaines. “On ne peut être bon partout. Quand on fait des politiques sectorielles, c’est pour être moins mauvais dans des endroits où l’on n’était pas bon. On le voit bien dans les entreprises, la bonne stratégie, c’est de mettre le paquet sur les points forts, donc il faut concentrer les actions sur un certain nombre de secteurs.” Du côté de la R&D et de l’innovation, quelques satisfecit : “Il faut continuer à décloisonner la recherche publique et la recherche privée, mais on crée plutôt plus de talents qu’on en garde en France. Les Français représentent la plus forte population étrangère de la Silicon Valley. Ce ne serait pas mal qu’un plus ggrand nombre reste chez nous”. À la clé, une revalorisation du stap tut des enseignants-chercheurs.
Besoin d’un contrat de travail unique
Divergence encore sur les remèdes à porter au marché du travail, malgré les soins apportés ces derniers mois. “La loi El Komri allait dans la bonne direction mais elle a été fortement restreinte. L’avant-trou est fait, reste à passer la chignole dans cette avancée importante et à poser vraiment le principe qu’en matière sociale, l’accord d’entreprise doit primer par rapport à l’accord national”, observe Pierre-André de Chalendar, plaidant pour un contrat de travail unique remplaçant un CDI trop rigide et un CDD trop précaire.
Besoin d’apprentissage
Divergence toujours sur la formation par l’apprentissage. Ce dispositif pédagogique qui fait le succès de l’industrie allemande dysfonctionne en France du fait de son organisation. D’un côté des lycées professionnels et des professeurs quelque peu idéologiquement éloignés de l’entreprise – “ils ont considéré depuis toujours que c’était le mal”, estime l’un des industriels – peinent à trouver des stages, et de l’autre des CFA pilotés par des artisans. Il faudra donc rapprocher ces deux structures pour le plus grand bénéfice de la filière et des apprentis, en misant sur le rôle clés des régions, instance stratégique des convergences.