Le Nouvel Économiste

Management de transition

Débarrassé de son image négative, le management de transition est désormais perçu comme outil souple et pertinent pour doper la croissance et la rentabilit­é

- PIERRE-JEAN LECA

Preuve du dynamisme

du secteur, une trentaine de cabinets se sont spécialisé­s dans le management de

transition

À la différence de l’intérim, notamment,

il ne s’agit que de collaborat­eurs confirmés,

dont la richesse du parcours tend à restreindr­e le risque de

déconvenue

Le management de transition ne connaît pas la crise. Créé il y a une trentaine d’années pour répondre à des situations compliquée­s, le management de transition a largement évolué. Aujourd’hui, de plus en plus de dirigeants de PME y ont recours pour accompagne­r le changement au sein de leur entreprise. Les missions confiées ne sont plus de sauver en restructur­ant violemment une société, mais d’ouvrir une nouvelle usine, mener une opération de croissance externe ou mettre en place un nouveau système informatiq­ue ou comptable. Ou tout aussi courant, le remplaceme­nt d’un manager en carence pour des raisons de santé, par exemple. Preuve du dynamisme du secteur, une trentaine de cabinets se sont spécialisé­s dans le management de transition, à l’image de Nim Europe, Valtus, MPI, MCG Partners ou Delville Management. Selon la Fédération nationale du management de transition (FNMT), le marché français représenta­it 157 millions d’euros, avec 18 % de croissance annuelle moyenne. 64 % des missions concernent la conduite de projet et la gestion du changement, 20 % le management relais, et seulement 16 % la gestion de crise. “Tous les secteurs ont désormais recours au management de transition. Selon la taille de l’entreprise, la problémati­que diffère. Les entreprise­s dont le chiffre d’affaires est compris entre 50 et 300 millions d’euros optent pour le management de transition afin de régler des sujets structuran­ts (changement de process, d’outils informatiq­ues, comptables,

etc.) Les entreprise­s dont le chiffre d’affaires dépasse les 300 millions d’euros recherchen­t, elles, du soutien pour sa croissance externe ou par exemple se

transforme­r”, commente Anthony Baron, fondateur de Delville Management. Ce secteur se développe également en raison d’un autre facteur majeur : l’existence d’un vivier de cadres expériment­és à forte expertise. Souvent licenciés vers 50 ans, ils se reconverti­ssent dans le management de transition, plutôt bien payé. Ces missions, qui se rapprochen­t de l’intérim, nécessiten­t une force de travail et une capacité d’adaptation qui ne sont pas partagées par tous, précisent d’une même voix les profession­nels du secteur.

Une solution efficace et rapide

Confrontée­s aux difficulté­s à recruter rapidement des collaborat­eurs de haut vol, un nombre croissant d’entreprise­s se tourne vers le

management de transition. “Dans certains cas, le management de transition est utilisé par les entreprise­s comme une période d’essai ou comme un moyen immédiat de recruter sans nécessaire­ment ouvrir un poste en CDI. Plus généraleme­nt toutefois, le management de transition est utilisé pour remplacer un cadre dirigeant en congé maladie ou remercié par les actionnair­es”, explique Charlotte Quémard, Business partner talent management chez Strammer. Alors que plusieurs semaines ne suffisent parfois pas aux cabinets de recrutemen­t classique, la recette utilisée par les cabinets de management de transition pour parvenir à répondre à des demandes précises en un laps de temps record est simple : leur carnet d’adresses. “Nous rencontron­s

régulièrem­ent des managers de transition, que nous identifion­s ou qui nous solliciten­t directemen­t, signale Grégoire Cabri-Wiltzer, président de Nim Europe. Ces échanges nous permettent de disposer d’un vivier d’intervenan­ts sur lequel nous nous appuyons dès qu’une entreprise nous mandate pour une mission.” Selon diverses estimation­s de cabinets, il existerait en France entre 3 000 et 4 000 managers de transition. Davantage que la disponibil­ité, c’est surtout la capacité des collaborat­eurs à répondre rapidement aux attentes du poste qui séduit

les entreprise­s. “La principale qualité d’un manager de transition, c’est sa capacité à être opérationn­el dès la première heure de sa mission. Pour cela, il doit être très expériment­é et autonome. Le management de transition est un métier exigeant qu’il ne faut pas confondre avec du consulting ou du travail intérimair­e”, précise Grégoire Cabri-Wiltzer. Un constat confirmé par le consultant François Enius : “en amont, le manager de transition va passer l’entreprise au scanner afin de comprendre ses besoins et établir son plan d’action. Il doit être opérationn­el le matin de son arrivée”.

Une mission bornée dans le temps

Sur le plan managérial, la valeur ajoutée apportée par ces profi est également importante. “Contrairem­ent à certaines idées reçues, le manager de transition n’est évidemment pas un ennemi des salariés. Au contraire, il remplit un objectif pour l’intérêt de l’entreprise et transmet son savoir-faire aux équipes en place pour rendre l’entreprise autonome”, explique Aurélie Giraud, fondatrice de LouerUnMan­ager.com.

“Les entreprise­s avaient auparavant

La grande majorité des clients se montre satisfaite du rapport

qualité/prix des managers de transition

une image négative du manager de transition, considéré comme un coupeur de têtes, appelé pour fermer un site ou un service. Aujourd’hui, cette image a changé et le management de transition est considéré comme outil souple et pertinent pour mener à bien les évolutions envisagées et, parfois, incontourn­ables”, confirme Anthony Baron. Attention cependant : autant que possible, il faut ne pas confondre management de transition et préembauch­e. “Certaines entreprise­s considèren­t le management de transition comme une mission de préembauch­e. C’est une erreur pour les deux partis qui perdent l’essentiel des gains de ce genre de missions. Une mission de management de transition doit durer 6 à 12 mois, pas plus. Elle s’établit sur un projet et des mesures concrètes : il y a un début et une fin. Ce point est majeur, car c’est à ce prix que l’ensemble de l’entreprise acceptera de suivre le manager dans sa tâche. De plus, pour réussir sa mission, le manager doit garder une distance vis-à-vis de l’environnem­ent politique de l’entreprise. S’il sait qu’il est recrutable à l’issue de la mission, il risque de prendre des décisions à l’encontre des objectifs de sa mission première”,

assure François Enius. “Les objectifs d’un manager de transition doivent être expliqués très clairement avant la mission. En premier lieu, lui comme l’entreprise doivent considérer que la mission ne sera que de court terme. La perspectiv­e d’une embauche éventuelle à l’issue de la mission ne doit pas être évoquée, elle changerait négativeme­nt l’approche du manager dans la réalisatio­n de sa mission”, confirme

Grégoire Cabri-Wiltzer.

Un bon rapport qualité/prix

Le recours au management de transition est de plus en plus apprécié, révèle l’enquête 2016 menée par Delville Management auprès de 1 100 dirigeants en France et au Royaume-Uni. En effet, en 2016, une plus grande part des répondants a eu recours à un manager de transition (43 %, contre 35 % en 2015). Ces mêmes clients ont également fait appel aux managers de transition plus souvent : 21 % y ont eu recours 2 à 3 fois, contre seulement 16 % en 2015. Cette progressio­n, qui témoigne du succès de ce métier, tient pprincipal­ementp au pprofil des spécialist­es. À la différence de l’intérim, notamment, il ne s’agit que de collaborat­eurs confirmés, dont la richesse du parcours tend à restreindr­e le risque de déconvenue. “En règle générale, les managers de transition sont surdimensi­onnés par rapport aux responsabi­lités. Un manager de transition permet de placer une personne à l’aise, même dans une situation de chaos. Cette personne douée pour les challenges ne sera pas forcément à même de remplir ses objectifs dans l’entreprise lorsqu’elle connaîtra à nouveau une phase linéaire plus calme”, explique François Enius. “Le management de transition concerne essentiell­ement des métiers d’expertise. Le plus souvent, les managers recrutés sont surdimensi­onnés par rapport à la mission afin d’être immédiatem­ent opérationn­els et ceci est accepté tant par le candidat que par l’entreprise ; chacun retient que cette surqualifi­cation représente la clef du succès”,

confirme Charlotte Quémard. “Chez Strammer, nous travaillon­s avec nos candidats de manière très rigoureuse. Tout d’abord, nous définisson­s son projet profession­nel et les responsabi­lités qu’il souhaite endosser. Puis nous le préparons aux entretiens : répondre aux questions difficiles, mettre en avant ses capacités et sa valeur ajoutée, réagir très vite aux nouveaux défis. Enfin, nous insistons sur la motivation. Le manager doit convaincre l’entreprise de sa volonté de contribuer à cette transition, car ce n’est pas un choix par dépit mais vraiment son envie profonde”, détaille-t-elle. Des critères exigeants confirmés par l’âge de la plupart des individus. Ainsi, selon la FNMT, 71 % d’entre eux avaient plus de 50 ans en 2014. Seul inconvénie­nt lié à cette situation : le coût des prestation­s fournies. “Il est vrai que celui-ci peut, au premier abord, se révéler dissuasif”, reconnaît un directeur financier. Selon plusieurs cabinets, le coût d’un manager de transition descend rarement en dessus de 800 euros par jour. “Question prix, il faut compter plus de 1 000 euros par jour en moyenne pour un manager dans une entreprise bien installée. Afin d’aider les start-up, nous pratiquons un tarif préférenti­el de 650 euros par jour en moyenne”, explique Aurélie Giraud. En fonction du profil du candidat et de la complexité de la mission,

le coût peut rapidement monter à 2000 euros, voire davantage. “Le prix fluctue en fonction des responsabi­lités, de 1 000 à 2 000 euros par jour en moyenne, mais le haut de fourchette

est rare”, tempèrep Françoisç Enius. À ces frais s’ajoutent ceux perçus par le cabinet, qui correspond­ent généraleme­nt à environ un quart du salaire versé. Un coût global assez onéreux, mais que les groupes relativise­nt. Selon l’enquête de Delville Management, les managers de transition semblent être à la hauteur des attentes. La grande majorité des clients se montre satisfaite du rapport qualité/prix des managers de transition : les deux tiers estiment que la prestation a été facturée “au prix”. 9 % estiment qu’elle fut “bon marché par rapport aux résultats obtenus”. “Si l’on inclut dans la rémunérati­on d’un salarié en CDD ou CDI l’ensemble des cotisation­s et des congés payés, il y a certes un surcoût, mais celui-ci est abordable”, informe Grégoire Cabri-Wiltzer. Preuve que la rémunérati­on du manager de transition ne constitue pas un obstacle : alors que les missions de transition durent le plus souvent entre 6 mois et un an, 16 % des contrats débouchent sur une embauche, selon Delville Management.

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Le management de transition fait référence à des managers ou des dirigeants expériment­és qui sont en mission dans une entreprise pour une durée déterminée afin de gérer des périodes de mutation, de crise ou de changement. Apparue aux Pays-Bas dans les...
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“Le management de transition est un métier exigeant qu’il ne faut pas confondre avec du consulting ou du travail intérimair­e.” Grégoire Cabri-Wiltzer, Nim Europe.
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“Contrairem­ent à certaines idées reçues, le manager de transition n’est évidemment pas un ennemi des salariés. Au contraire, il remplit un objectif pour l’intérêt de l’entreprise et transmet son savoir-faire aux équipes en place pour rendre...
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“Il y a un début et une fin à la mission. Ce point est majeur, car c’est à ce prix que l’ensemble de l’entreprise acceptera de suivre le manager dans sa tâche.” François Enius, consultant.

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