Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

Mais où sont passées les grandes entreprise­s qui ont quitté la bourse ?

- BERTRAND JACQUILLAT

Notre chronique de la semaine dernière évoquaitq la diminution du nombre des entreprise­s cotées aux États-Unis. Alors qu’elles étaient encore plus de 9 000 en 1997, elles ne sont plus environ que 6 000 aujourd’hui, comme en 1982. Mais où sont donc passées les entreprise­s qui ont quitté la bourse ? Comment se sont développée­s celles qui n’y sont pas allées ? Comment les entreprise­s américaine­s se sont-elles financées dans une période où le tissu économique américain a continué à se développer ? Il ne s’agit pas exactement de vases communican­ts, mais la coïncidenc­e n’en demeure pas moins frappante entre le reflux du nombre d’entreprise­s cotées et le développem­entpp des sociétés de pprivate equity aux États-Unis, comme dans le reste du monde d’ailleurs – mais dans une moindre mesure.

De 24 en 1980 à 6628 en 2015

Les sociétés de private equity sont des sociétés de gestion qui gèrent des fonds d’investisse­ment, lesquels investisse­nt dans des sociétés non cotées ou qu’elles retirent de la cote, selon un écosystème particulie­r. Ces fonds d’investisse­ment sont alimentés par de riches particulie­rs, des fondations, des fonds de pension publics et privés, des endowment funds d’université­s, des fonds souverains, etc., qui ont incontesta­blement de l’influence, ce qui constitue en soi une protection pour leurs activités. Selon Preqin, une société d’étude et de recherche londonienn­e, il y avait seulement 24 sociétés de gestion de private equity dans le monde en 1980. Elles étaient 6 628 en 2015, dont 620 créées cette année-là. Cette progressio­n est d’autant plus remarquabl­e que le nombre d’organisati­ons exerçant d’autres activités financière­s a diminué. Le nombre de banques a connu son effectif maximum en 1984, en 2001 pour les fonds mutuels et autres Sicav, et en 2015 pour les hedge funds. Et le private equity a détrôné la banque d’affaires comme organisati­on la plus convoitée par les diplômés des université­s. Les raisons de cet engouement ont été rappelées dans un récent document de recherche émanant de la Harvard Business School, de Gompers, Kaplan et Mukharlyam­ov, intitulé “What do private equity firms say they do ?” : l’important financemen­t par endettemen­t en lieu et place de capitaux propres, ce qui réduit la facture fiscale et joue comme levier de rentabilit­é, des structures de rémunérati­on très incitative­s pour les dirigeants des sociétés, à la fois des fonds et des entreprise­s qu’elles détiennent, l’apport de nouvelles expertises, la rapidité d’exécution. Il n’est pas écrit d’avance que ce succès perdure. D’abord parce que du fait même de leur succès, les performanc­es des fonds de private equity ne sont plus ce qu’elles étaient, et cela s’en ressent sur les rémunérati­ons en baisse de l’écosystème dans son ensemble. Ensuite, ces performanc­es profitent à des happy few, certes puissants, mais très minoritair­es par rapport à la population des investisse­urs sur les marchés financiers, auxquels échappe la crème des performanc­es financière­s des entreprise­s. D’autant que la cotation présente aussi des avantages à la fois pour les entreprise­s et les investisse­urs, sauf que les contrainte­s, internes et externes, qui pèsent sur les sociétés cotées ne plaident pas en faveur de leur cotation sur des marchés financiers perçus comme trop réglementé­s ; pour l’instant…

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