TRUMP POWER
À Washington, M. Trump a deux maisons…
Si Donald Trump n’avait pas eu un bail de quatre ans au 1 600 Pennsylvania avenue, il aurait pu loger au numéro 1100. Ces deux adresses sont un raccourci de sa vie : d’un côté la Maison-Blanche, de l’autre le “Trump International Hotel”. En 2013, Donald Trump a remporté contre plusieurs grandes chaînes d’hôtels le droit de transformer en hôtel de luxe l’ancienne grande poste de Washington, un énorme édifice construit dans le style néogothique que les Américains adoraient à la fin du XIXe siècle. Deux mois avant d’être élu président, il y a inauguré le dernier fleuron de ses 15 hôtels de grand luxe répartis sur trois continents. On peut penser que le futur président a eu une prémonition en se rapprochant ainsi de l’épicentre du pouvoir. On peut également penser qu’il ne l’a pas eu, ou bien que ses avocats ont négligé une clause en petit caractère du contrat signé avec la ville de Washington : il stipule en effet que, pour éviter les conflits d’intérêts, les lieux ne peuvent pas être exploités par un élu. Cette clause a récemment été exhumée par des… démocrates. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de complications que suscite l’accession à la présidence de la figure de proue d’un empire financier. La Maison-Blanche a vu arriver d’autres “businessmen”. Le magazine ‘Time’ notait récemment que les quatre présidents qui avaient fait prospérer leurs entreprises, Herbert Hoover dans les mines, le premier George Bush dans le pétrole, le second dans le pétrole et le baseball, et Jimmy Carter dans les plantations de cacahuètes, avaient vu l’économie plonger pendant leurs mandats. En revanche l’économie s’est redressée sous Harry Truman, qui avait coulé toutes les affaires qu’il touchait dans sa vie de citoyen ordinaire.
Derrière le président, la marque
En tout cas, aucun d’eux n’avait géré un empire comparable à celui de la famille Trump, composé de plus de 500 sociétés, qui vont des fameuses Trump Towers (il y en a 33 à travers le monde) à une marque de vodka que l’intéressé ne boit pas puisqu’il ne touche ni à l’alcool, ni au tabac. Comme Donald Trump n’a cessé de le répéter,p aucune loi n’interdit à un président des États-Unis de continuer à gérer ses affaires privées, mais lui-même a convenu que cela ferait désordre. La solution annoncée une dizaine de jours avant qu’il prenne officiellement ses fonctions reproduit plus ou moins le dispositif en vigueur pendant la campagne électorale, où les trois aînés de la famille Trump étaient chargés de la gestion des affaires. Cette fois-ci, seuls les deux fils sont en piste. Ivanka, très proche de son président de père, en sera encore plus proche puisque son mari Jared Kushner a été nommé conseiller de son beaupère, mais elle ne pourra plus, comme elle le faisait par le passé, gérer la branche hôtelière de la compagnie. L’entreprise Trump a toujours été une saga familiale, Donald, qui a fait ses premiers pas au côté de son père Fred, n’a pas pu se résoudre à la laisser sortir du clan. Mais il faudra qu’Eric et Donald Trump Junior s’abstiennent de parler boutique “lorsqu’ils déjeunent avec papa”, si les uns et les autres veulent éviter les soupçons de délit d’initiés. Même s’ils s’astreignent à une stricte discipline de partage des genres, jusqu’à quel point le nom de Trump ne plane-t-il pas comme la statue du commandeur derrière la marque éponyme? On a déjà vu des ambassades et des entreprises se précipiter pour louer les salons de l’hôtel Trump de Washington, au cas où le futur président garderait un oeil sur le remplissage de l’établissement. L’hôtel offre (si l’on peut dire) une suite présidentielle à 15 000 dollars par nuit. Donald Trump ne l’occupera que si les services secrets lui donnent quartier libre pour la nuit, mais il aura gratuitement à peu près les mêmes services à la Maison-Blanche, à laquelle Ronald Reagan avait décerné le titre d’hôtel 8 étoiles. Le “Trump International Hotel” n’en a que 5 : ce passage dans la résidence présidentielle servira peut-être, après tout, d’inspiration pour les futurs établissements de la chaîne. * Anne Toulouse, journaliste franco-américaine, vient de publier ‘Dans la tête de Trump’ chez Stock (septembre 2016). Elle inaugure à l’occasion de l’installation de Donald Trump le 20 janvier, une chronique américaine dans nos colonnes, intitulée Trump Power, qu’elle partagera avec Vincent Michelot, universitaire spécialiste de l’histoire politique américaine.
On a déjà vu des ambassades et des entreprises se précipiter pour louer les salons de l’hôtel Trump de Washington, au cas où le futur président garderait un oeil sur le remplissage
de l’établissement